Pendant quatre jours, le festival Cinema Heritage à Paris a proposé un voyage unique dans l’histoire culturelle des pays des quatre coins du monde. Les films de production centrasiatique se sont distingués parmi les participants, récompensés par plusieurs prix du jury ainsi que des mentions spéciales.
Le berceau du cinéma a accueilli, du 4 au 8 novembre dernier, la deuxième édition du festival Cinema Heritage organisé par l’association Aitysh France sous le patronage de l’UNESCO. 20 films produits par 25 pays, dont le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan, ont fait rire, pleurer, réfléchir le public.
L’initiative a été lancée par Aitysh France, une organisation kirghize créée par le réalisateur et ambassadeur du Kirghizstan en France, Sadyk Cher-Niyaz. L’objectif est de promouvoir l’épanouissement de la culture du pays et de représenter le Kirghizstan dans le monde.
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Cinq films kazakhs, trois films kirghiz et un film ouzbek ont été présentés aux spectateurs parisiens, avec des genres allant de la comédie musicale au drame.
Stop, nuit, d’Aleksander Plotnikov (Kazakhstan)
Stop, nuit explore la vie de Beïbout, un jeune musicien qui s’efforce de réaliser ses rêves tout en s’adaptant à son nouveau rôle de père. Son parcours consiste à équilibrer ses aspirations créatives avec les responsabilités de la vie de famille. L’histoire prend une tournure dramatique lorsqu’il rencontre Joul, une danseuse qui tombe amoureuse de lui.
Le film, qui se déroule dans un paysage urbain animé, aborde les thèmes de l’amour, de l’amitié et de la recherche de l’inspiration créative. Il est basé sur les chansons du groupe kazakh populaire A’Studio et met en valeur le contexte culturel du Kazakhstan. La mise en scène d’Aleksander Plotnikov capture l’essence de la ville et le voyage émotionnel des personnages, ajoutant de la profondeur et de la texture à l’expérience visuelle.
Otages de Guerre d’Eldar Kaparov (Kazakhstan)
Otages de Guerre est un film dramatique de 2023 réalisé par Eldar Kaparov. L’histoire est basée sur des événements historiques. Harada, un cadet de l’Académie de l’armée impériale japonaise originaire de l’actuel Sakhaline, est capturé par les forces soviétiques lors de leur avancée dans les territoires occupés par les Japonais à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Il est ensuite exilé dans un camp de travail au Kazakhstan. Le film se penche sur les expériences de Harada et la lutte pour sa survie dans le camp de travail soviétique d’après-guerre.
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Le film excelle dans la description des dures réalités de la guerre et de la résilience de l’esprit humain. Les performances d’Eisaku Ogasawara, Asanali Achimov et Syrym Kachkabaïev sont particulièrement remarquables pour leur authenticité et leur intensité émotionnelle. L’utilisation de plusieurs langues, dont le kazakh, le japonais et le russe, ajoute au réalisme du film sur les barrières culturelles et linguistiques auxquelles sont confrontés les personnages.
Bauryna Salu d’Askhat Koutchintchirekov (Kazakhstan)
Bauryna Salu est un drame poignant sur le passage à l’âge adulte qui se déroule au Kazakhstan. Le film suit Yersoultan, un jeune garçon qui, selon la tradition, a été confié à sa grand-mère à sa naissance pour être élevé par elle.
En grandissant, il ressent un profond ressentiment et une déconnexion avec ses parents. Le décès de sa mère l’oblige à retourner vivre avec sa famille éloignée. Le film explore la lutte de Yersoultan pour renouer avec ses parents, en particulier son père, et pour gérer la douloureuse transition de l’enfance à l’adolescence face aux tensions culturelles et familiales.
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Le film capture efficacement les dures réalités de la croissance dans un contexte où les coutumes peuvent souvent entrer en conflit avec les désirs personnels et les valeurs modernes. La photographie de Janarbek Eleoubek et la musique évocatrice de Mourat Makhan renforcent l’impact émotionnel du film.
La chute d’Otrar d’Ardak Amirkoulov (Kazakhstan)
La Chute d’Otrar est un film historique épique réalisé en 1991. Le film se déroule au XIIIème siècle, pendant le déclin de la ville d’Otrar, qui faisait partie de l’Empire du Khorezm, et tourne autour des intrigues politiques et militaires qui conduisent à la chute de la ville aux mains de l’Empire mongol.
L’histoire suit Kaïrkhan, un commandant militaire, alors qu’il navigue à travers les dures réalités de la guerre. Le film explore les relations complexes entre les dirigeants locaux, leurs alliances et la menace grandissante des forces de Gengis Khan. À mesure que les Mongols avancent, les conflits internes et les luttes de pouvoir au sein de la direction d’Otrar exacerbent la vulnérabilité de la ville.
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Visuellement époustouflant et historiquement riche, le film offre une plongée profonde dans un moment charnière de l’histoire de l’Asie centrale. L’œuvre d’Ardak Amirkoulov excelle dans son attention méticuleuse aux détails d’époque et sa cinématographie grandiose et panoramique qui capture les vastes paysages accidentés de la région.
Le récit complexe offre une représentation nuancée de la dynamique politique et des émotions humaines. Kaïrkhan est représenté avec un mélange convaincant de force et de vulnérabilité, incarnant les thèmes centraux du film que sont la loyauté, l’honneur et l’inévitabilité du changement.
Steppenwolf d’Adilkhan Yerjanov (Kazakhstan)
Ce western moderne se déroule dans les terres désolées du Kazakhstan. L’histoire tourne autour de Tamara, une femme déséspérée qui recherche son fils, Timka, enlevé par un gang de trafiquants d’enfants.
Elle demande l’aide de Brajyouk, un ancien détective devenu interrogateur brutal. Malgré ses méthodes violentes et ses vendettas personnelles, Brajyouk accepte de l’aider, les entraînant tous deux dans un voyage dangereux et chaotique à travers un paysage marqué par la violence et l’anarchie. Leur quête est remplie de confrontations brutales, d’ambiguïté morale et d’une faible lueur d’espoir dans un monde assombri par le désespoir.
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Steppenwolf a attiré l’attention pour son récit intense et sa cinématographie austère. Le style visuel du film, caractérisé par ses paysages sombres et délavés, contraste fortement avec la vivacité du carnage, créant une atmosphère obsédante et troublante. La mise en scène se distingue notamment par sa capacité à maintenir la tension et à susciter de fortes réactions émotionnelles chez le public, capturant la brutalité implacable du décor tout en trouvant des moments d’une beauté inattendue.
Kourmanjan Datka de Sadyk Cher-Niyaz (Kirghizstan)
Le film raconte l’histoire vraie de Kourmanjan Datka, une femme d’État kirghize légendaire qui a vécu au XIXème siècle. Il suit son ascension au pouvoir après la mort de son mari, Alymbek Datka, lorsqu’elle devient la dirigeante de la région de l’Alaï au Kirghizstan.
Confrontée à des défis importants, notamment des conflits tribaux et l’avancée de l’Empire russe, Kourmanjan Datka s’impose comme un symbole de résilience et de leadership. Sa sagesse et sa diplomatie aident à unifier son peuple et à résister aux pressions extérieures, laissant un héritage durable dans l’histoire kirghize.
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Rythmé par une narration captivante et des performances d’acteurs remarquables, le film se démarque dans la représentation des complexités du personnage principal, la décrivant comme une dirigeante redoutable mais compatissante. Le scénario équilibre efficacement le drame personnel et politique, offrant un aperçu des défis auxquels elle a été confrontée en tant que femme dirigeante dans une société patriarcale.
Toutefois, le film a tendance à romantiser les événements, sacrifiant parfois la précision historique à l’effet dramatique. Malgré cela, il reste une œuvre culturelle importante, mettant en lumière un personnage important de l’histoire de l’Asie centrale et offrant une histoire édifiante qui résonne au-delà de son contexte historique.
Belek de Dalmira Tilepbergen (Kirghizstan)
Belek (Le cadeau) est un drame qui se déroule au Kirghizstan et raconte l’histoire d’Arno, un garçon manqué, l’une des cinq filles d’une famille où ne pas avoir de fils est considéré comme une honte. S’efforçant de combler le désir de son père d’avoir un fils, Arno se lance dans un voyage de découverte de soi et d’acceptation.
Réalisé par Dalmira Tilepbergen, le film offre un regard critique sur les traditions oppressives et les attentes de genre dans la société kirghize tout en célébrant la résilience et la force intérieure de son protagoniste. Le récit capture la profondeur émotionnelle et la complexité du parcours d’Arno, ce qui en fait une expérience émouvante et pertinente pour le public.
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La capacité du film à transmettre des messages profonds à travers des scènes simples mais évocatrices lui a valu des distinctions et une place spéciale dans divers festivals de cinéma.
L’enlèvement de la mariée de Mirlan Abdykalykov (Kirghizstan)
L’histoire tourne autour de la tradition de l’enlèvement de la mariée dans la campagne kirghize. Aïbek, un musicien à succès vivant à Moscou, retourne dans son village natal pour réaliser le dernier souhait de son père mourant : livrer un coffre de mariage à la famille de sa fiancée, déjà décédée.
À son arrivée, Aïbek est confronté au choc culturel entre son mode de vie moderne et les coutumes de son pays natal. Il se retrouve empêtré dans la tradition locale de l’enlèvement des mariées, ce qui le force à réévaluer ses croyances et son identité.
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La force du film réside dans la sensibilité avec laquelle il décrit les conflits intérieurs des personnages et les pressions sociales auxquelles ils sont confrontés. Le parcours d’Aïbek est à la fois littéral et métaphorique, représentant un pont entre deux mondes. Le film n’hésite pas à aborder la pratique de l’enlèvement de la mariée, la présentant de manière nuancée, sans la condamner ni la glorifier, mais plutôt en invitant les spectateurs à la comprendre.
Les performances sont sincères, en particulier celle de l’acteur principal, dont le portrait du trouble intérieur et de la transformation progressive d’Aïbek est convaincant.
Dimanche de Chokir Kholikov (Ouzbékistan)
Un vieux couple ouzbek vit comme il l’a toujours fait : il tond ses moutons, trait ses chèvres, cultive des pastèques et tisse des tapis. La vieille femme ne laisse jamais personne quitter la maison sans un cadeau et s’occupe gentiment de son mari grincheux.
Mais leurs deux fils adultes commencent à remplacer leurs appareils ménagers par de nouveaux appareils qu’ils ne peuvent pas faire fonctionner. Leur projet est de démolir et de remplacer la maison familiale, quoi qu’en disent leurs parents.
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Cette histoire de division et de blessure entre générations se déroule au rythme lent des changements de saison. Tournée entièrement dans leur maison, elle a la force concentrée d’un poème.
Dimanche est un premier long métrage impressionnant de Chokir Kholikov qui a été salué pour sa description poignante et humoristique du vieillissement et des conflits générationnels. Les critiques ont noté les éléments comiques subtils du film et sa célébration réconfortante de l’amour durable, ce qui en fait une œuvre remarquée dans divers festivals, notamment le Festival international du film de Shanghai où il a remporté le prix du nouveau talent asiatique.
Quatre prix décernés aux films d’Asie centrale
Après quatre jours de projections d’œuvres du monde entier, de films de patrimoine restaurés, de rétrospectives et de rencontres avec des cinéastes émergents, mais aussi avec des légendes du septième art, le jury a rendu son verdict.
Le prix du meilleur réalisateur a été remis à Mirlan Abdykalykov pour L’enlèvement de la mariée. Le réalisateur kirghiz est venu sur scène pour recevoir le prix, accompagné de sa petite fille. Il a remercié les organisateurs du festival, souhaité un bon développement à l’événement et indiqué qu’il dédiait ce prix à sa fille, qui a également joué un des rôles dans le film.
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Le réalisateur kazakh Askhat Koutchintcherov a quant à lui reçu le prix spécial du jury et l’ensemble du casting ouzbek de Chokir Kholikov une mention spéciale. Nodir Ganiev, ambassadeur d’Ouzbékistan auprès de la République française, s’est rendu sur scène. Il a exprimé sa gratitude au nom de l’Ouzbékistan pour l’organisation de ce festival et pour l’inclusion de différentes cultures.
Enfin, le prix du partenaire Monte Carlo Vermouth a été attribué au film kazakh Otages de guerre d’Eldar Kaparov.
Samad Alizade
Rédacteur pour Novastan
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