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Kazakhstan : nouveau gouvernement et retrait des troupes étrangères

Le Parlement du Kazakhstan s'est réuni le 11 janvier dernier pour une session spéciale au cours de laquelle le président Kassym-Jomart Tokaïev a annoncé des réformes et le retrait prochain des troupes de l'OTSC. Alikhan Smaïlov a été nommé Premier ministre.

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Le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a évoqué à nouveau la situation du Kazakhstan face aux parlementaires le 11 janvier 2022.

Le Parlement du Kazakhstan s’est réuni le 11 janvier dernier pour une session spéciale au cours de laquelle le président Kassym-Jomart Tokaïev a annoncé des réformes et le retrait prochain des troupes de l’OTSC. Alikhan Smaïlov a été nommé Premier ministre.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 11 janvier 2022 par notre version allemande.

Le Kazakhstan a un nouveau gouvernement. Lors d’une session spéciale du Majilis, le Parlement kazakh, le Premier ministre par intérim Alikhan Smaïlov a été confirmé dans ses fonctions à l’unanimité par les députés le 11 janvier dernier, décrit le média en ligne kazakh Masa Media. La composition du nouveau gouvernement, comptant 20 ministres dont 19 hommes, a également été approuvée par le Parlement et le président, rapporte le média kazakh Vlast.

Seuls sept ministres sont des nouveaux venus, relève le média kazakh Orda, les 13 autres étant déjà membres du gouvernement précédent. Né en 1972, Alikhan Smaïlov a été au fil des ans assistant du président, ministre des Finances et, plus récemment, vice-Premier ministre. Le 5 janvier dernier, il a été nommé Premier ministre par intérim à la suite du limogeage du gouvernement par le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev après l’émergence de manifestations de masse.

Le président kazakh critique les autorités

Lors de la session parlementaire, le président kazakh s’est également adressé aux députés. Dans son discours, il a vivement critiqué les différentes autorités et a promis des réformes importantes. Comme l’a rapporté Orda, Kassym-Jomart Tokaïev a déclaré dans son discours qu’une guerre terroriste avait été déclenchée contre le Kazakhstan. Mentionnant un « mal » ayant eu des « intentions cruelles », le président a estimé qu’il y avait eu une tentative de coup d’État ayant échouée, bien qu’elle ait été planifiée par « des professionnels ».

Il estime qu’il est de sa responsabilité personnelle de veiller à ce que l’ordre public à Almaty soit « restauré le plus rapidement possible ». La capitale économique du pays a été particulièrement touchée par les violences des manifestations entre le 5 et le 7 janvier derniers. Kassym-Jomart Tokaïev a vivement critiqué les services secrets nationaux, le Comité de sécurité nationale (KNB).

Celui-ci n’aurait pas vu de menace critique pour la sécurité nationale dans les émeutes, bien que les « attaques terroristes » aient été préparées depuis de nombreuses années. De plus, dans un certain nombre de villes, les directions locales du KNB auraient livré leurs bâtiments sans résistance, tandis que des armes et des documents secrets s’y trouvaient encore. L’ancien chef du KNB, Karim Massimov, a été arrêté le 6 janvier, au lendemain de son licenciement, pour suspicion de trahison de l’État, comme l’a relayé Vlast.

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D’autres parties de l’appareil d’État ont également souffert les critiques du président. Comme le rapporte Masa Media, Kassym-Jomart Tokaïev a exigé que la sélection du personnel dans la fonction publique soit améliorée. Selon lui, des fonctionnaires sans initiative bloquent des postes et freinent les jeunes professionnels prometteurs. Il juge que les faibles ressources humaines, le formalisme et la corruption entraînent un manque de confiance dans les autorités, et que les directeurs d’administration ne savent pas comment communiquer avec les citoyens.

Réformes politiques et économiques

Dans la foulée, Kassym-Jomart Tokaïev a annoncé un ensemble de réformes politiques et économiques. « Il est nécessaire de changer la relation entre l’État et la société. Nous avons besoin d’une nouvelle forme de contrat social. Le Kazakhstan continuera sur la voie de la modernisation politique », a déclaré le président, selon le média kazakh Tengrinews. Selon Orda, le chef de l’État a accordé une priorité particulière à la réforme du système de justice pénale. Kassym-Jomart Tokaïev veut éviter que l’extrémisme religieux et les criminels ne s’allient dans les prisons.

L’organisation des services de renseignement internes et externes devrait également être restructurée. En ce qui concerne l’économie, le président a constaté que les revenus de tous les groupes de population devraient croître avec l’économie. Or, ce n’est pas le cas au Kazakhstan. Ce sont plutôt les groupes financiers et oligarques qui profitent du système économique. « Grâce au premier président [Noursoultan Nazarbaïev, ndlr], un groupe d’entreprises très rentables et une couche de personnes riches, même en comparaison internationale, sont apparus dans le pays », a ajouté le président kazakh, selon Masa Media.

Ces personnes devraient à l’avenir être obligées de verser chaque année des contributions à un fonds social d’utilité publique nouvellement créé. Il s’agit de la première critique directe envers l’ancien président kazakh (1989-2019), qui se trouverait officiellement à Nur-Sultan, la capitale, mais qui n’a pour l’heure pas communiqué directement depuis le début des évènements le 2 janvier dernier.

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Dans le détail, Kassym-Jomart Tokaïev estime que des réformes sont nécessaires en ce qui concerne la banque de développement. « La Banque de développement du Kazakhstan s’est transformée en une banque personnelle pour un certain cercle de personnes dont nous connaissons tous les noms. Cet argent pourrait être utilisé pour soutenir les petites entreprises. Il est nécessaire de réformer les activités de la banque », a déclaré le président.

Il s’est également prononcé en faveur d’un moratoire de cinq ans sur l’augmentation des salaires des fonctionnaires et des représentants du gouvernement. Les manifestations, d’abord pacifiques, qui ont éclaté le 2 janvier dans l’ouest du Kazakhstan et se sont étendues à d’autres régions du pays le 4 janvier, étaient principalement motivées par des raisons politiques et sociales. Les inégalités sociales dans le pays ont de fait entraîné une grande partie de la population dans l’endettement et la pauvreté.

Les troupes de l’OTSC sur le point de se retirer

Par ailleurs, Kassym-Jomart Tokaïev a répété que les troupes de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), auxquelles il avait demandé de venir en aide dans le pays le 5 janvier, étaient sur le point de se retirer. Comme le rapporte Masa Media, il a déclaré que la mission principale du contingent de paix de l’OTSC était terminée. Le retrait devrait commencer demain et s’achever d’ici dix jours. Les troupes, en grande majorité russes, ont été déployées principalement à Almaty.

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Le président kazakh n’a toutefois pas fourni de preuves de ses déclarations répétées selon lesquelles son pays serait victime du terrorisme international. Des doutes subsistent quant à la version officielle, notamment après la diffusion le 9 janvier par la chaîne de télévision Khabar 24 d’une « confession » d’un « terroriste » étranger, dans laquelle l’homme affirme être venu au Kazakhstan pour participer aux pillages contre rémunération. Il s’est toutefois avéré que l’homme, visiblement maltraité auparavant, était le célèbre musicien de jazz kirghiz Vikram Rosakhounov, en tournée à Almaty.

Après une intervention du Kirghizstan, le musicien a été libéré le 10 janvier sans être inculpé et a pu rentrer au Kirghizstan. Le 11 janvier, le média russe Meduza, basé en Lettonie, a rapporté que le milliardaire russe Igor Rybakov était retenu contre son gré au Kazakhstan, car il était lui aussi considéré comme un terroriste.

Une situation stable

Devant le Parlement, Kassym-Jomart Tokaïev a déclaré que la situation était désormais stable. À Almaty, où la violence a été la plus forte, la vie reprend peu à peu son cours. Les transports publics fonctionnent à nouveau quoique faiblement, et les transferts financiers ont été restaurés. Alors que l’aéroport d’Almaty est toujours hors service, le trafic aérien semble se stabiliser dans d’autres régions du pays. Comme le rapporte Vlast, Turkish Airlines souhaite reprendre dans les prochains jours les liaisons aériennes vers Nur-Sultan, Aktaou et Turkistan.

Air Astana fait savoir dans un communiqué qu’elle a repris ses activités à l’aéroport de Nur-Sultan le 7 janvier et qu’elle dessert une série de destinations nationales et internationales – dont Francfort, Moscou, Istanbul et Dubaï. Selon les autorités, 9 900 personnes ont été arrêtées au 11 janvier, relaie Masa Media. Aucun chiffre officiel n’a encore été communiqué concernant les victimes. Les seules informations disponibles décrivent la mort de 17 membres des forces de sécurité, selon Orda.

Alors que la connexion à Internet était à nouveau interrompue le soir du 10 janvier, elle semblait rétablie le 11 janvier. Reste à savoir dans quelle mesure la situation s’est durablement calmée. Le retrait annoncé des troupes de l’OTSC indiquerait que la lutte de pouvoir au sein des élites, qui selon certains analystes serait derrière les événements de la semaine dernière, a été tranchée en faveur de Kassym-Jomart Tokaïev. Les semaines à venir montreront si les réformes qu’il a promises aujourd’hui seront mises en œuvre et si elles sont susceptibles de rétablir la confiance dans sa présidence.

Robin Roth
Rédacteur en chef de Novastan

Relu par Baptiste Longère

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