Les pays d’Asie centrale se partagent les pentes du Tian Shan. Ils ont donc tenté de développer des stations de ski et de se lancer dans le tourisme d’hiver. Certaines stations ont vu le jour, mais beaucoup sont restées à l’état de projet : les difficultés financières et administratives, le réchauffement climatique et la crise du Covid ont rendu difficile leur réalisation et leur développement.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 20 avril 2021 par le média kazakh Kursiv. Les pays d’Asie centrale se partagent les pentes du Tian Shan, souvent comparé aux Alpes. Ces pays ont la possibilité de faire des stations de sports d’hiver de cette région une destination de choix pour les amateurs de ski. Le média kazakh Kursiv décrit ici ces opportunités. Dès 1996, lorsque le premier programme d’Etat dans ce domaine est apparu au Kirghizstan, le pays a réfléchi au développement du tourisme, notamment à la création de stations de ski. Par la suite, plusieurs autres documents ont été adoptés, affirmant la volonté du Kirghizstan de se promouvoir sur la scène internationale en tant que principal point d’attraction pour les voyageurs en Asie centrale. L’accent a été mis sur le développement du tourisme d’hiver, que les conditions naturelles permettent d’exploiter : 40 % du territoire du Kirghizstan se trouve dans les montagnes.
Soutenez Novastan, le media associatif d’Asie centrale
En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média en anglais, français et allemand spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !
À la fin de l’année 2020, il s’est avéré que l’industrie du tourisme d’hiver avait besoin de l’aide du gouvernement afin de survivre. C’est ce qu’indique le projet du modèle de développement du tourisme d’hiver en République kirghize pour la période 2021-2025.
Des investissements léthargiques
Le document indique que les problèmes rencontrés par cette industrie ont commencé à s’aggraver avant même la pandémie. Les investissements dans la construction et la reconstruction de stations de ski et de lieux d’hébergement pour les touristes saisonniers ont été léthargiques : selon les experts, de 1991 à 2020, ils s’élèvent à 20-30 millions de dollars (17,8-26,7 millions d’euros). En général, les investissements dans le tourisme n’ont dépassé 64 millions de dollars (57 millions d’euros) qu’en 2018. L »estimation du nombre de visites dans les stations pendant la saison de ski, de la mi-décembre à la mi-mars, se situe entre 60 000 et 80 000 personnes par jour, avec environ 95 % de visiteurs locaux. Lire aussi sur Novastan : Quand un champion du monde de ski français découvre le Kirghizstan Selon les responsables de la station de ski de Karakol, dans l’est du pays, la fréquentation des touristes étrangers est passée de 90 % à 50-60 % au cours des dix dernières années. Il convient de noter que la situation à Karakol a un impact sérieux sur l’ensemble de la sphère du tourisme d’hiver au Kirghizstan. Plusieurs raisons expliquent cette stagnation du tourisme du ski de montagne. Tout d’abord, les stations elles-mêmes n’ont pas voulu investir ni dans le développement des infrastructures ni dans l’augmentation de leur capacité. Les stations ayant un bon service ont attiré les flux de touristes, et les concurrents faibles ont tout simplement coulé.
Les gros projets « coulent » les petits
À titre d’exemple, les auteurs du modèle citent le lancement et le développement de la station de ski de Tchounkourtchak qui, en conséquence, a réduit le nombre de touristes dans les stations de la province de Tchouï comme celles de Orouu-Saï, Kachka Souu et Noorous. Ces stations n’ont pas développé de produit ou de projet supplémentaire qui leur auraient permis d’être plus rentable plus en hiver et d’avoir des revenus en dehors de la saison de ski. En outre, le tourisme d’hiver au Kirghizstan a déjà été confronté au fait que les conditions naturelles favorables au développement ont été exploitées au maximum. En raison du réchauffement climatique, la neige a disparu aux altitudes inférieures à 1500 mètres, où se trouvent plusieurs stations de ski. Par exemple, les remontées mécaniques ne fonctionnaient plus dans les villages de Sosnovka et de Strelnikovo, où se trouve la station de Koï-Tach. Les auteurs du modèle de développement du tourisme hivernal citent un certain nombre d’autres raisons ayant eu un impact négatif sur ce secteur touristique : la baisse des revenus de la population kirghize, l’incapacité de développer des infrastructures en raison de la spécificité de la législation foncière et, bien sûr, le facteur Covid.
Des partenariats
Le modèle propose d’utiliser l’intérêt pour le tourisme d’hiver des pays partenaires habituels – la Russie et le Kazakhstan – ainsi que de connecter l’Ouzbékistan avec le Kirghizstan, celui-ci souhaitant développer son tourisme dans la région sud-ouest. Le Kirghizstan prévoit également d’attirer les touristes des pays européens et de l’Asie du Sud-Est et du Sud-Ouest. Lire aussi sur Novastan : Au Kirghizstan, le coronavirus révèle l’envers du développement touristique Selon Kirill Irguistsev, responsable de l’association des stations de ski du Kirghizstan, le pays compte 17 stations de ski, dont neuf sont équipées de télésièges. « Les investissements dans les stations du Kirghizstan sont principalement réalisés par des citoyens locaux. La modernisation des installations ainsi que l’amélioration des infrastructures ont lieu presque chaque année. Les effets de la concurrence sont rudes pour leurs clients, car pour le moment, l’offre est supérieure à la demande », a déclaré Kirill Irguistsev. Selon lui, le tourisme d’hiver au Kirghizstan peut et doit être développé, d’autant plus que le pays est attractif car le prix des forfaits allant de 5 à 14 dollars (4,45 à 12,47 euros) reste bas par rapport aux prix des stations mondiales.
Karakol
La station de Karakol a été construite durant l’époque soviétique, à sept kilomètres de la ville du même nom. Le prix du forfait journalier varie entre 10,5 et 14 dollars (entre 9,3 et 12,4 euros), la longueur des pistes de ski est de 20 kilomètres. En 2004, la base a été modernisée, et non seulement des locaux mais aussi des touristes étrangers s’y rendaient. En 2014, selon la branche russe du magazine Forbes, la station de ski de Karakol figurait dans le top 10 des meilleures stations. Les touristes russes peuvent s’y rendre sans visa. Selon les experts, ces évènements ont affecté le développement de la ville. Le tourisme est devenu la principale source de revenus des habitants de Karakol : de 2009 à 2019, le montant des revenus est passé de 86 millions à 222 millions de soms ( de 900 000 à 2,3 millions d’euros).
Too Achouu
La station de Too Achouu est située sur le versant sud du col du même nom, à 120 kilomètres au sud-ouest de Bichkek, à une altitude de 3 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le prix d’un forfait journalier est de 5 à 10 dollars (4,4 à 8,9 euros), et la longueur des pistes est de 8,4 kilomètres. Les pistes et chemins y sont bien entretenus. Les accros de l’adrénaline peuvent y pratiquer l’héliski, ce qui consiste à amener des personnes sur des pistes difficilement accessibles à l’aide d’un hélicoptère. De là, les visiteurs descendent les pentes en ski ou en snowboard. La station dispose également d’une patinoire.
Trois stations kirghizes renommées
La station de ski Orlovka s’efforce également d’attirer le plus grand nombre de personnes possible, en proposant même des offres aux entreprises. Ces dernières peuvent organiser leurs évènements à 100 kilomètres de Bichkek, à l’air libre, à une altitude de 1500 mètres au-dessus du niveau de la mer. La station d’Ak Tüz, située à 140 kilomètres de Bichkek dans la vallée de Kitchi-Kemin, est opérationnelle depuis 2019. Les propriétaires décrivent leurs pistes de manière classique : elles sont, selon eux, « à la fois pour les débutants et les professionnels ». D’après les médias kirghiz, l’investissement dans la station d’Ak-Tüz s’élève à 2 millions de dollars (1,8 millions d’euros). La station de Kachka Souu, située à 35 kilomètres de Bichkek, a commencé son développement à la fin des années 1970 en tant que club de fans de ski alpin dans l’une des usines locales. Aujourd’hui, la base dispose de six pistes, de deux téléphériques et d’une patinoire.
Kazakhstan
Au Kazakhstan, en 2012, le gouvernement a chargé la compagnie Ecosign Mountain Resort Planners Ltd d’élaborer une étude sur le développement de stations potentielles près d’Almaty, dans le sud du pays. Les experts internationaux ont identifié neuf zones d’intérêt : Ak-Boulak, Tabagan, Tourgen Nord, Chymboulak, Kok Jaïlaou, le grand lac d’Almaty et Kaskelen. Ce projet devait s’étendre le long des contreforts du Trans-lli Alataou sur près de 100 kilomètres, de Kaskelen à l’ouest à Tourgen à l’est. Lire aussi sur Novastan : Kazakhstan : le tourisme de masse accusé de mettre en péril la région de Manguistaou Selon le calcul des experts, la seule station du sud de Kaskelen pourrait accueillir 31 600 skieurs par jour. De plus, la station de montagne Tourgen, ayant un potentiel de 1,3 million de visiteurs par an, soit actuellement près de trois fois plus que la station de Chymboulak, devait comprendre jusqu’à 16 000 lits dans des hôtels et des chalets, 80 à 100 kilomètres de pistes ainsi que 13 à 17 remontées mécaniques. Le coût total de ces projets s’élevait à 1 milliard de dollars (886 millions d’euros). Le gouvernement a approuvé le plan en 2013, mais ce dernier ne s’est jamais concrétisé. Ce n’est qu’en 2019 que le projet a été partiellement inclus dans le programme d’Etat sur le développement du pôle de montagnes d’Almaty (AGK). Le potentiel d’AGK était estimé à 2,5 millions de personnes, et le principal flux des visiteurs devait être généré par le tourisme d’hiver. Les quatre stations existantes de Chymbulak, Lesnaïa Skazka, Ak-Boulak et Tabagan, ainsi que les quatre stations en projet de Tourgen, Kaskelen, Kok-Gaïlaou et Almaty Hills ont été identifiées comme des sites prometteurs. Afin de stimuler le développement des infrastructures, le gouvernement a ensuite offert aux investisseurs des prêts préférentiels pour la construction de logements, le remboursement jusqu’à 25 % des achats de machines et d’équipements, ainsi que des privilèges fiscaux. Toutefois, jusqu’à présent, des investisseurs n’ont été trouvés que pour deux projets : l’expansion des stations de montagne Lesnaïa Skazka et Ak-Boulak.
Chymboulak
Au début des années 2000, la station de Chymboulak a été conçue en vue d’y construire des hôtels de classe internationale et un village alpin constitué d’installations résidentielles et commerciales, notamment des restaurants, des bars, des cafés, des centres commerciaux, un centre sportif avec une piscine extérieure et un parc sur les rives de la Malaïa Almatinka. Le propriétaire de la station Chymbulak Development SRL avait prévu d’investir 1,37 milliard de dollars (1,2 milliards d’euros) dans le projet, mais en raison de la crise de 2008, il a dû se limiter à la construction de la télécabine reliant Medeo à Chymboulak, à l’installation de nouveaux téléphériques dans la station, à l’extension des pistes, à l’ouverture du bâtiment de location et à de nouveaux cafés et restaurants. Aujourd’hui, le Fonds des prêts non productifs continue à chercher l’investisseur qui réalisera les plans du début des années 2000, pour enfin construire des hôtels et des immeubles habitables. Le manque de structures d’hébergement ne permet pas d’attirer suffisamment de visiteurs dans la station pour assurer un taux de fréquentation régulier par semaine.
Oï-Qaragaï Lesnaïa Skazka
La station toutes saisons Oï-Qaragaï Lesnaïa Skazka (le conte de la forêt en russe, ndlr), conçue pour les familles et les enfants, a commencé à se développer en 2010. Le propriétaire, la société Alina, a investi 100 millions de dollars (88,6 millions d’euros) dans la première phase de développement de cette station pendant dix ans. Les investissements ont permis de plus que doubler le nombre de visiteurs pendant la crise du coronavirus : de 68 000 personnes en 2019 à 150 000 personnes en 2020. En mars 2021, les propriétaires ont commencé à agrandir la station grâce au développement du plateau d’Aktas. Ils sont prêts à dépenser 250 millions de dollars (221,5 millions d’euros) pour cette étape. En trois ans, la longueur totale des pistes de ski devrait être multipliée par trois, pour atteindre 60 kilomètres. La station comprendra de nouveaux restaurants, des terrains de sport, des plans d’eau, une terrasse panoramique et des hôtels. Après la réalisation du projet, le nombre de visiteurs devrait être multiplié par plus de quatre pour atteindre 620 000 personnes par an.
Ouzbékistan
L’Ouzbékistan n’a aucun projet de développement du tourisme d’hiver et il n’existe aucun programme de développement des sports d’hiver. « Il fut un temps où l’opinion dominante était que l’Ouzbékistan n’avait pas besoin du ski de montagne parce que c’était un pays chaud. Aujourd’hui, cette opinion a changé », déclare Bekhzod Yaboukov, président de la Fédération de ski d’Ouzbékistan. Lire aussi sur Novastan : L’Ouzbékistan veut développer son tourisme extérieur et domestique Le seul endroit en Ouzbékistan, qui soit doté d’une infrastructure de ski moderne est la station toutes saisons d’Amirsoï. Elle est située à 65 kilomètres de Tachkent, sur les contreforts de la crête de Tchatkal dans le Tian Shan occidental. Le complexe de 892 hectares a été construit en moins de deux ans ; sa première phase a été inaugurée en décembre 2019. Ce projet a été mis en œuvre par la société andorrane PGI Management. Le complexe comprend des centres plurifonctionnels, des chalets alpins, des restaurants, des bars, des spas, des piscines et d’autres installations de loisirs. Il dispose également d’une télécabine et d’un télésiège. Lire aussi sur Novastan : Des entreprises françaises partenaires d’une station été hiver en Ouzbékistan Les préparatifs sont en cours pour la construction de la seconde phase de la station : deux hôtels supplémentaires, de nouvelles remontées mécaniques et 16,8 kilomètres de pistes seront ajoutés.
Tchimgan et Beldersaï
Deux autres stations de ski dans la région de Tachkent sont celles de Tchimgan et de Beldersaï. Situées à cinq kilomètres l’une de l’autre, les deux stations disposent de télésièges datant de l’ère soviétique et de téléskis. La situation est appelée à changer dans un avenir proche. Il est prévu d’ouvrir la zone de séjour international de Beldersaï-Tchimgan-Nanaï dans l’oblast de Tachkent. À Tchimgan et Beldersaï apparaîtront 60 kilomètres de pistes de ski alpin et 29 kilomètres de téléphériques. Le coût du projet est de 480 millions de dollars (425 millions d’euros), dont plus de la moitié sont des investissements directs et des crédits de l’Agence française de Développement et du Trésor français. La construction commencera en décembre 2021. Lire aussi sur Novastan : L’hiver en Ouzbékistan : un week-end enneigé à Soukok La création d’un autre complexe touristique toutes saisons, avec des pistes de ski, est prévue dans le district de Zaamin dans la province de Djizak. Le coût du projet est de 300 millions de dollars (266 millions d’euros).
Tadjikistan
Safed Dara est la seule station au Tadjikistan où il est possible de skier. Cette base datant de l’ère soviétique a été privatisée en décembre 2015, à la condition que l’acheteur investisse au moins 6 millions de dollars (5,3 millions d’euros) dans le développement de la station au cours des cinq prochaines années. Ce projet a été lancé en 2016. Lire aussi sur Novastan : Sports d’hiver au Tadjikistan, un potentiel à développer Un téléphérique récent a été ajouté au téléphérique soviétique, ainsi que des hôtels, des centres commerciaux, des restaurants et une patinoire, la seule du Tadjikistan. En décembre 2016, Ismatoullo Ziyoïev, alors directeur adjoint de Faroz, l’entreprise qui a acquis la station, a déclaré que la période de remboursement prévue pour la station était de 18 à 20 ans.
Turkménistan
Le Turkménistan envisageait de construire une station de ski près d’Achgabat, qui est bordée d’un côté par le désert du Karakoum et de l’autre par les montagnes du Kopet Dag.
En 2005, Saparmourat Niyazov, l’ancien président du Turkménistan, parle pour la première fois d’un « miracle dans le désert » créé par l’homme, plus exactement sur les pentes du Kopet Dag. Cependant, il n’a jamais fait construire la station de ski, Altyn Asyr (âge d’or en turkmène, ndlr). L’idée de développer ce secteur a été reprise par le président suivant, Gourbangouly Berdymoukhamedov. En 2012, il a ordonné la construction d’une station de ski moderne, dotée d’un système d’enneigement artificiel, sur les pentes du Kopet Dag. La même année, les entreprises de construction françaises Bouygues et Vinci ont présenté leurs projets. Lire aussi sur Novastan : Bouygues au Turkménistan, une présence à toute épreuve Ces projets prévoyaient un téléphérique de plus de neuf kilomètres de long, qui devait partir des contreforts des montagnes du Kopet Dag. Un parc avec des fontaines, des restaurants et des cafés devait être situé à une hauteur de 1 050 mètres. De là, un téléphérique devait conduire aux pentes du mont Stolovaïa, à une piste de ski couverte d’une neige artificielle. Un autre téléphérique devait mener à la plate-forme d’observation située plus haut, à 1 930 mètres d’altitude. Il était également prévu de construire un complexe de ski indoor au point de départ du téléphérique. Mais ce dernier n’a jamais été construit…
La rédaction de Kursiv
Traduit du russe par Salomé De Baets
Édité par Christine Wystup
Relu par Jacqueline Ripart
Merci d'avoir lu cet article jusqu'au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !