Lors d’un forum spécial organisé à Bruxelles par l’Agence hongroise de promotion des exportations et l’Organisation des États turciques, son secrétaire général, Koubanytchbek Omouraliev, a accordé un entretien.
L’Organisation des États turciques (OET) doit relever de nombreux défis, notamment logistiques et commerciaux, pour maintenir sa cohésion et se développer. Ces questions concernent notamment le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan en tant qu’États membres, et le Turkménistan en tant que pays observateur.
Un forum a été organisé à Bruxelles par l’Agence hongroise de promotion des exportations et l’OET. A cette occasion, Koubanytchbek Omouraliev, diplomate kirghiz, actuellement secrétaire général de l’OET, a accepté de détailler les perspectives de l’Organisation.
Novastan : Quelles mesures importantes l’Organisation des États turciques (OET) a-t-elle prises ces dernières années ?
Koubanytchbek Omouraliev : Nous avons élargi notre coopération multilatérale à 35 domaines différents, allant de la politique étrangère et du commerce à l’énergie, l’économie verte, le tourisme, la numérisation et même la recherche spatiale. La coopération économique entre les États membres constitue un aspect essentiel et dynamique de l’intégration et de la collaboration globales au sein du monde turc.
L’un des principaux mécanismes que nous avons mis en place pour renforcer la coopération est la Chambre de commerce et d’industrie turque (TCCI), qui constitue une plateforme clé pour le renforcement des relations commerciales entre nos États membres.
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Un autre développement majeur est le Comité de facilitation des échanges (TFC), qui vise à rationaliser les processus commerciaux, à supprimer les obstacles et à améliorer l’environnement commercial global dans la région.
Lors du récent sommet de Bichkek, nous avons signé l’accord de partenariat pour l’économie numérique, qui marque une avancée majeure vers le commerce numérique et la transformation au sein de notre région.
Bien que le potentiel d’expansion des échanges commerciaux soit énorme – compte tenu de sa position stratégique – il reste encore des obstacles à surmonter. Selon les résultats définitifs de 2024, les États membres de l’OET se classent au 12ème rang mondial en termes de PIB total. Toutefois, les échanges interétatiques entre les États membres de l’OET représentent actuellement seulement autour de 7 % de leurs échanges totaux, soit environ 58,17 milliards de dollars (53,63 milliards d’euros). Il y a quelques années, ce chiffre n’était que de 3 %, nous constatons donc une croissance encourageante. Notre objectif est désormais de porter cette part à 10 % le plus rapidement possible.
Pour y parvenir, nous nous attaquons aux obstacles en matière de transport et de logistique, avec des projets à long terme comme le corridor médian. En passant par nos États membres, il offre des avantages incomparables et peut acheminer des marchandises de la Chine vers l’Europe trois fois plus vite que par les voies maritimes.
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Les améliorations des infrastructures le long du corridor médian devraient tripler le volume de marchandises transportées d’ici 2030, pour atteindre 11 millions de tonnes. Un élément essentiel est le projet de chemin de fer Chine-Kirghizstan-Ouzbékistan, qui réduira considérablement les distances de transit et a le potentiel de transporter jusqu’à 15 millions de tonnes de marchandises par an. Ces dernières années, nous avons assisté à une croissance substantielle du transport de marchandises le long de cette route. Au cours des 11 premiers mois de 2024, le volume de marchandises transportées le long du corridor médian a bondi de 63 %, pour atteindre 4,1 millions de tonnes.
Nous avons également réalisé des progrès significatifs en matière de coopération dans les domaines des transports et des douanes. Des accords tels que le corridor douanier simplifié, le transport international combiné de marchandises et des initiatives de numérisation telles que E-Permit, E-CMR et E-TIR contribuent à rationaliser la logistique et à améliorer l’efficacité commerciale.
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Compte tenu de la situation stratégique des pays membres de l’OET, le corridor médian constitue une voie de transit vitale pour les pays de l’Union européenne (UE) qui recherchent des voies alternatives et efficaces vers l’Asie. L’UE peut exploiter le potentiel de la région de l’OET en s’engageant dans des projets collaboratifs qui améliorent les infrastructures, harmonisent les réglementations et favorisent des échanges commerciaux fluides.
La coopération en matière de sécurité est tout aussi essentielle à notre travail. Nous avons mis en place des mécanismes clés de collaboration, notamment des consultations régulières sur les questions politiques et de sécurité, le partage de renseignement et l’élaboration de politiques et de procédures de sécurité, un mécanisme de protection civile pour répondre aux catastrophes naturelles et aux situations d’urgence.
En matière d’éducation et de culture, nous avons également réalisé des progrès remarquables. L’Union des universités turques, qui regroupe aujourd’hui plus de 100 universités, facilite la coopération universitaire et promeut des normes éducatives communes. Culturellement, les Jeux nomades mondiaux, lancés par le Kirghizstan en 2012, sont devenus une célébration mondiale de notre héritage nomade commun, attirant des participants du monde entier. La 6ème édition à venir au Kirghizstan en 2026 promet de s’appuyer sur cet héritage.
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Nous avons également mis en lumière le riche patrimoine culturel de notre région à travers les projets Route turque de la soie et Tabarruk Ziyarat (un projet ayant pour but de relancer le tourisme dans les États turciques en mettant en valeur l’héritage culturel et historique, ndlr).
En outre, le Secrétariat a élaboré et signé des plans de travail ciblés et des protocoles d’accord avec des organismes internationaux clés, notamment des institutions des Nations unies.
Est-il possible que l’OET évolue vers une organisation de type européen à l’avenir ?
Je tiens à souligner que notre objectif principal a toujours été de renforcer les liens entre les États turciques et de construire une base solide pour une coopération mutuellement bénéfique. Nous valorisons notre patrimoine culturel, historique et linguistique unique, qui sert de base à l’approfondissement de l’intégration dans des domaines tels que l’économie, la culture, la sécurité et l’éducation.
Il est toutefois important de noter que l’avenir de l’Est de l’Europe ne doit pas nécessairement suivre le même chemin que celui de l’Union européenne. L’UE est un exemple d’intégration politique et économique, mais son parcours a été façonné par des conditions historiques et politiques spécifiques qui ne correspondent peut-être pas entièrement aux réalités de nos États membres.
Nous sommes néanmoins déterminés à approfondir notre coopération dans le domaine économique, en soutenant des projets visant à développer le commerce, la logistique, le tourisme et d’autres domaines clés.
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À l’avenir, il est possible que l’OET évolue vers une union plus intégrée et plus influente. Cependant, ce processus dépendra de la volonté de nos États membres de travailler ensemble et de trouver un terrain d’entente sur des questions importantes. Il est essentiel que chaque pays préserve sa souveraineté, tandis que l’OET reste une plateforme d’efforts collaboratifs visant à faire progresser les intérêts de nos peuples et de nos nations.
L’OET a donc le potentiel de se développer progressivement et de renforcer sa position sur la scène internationale, mais sous une forme unique qui s’aligne sur les intérêts et les valeurs de nos États.
Quels sont les plus grands défis auxquels l’OET est actuellement confrontée ?
L’OET est confrontée à plusieurs défis, notamment le faible volume des échanges entre les pays membres. Bien que des progrès soient réalisés, l’Organisation doit s’attaquer aux obstacles dans les transports et la logistique pour renforcer davantage la coopération commerciale et économique. Un autre défi consiste à approfondir l’intégration politique tout en équilibrant les intérêts divers de ses États membres.
En outre, à mesure que l’OET étend son influence internationale, elle doit gérer les complexités de l’équilibre des relations avec d’autres organisations mondiales, telles que l’UE, l’ONU et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), pour renforcer sa position diplomatique et économique.
Où voyez-vous l’OET dans les cinq prochaines années et comment peut-elle renforcer son rôle et son influence dans la politique mondiale ?
Un document d’orientation clé pour notre travail est la Vision du monde turc – 2040, qui décrit nos objectifs stratégiques à long terme. Cette vision est centrée sur plusieurs domaines prioritaires, notamment l’approfondissement de l’intégration économique, l’accélération de la transformation numérique, la garantie de la durabilité environnementale et le renforcement de la sécurité. Ces objectifs façonneront la trajectoire de l’OET dans les années à venir.
En ce qui concerne plus particulièrement l’horizon 2025, nous nous concentrons sur l’élargissement de la coopération dans divers secteurs. Sous la présidence du Kirghizstan, le thème de l’année est « donner du pouvoir au monde turc : intégration économique, développement durable, avenir numérique et sécurité pour tous ». Cela résume l’essence de nos ambitions. Nous sommes déterminés à construire un monde turc plus interconnecté, plus résilient et plus tourné vers l’avenir.
Premièrement, deux sommets de haut niveau sont prévus : un sommet informel en Hongrie et le 12ème Sommet en Azerbaïdjan. Ces sommets seront essentiels pour élaborer des décisions stratégiques et faire avancer des initiatives clés. En outre, ils serviront de plateformes essentielles pour évaluer l’avancement des projets en cours, renforcer la coopération et définir de nouvelles priorités pour les États membres de l’OET.
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L’un de nos principaux objectifs est de continuer à renforcer et à élargir la coopération dans les 35 domaines de collaboration existants. En particulier, nous continuerons à mettre en œuvre les décisions prises lors des sommets de Choucha et de Bichkek, en veillant à ce que toutes les initiatives progressent comme prévu et continuent à apporter des avantages tangibles aux États membres.
Une attention particulière sera également portée à l’avancement de l’Accord de libre-échange dans le domaine des investissements et des services. Cette initiative vise à promouvoir la croissance économique en supprimant les obstacles à l’investissement et au commerce entre les États membres, créant ainsi un espace économique plus homogène et intégré.
En bref, au cours des cinq prochaines années, l’OET prévoit de continuer à renforcer la coopération interne, d’élargir les partenariats internationaux et de participer activement aux initiatives mondiales, ce qui aidera l’organisation à renforcer son rôle dans les affaires internationales.
Derya Soysal
Rédactrice pour Novastan
Relu par Elise Medina
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