Depuis 2018, la vague de réformes radicales impulsée par le président ouzbek Chavkat Mirzioïev a servi de base pour une refonte de la coopération franco-ouzbèke dans le secteur privé. Grâce à ces changements, le Medef international a renouvelé ses efforts pour stimuler l’entreprenariat et l’investissement des compagnies françaises en Ouzbékistan, ainsi que le dialogue de haut niveau France-Ouzbékistan. Dans cette entrevue avec un média ouzbek, Christophe Fontaine, représentant du conseil des chefs d’entreprise France-Ouzbékistan pour le Mouvement des entreprises de France à l’international, fait l’état des lieux du renouveau des relations entre les deux pays.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 3 avril 2019 par le média économique ouzbek Economicheskii Vestnik Ouzbekistana.
C’est l’un des acteurs de France en Ouzbékistan. Le Mouvement des entreprises de France à l’international (Medef International) est une organisation patronale à but non lucratif. Créée en 1989, avant la transformation du Medef en 1998, elle représente les intérêts des entreprises françaises à l’étranger, et est dirigée par Frédéric Sanchez, directeur général de l’entreprise Fives Group. Le Medef International soutient le développement des entreprises françaises à l’étranger et fournit de l’aide dans la réalisation de projets et de partenariats à long terme sur les marchés internationaux. Sur ce plan, l’Asie centrale n’échappe pas à la règle, avec une antenne de l’organisation installée dès 1992.
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Cette dynamique se concrétise par le biais de 200 actions collectives organisées annuellement sous la forme de rencontres entre chefs d’État, gouvernements, ministres, organisations du secteur privé, institutions financières et représentations diplomatiques étrangères. Une grande partie de l’activité du Medef International est liée à des questions de financement des entreprises. Des relations solides avec des institutions financières internationales ont été établies, telles que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque mondiale (BM), ainsi que la Banque asiatique du développement (BAD). L’organisation est en outre constamment en relation avec le secteur privé.
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Chokroukh Azamov, rédacteur en chef du média ouzbek Ekonomitcheski Vestnik Ouzbekistana, a rencontré Christophe Fontaine, représentant du conseil des chefs d’entreprise France-Ouzbékistan pour le Medef International. Il fait l’état des lieux du renouveau des relations entre les deux pays.
Ekonomitcheski Vestnik Ouzbekistana : Pouvez-vous nous raconter l’histoire des relations entre le Medef International et l’Ouzbékistan ?
Christophe Fontaine : Le conseil des chefs d’entreprise France-Ouzbékistan du Medef International a été créé en 1992, après l’indépendance de l’Ouzbékistan. Le but de cette action était de suivre l’actualité politique, économique et sociale du pays. Depuis 2016, je dirige ce conseil, tout en étant le président de la société Roxalex. Depuis 2007, plusieurs événements ont été organisés entre la France et l’Ouzbékistan, tels que l’accueil de délégations à Tachkent, ainsi que des rencontres entre des entrepreneurs français et leurs homologues ouzbeks à Paris. En outre, le Medef International représente le secteur privé français auprès de la commission intergouvernementale France-Ouzbékistan.
Depuis début 2017, le conseil s’est réuni dix fois pour parler des résultats de la coopération bilatérale franco-ouzbèke et de la réalisation de projets français en Ouzbékistan. Je viens moi-même régulièrement dans le pays à des fins professionnelles et profite pour rencontrer des chefs d’entreprise ouzbeks ainsi que les partenaires du comité d’État pour les investissements du ministère de l’Investissement et du commerce international, et de la chambre du commerce et de l’industrie de l’Ouzbékistan. En 2016 et 2018, deux protocoles d’accord ont été signés.
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Je profite d’ailleurs de l’occasion pour exprimer ma fascination pour la capitale de l’Ouzbékistan. Tachkent est une ville moderne, très propre et agréable. Ce qui m’attire en particulier, ce sont les couleurs orientales et l’abondance des marchés qui me rappellent ceux de mon enfance. C’est pour cela qu’à chaque fois que je viens ici, j’essaie de trouver du temps pour y passer.
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En avril 2019, j’ai accompagné Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires européennes et étrangères, pendant sa visite à Tachkent. Le mois suivant, c’est le président de la 7ème délégation des hommes d’affaires que j’ai accompagné, lors de sa rencontre avec 32 entrepreneurs français.
Quels sont les objectifs de ce travail en commun et des projets futurs entre le Medef International et l’Ouzbékistan ?
L’année 2018 a donné un nouvel élan dans les relations entre le Medef International et l’Ouzbékistan en dynamisant le partenariat État-secteur privé entre nos deux pays. Le Medef International, en collaboration avec l’ambassade d’Ouzbékistan en France, a en effet organisé deux forums d’entreprises. Le premier a eu lieu en juillet 2018, en présence de Choukhrat Vafaïev, vice-représentant du comité d’État pour les investissements de la République de l’Ouzbékistan. Le second a été organisé en octobre, avec Soukhrob Kholmouradov, vice-Premier ministre et représentant de ce même comité. Ces deux forums, qui ont regroupé jusqu’à 100 sociétés françaises et partenaires ouzbeks, ont eu un grand succès, tout comme la 7ème Commission économique commune du mois de juillet 2018. En effet, lors de cette commission, le Medef International a présenté aux autorités des deux pays des idées constructives pour une coopération accrue avec le secteur privé français.
Ces événements ont servi de base à l’organisation de rencontres politiques et économiques de haut niveau. Un exemple marquant est notamment la visite historique en France de Chavkat Mirzioïev, président de la République de l’Ouzbékistan. Ce renouveau des relations entre les deux pays a d’ailleurs favorisé une hausse de confiance et d’intérêt pour la collaboration avec l’Ouzbékistan parmi les entreprises françaises. Cela a notamment mené à l’établissement de partenariats à long terme, ainsi qu’à la signature de divers accords de coopération.
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Je voudrais d’ailleurs exprimer ma gratitude envers l’ambassade de l’Ouzbékistan en France pour son soutien des entreprises françaises. J’aimerais particulièrement remercier l’ambassadeur d’Ouzbékistan en France, Sardor Roustambaïev, pour son implication personnelle dans la consolidation de nos relations économiques et commerciales bilatérales.
Aujourd’hui, la France est le 16ème investisseur étranger en Ouzbékistan. En outre, il y a environ 50 sociétés françaises qui travaillent dans divers secteurs de l’économie ouzbèke. Je crois que le potentiel de notre coopération est énorme, ce qui permet aux entreprises françaises ayant une grande expérience dans l’innovation de jouer un rôle plus important dans le développement de l’économie ouzbèke. Les domaines prometteurs incluent notamment l’énergie, l’aérospatial, la construction, le secteur automobile, l’agriculture ou encore les services comme le tourisme.
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Je suis sûr qu’un partenariat durable avec le secteur privé français aidera l’Ouzbékistan à régler nombre de ses problèmes socio-économiques. De surcroît, certaines entreprises, enthousiasmées par les réformes en cours, qu’elles soutiennent d’ailleurs vivement, avaient pour projet d’ouvrir leurs bureaux dans la capitale ouzbèke fin 2019. Cette décision témoigne, non seulement de leur intérêt et attachement au marché ouzbek, mais aussi de la reconnaissance du succès ouzbek sur le chemin de la transformation.
Pourriez-vous parler de la rencontre du Medef International avec une délégation de l’administration de la province de Djizak qui a eu lieu en janvier 2019 ?
Le 16 janvier 2019, le Medef International a rencontré Azim Akhmedkhodjaïev, vice-gouverneur de la province de Djizak, lors d’un événement en présence de sociétés françaises. Cette rencontre a donné aux participants la possibilité de découvrir la province, son plan stratégique de développement et de parler de perspectives de coopération. Le projet de développement de la région a d’ailleurs intéressé les entrepreneurs français, ce qui s’est traduit par la signature d’un mémorandum d’accord entre la province de Djizak et le Medef International. Ce protocole stimulera le développement futur de la région, à travers la participation de potentiels partenaires français.
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Selon un accord du 16 mai 2016, le Medef International a envoyé à Djizak une délégation d’une dizaine d’entrepreneurs français, bien accueillis par les représentants de la province et spécialement de la zone économique de Djizak. Les hommes d’affaires français ont par exemple visité différents sites de production et usines de la région. Je dois dire que, faisant partie de la délégation, j’étais content de découvrir moi-même cette région très dynamique de l’Ouzbékistan. Djizak est différente de la beauté traditionnelle de Samarcande ou de Boukhara, ce qui ouvre de nombreuses possibilités pour les entreprises françaises.
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Les secteurs préconisés pour le partenariat franco-ouzbek désignent a priori les branches industrielles, telles que la fabrication de matériaux de construction ou la construction automobile. S’ajoute également la gestion de l’eau et des déchets, de même que le commerce au détail. Il y a encore beaucoup à faire au niveau du secteur textile, du numérique ou pour la promotion de l’écotourisme. Par ailleurs, les entreprises françaises sont également prêtes à soutenir le développement d’autres régions ouzbèkes.
En février 2019 a été organisé un forum Ouzbékistan-France des entreprises. Le mois suivant, une délégation du Medef se rendait en Ouzbékistan. Ces rencontres ont contribué à maintenir le cap établi en 2018 pour le développement actif de la coopération bilatérale franco-ouzbèke. Pouvez-vous nous faire brièvement le point sur les retombées de ces deux événements ?
La réunion du conseil du Medef International du 13 février 2019 se place dans la lignée des forums de 2018. L’objectif principal de cette réunion était de mieux comprendre comment obtenir des résultats concrets et engager des actions pragmatiques entre les sociétés françaises et ouzbèkes. À ce moment-là, il était important pour les entreprises françaises d’entendre parler de l’avancée des réformes et des changements que celles-ci ont apporté dans la structure du gouvernement ouzbek, notamment avec la création d’un ministère de l’Énergie.
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Durant les mois qui ont précédé ces événements, les efforts du Medef International se sont principalement concentrés, avec l’accord des autorités ouzbèkes, sur la réflexion autour d’une refonte de la coopération franco-ouzbèke pour satisfaire les attentes des deux parties intéressées. En outre, ces multiples rencontres d’entreprises, telles qu’organisées à Tachkent et à Djizak en format B2B (business to business, ndlr), ont permis l’avancée et la gestation de projets, en fonction des besoins et des moyens de chacun. Certaines entreprises ont même découvert de nouvelles opportunités.
Comment évalueriez-vous les changements dans le secteur privé entre nos deux pays ? À votre avis, quelles sont les opportunités de coopération qui s’ouvrent aujourd’hui avec l’Ouzbékistan ?
Depuis 1991, le monde observe la transformation de l’Ouzbékistan. L’Ouzbékistan est identifié comme l’un des pays les plus dynamiques d’Asie centrale, mais aussi des plus attractif pour les entreprises. Cette réalité s’est en effet concrétisée pendant les trois dernières années, qui, selon l’avis commun des entrepreneurs français, marquent une nouvelle ère. Ce vent de changement provient notamment des réformes radicales entreprises par le président actuel de l’Ouzbékistan, Chavkat Mirzioïev.
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Ces réformes ont effectivement eu un impact positif, par exemple dans le domaine des banques et de la finance. Elles ont permis de renforcer la présence des organisations financières internationales en Ouzbékistan, et par conséquent des sociétés françaises. Ces dernières peuvent en effet maintenant compter sur la multiplication des sources de financement. Cette abondance de financement est favorisée par le renouveau des relations bilatérales, notamment à travers l’arrivée de l’Agence française de développement et de BPIFrance. Des relations multilatérales, à travers l’installation de la BAD, de la BERD ou encore de la BM ont également été développées. Cette évolution ouvre de nouvelles perspectives de coopération, sur de nombreux projets dans des domaines variés tels que les « villes intelligentes », l’industrie agro-alimentaire, l’énergie, l’aérospatiale, les infrastructures de services publics et des transports ou le tourisme et bien d’autres encore.
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Dans le cadre de leurs activités, les sociétés françaises s’appuient sur l’introduction et le respect des bonnes pratiques internationales en termes de technologie et de droit. Elles se préoccupent particulièrement des questions de respect de la législation et des normes de droit des contrats conclus avec des partenaires publiques ou privés. Grâce à l’amélioration des conditions évoquées plus haut, les sociétés françaises appellent les autorités ouzbèkes à soutenir le mouvement réformateur, notamment pour favoriser une gestion administrative efficace et une lutte efficace contre la bureaucratie et la corruption.
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En tant que représentant du secteur privé de la France et des sociétés françaises implantées à l’étranger, le Medef International invite les autorités de l’Ouzbékistan à soutenir les reformes amorcées par le gouvernement actuel. Le Medef International encourage aussi les efforts pour améliorer les relations bilatérales et attirer des investisseurs français. Ceux-ci contribueront certainement à renforcer les relations franco-ouzbèkes, sur des bases de confiance mutuelle. Ces deux axes sont indispensables pour la réalisation de perspectives ambitieuses établies entre la France et l’Ouzbékistan : une route construite et renforcée ensemble.
Propos recueillis par Chokroukh Azamov
Rédacteur en chef d’Ekonomitcheski Vestnik Ouzbekistana
Traduit du russe par Talgat Abdrakhmanov
Édité par Anne-Charlotte Marcombe
Relu par Charlotte Bonin
Relu par Charlotte Bonin
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