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Le Kazakhstan cherche à réguler le secteur de la cryptomonnaie

La fraude de plusieurs milliards impliquant le fondateur de l'entreprise d'échange de cryptomonnaies FTX, Sam Bankman-Fried, continue de faire des vagues. L’affaire a connu un certain retentissement au Kazakhstan, en raison notamment des relations qu’entretenait FTX avec des hommes d’affaires locaux. Le gouvernement kazakh se donne pour mission d’accentuer la régulation du secteur.

Minage Cryptomonnaie
Le Kazakhstan agit pour réguler le secteur des cryptomonnaies (illustration). Photo : Marco Verch (CC-BY 2.0).

La fraude de plusieurs milliards impliquant le fondateur de l’entreprise d’échange de cryptomonnaies FTX, Sam Bankman-Fried, continue de faire des vagues. L’affaire a connu un certain retentissement au Kazakhstan, en raison notamment des relations qu’entretenait FTX avec des hommes d’affaires locaux. Le gouvernement kazakh se donne pour mission d’accentuer la régulation du secteur.

Le monde de la cryptomonnaie est sujet aux folles envolées tout comme aux crashs dramatiques. Ce phénomène s’est produit en novembre 2022, lorsque FTX, la deuxième plateforme mondiale d’échange de cryptomonnaies, s’est effondrée en quelques jours, emportant dans sa chute plusieurs milliards de dollars de placements. Début novembre, un tribunal de Manhattan a reconnu son fondateur Sam Bankman-Fried coupable d’avoir détourné l’argent des clients de sa bourse, FTX.

A l’origine de cet effondrement soudain se trouvent des révélations au sujet de pratiques commerciales douteuses de la part de la direction de l’entreprise, tout particulièrement du directeur et cofondateur, autrefois célébré comme enfant prodige. Sous ses ordres, le hedge fund Alameda Research, qu’il a également cofondé et dirigé, étroitement lié à FTX, avait investi au Kazakhstan plus d’un milliard de dollars (plus de 940,5 millions d’euros) provenant des placements des clients de FTX. Cela avait compromis la situation financière des deux entreprises.

Le scandale a aussi fait des vagues au Kazakhstan. Ces dernières années, un véritable boom de la cryptomonnaie a eu lieu autour d’entreprises comme Alameda Research. En réaction à ces événements, le gouvernement kazakh s’efforce de réguler le commerce de cryptomonnaies.

La fièvre du bitcoin au Kazakhstan

Les ordres de grandeurs avec lesquels Sam Bankman-Fried opérait FTX exigeaient des volumes industriels d’électricité et des fermes de serveurs de la taille d’un atelier de production. Celles-ci sont appelées des mines. C’est le Kazakhstan qui offrait les meilleures conditions d’installation à la fin des années 2010. L’électricité bon marché et la réglementation avantageuse y ont favorisé l’implantation de nombreux projets.

En 2021, le Kazakhstan était le deuxième plus gros producteur mondial de bitcoin. Au paroxysme de la fièvre du bitcoin, les centres de calcul pompaient jusqu’à 7 % de la production électrique nationale. C’est à cette époque que Sam Bankman-Fried a fait un investissement lourd de conséquences. Il a fait en sorte qu’Alameda Research investisse dans Genesis digital assets (GDA), une entreprise domiciliée à Chypre surtout active au Kazakhstan.

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GDA a été fondée en 2017 : l’investisseur kazakh Rachid Mahat, qui disposait d’un excellent réseau par son activité au sein du conseil d’administration de la compagnie de téléphonie mobile Kcell entre 2019 et 2021, puis Abdoulmalik Mirakhmedov et Andreï Kim, se sont associés aux spécialistes allemands de la cryptomonnaie Marco Krohn et Marco Streng. C’est ce que le média kazakh Kursiv qualifie de “piste kazakhe” dans l’affaire FTX.

Des investissements massifs dans Genesis digital assets

Sam Bankman-Fried est entré dans le conseil d’administration de GDA en 2021. L’argent d’Alameda a irrigué trois centres de calcul opérés par GDA dans lesquels des ordinateurs alimentés par une électricité bon marché génèrent des bitcoins. Ceux-ci doivent être ensuite échangés sur FTX, la bourse de Bankman-Fried. Du moins, c’était l’idée. Début 2022, Alameda avait déjà investi 1,1 milliard de dollars (1 milliard d’euros) dans GDA. La start-up est ainsi devenue, de loin, le plus gros investissement du hedge fund.

Lorsque le monde de la cryptomonnaie s’est mis à vaciller au début de l’année 2022, la valeur des entreprises de minage a considérablement chuté. Un pari qui, quelques mois plus tôt, semblait suffisamment lucratif pour risquer plus d’un milliard de dollars, paraissait désormais beaucoup moins attractif. Lorsqu’en novembre 2022 le journal spécialisé CoinDesk révélait que le capital social d’Alameda Research se composait de FTT, la crypto-devise propre à FTX, la situation de la compagnie de Sam Bankman-Fried est devenue encore plus précaire.

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La croissance hors de contrôle du secteur au Kazakhstan touchait de toute façon à sa fin. Après les manifestations de janvier 2022, au cours desquelles l’approvisionnement électrique a été fustigé, il n’était plus question de mettre à disposition de l’énergie bon marché pour miner du bitcoin. Il y a eu notamment l’instauration d’une taxe sur les projets de minage en juillet 2022.

Le gouvernement ambitionne une régulation par étapes du secteur, conjuguée à une intégration avec des acteurs de l’Etat comme l’Astana international finance center (AIFC), projet du gouvernement kazakh. D’après la communication de l’AIFC, l’industrie digitale a encore de beaux jours devant elle au Kazakhstan, mais c’est à l’Etat de fixer un cadre réglementaire. La politique de laisser-faire qui avait attiré Sam Bankman-Fried au Kazakhstan semble donc terminée pour de bon.

Fin de la ruée vers l’or cryptographique au Kazakhstan

Les efforts de régulations depuis 2022 ont, entre autres, été alimentés par la disparition subite de FTX. Après les révélations de CoinDesk, le montage liant FTX et Alameda Research s’est retrouvé sur la sellette et la confiance dans la liquidité des entreprises de Sam Bankman-Fried s’est subitement évaporée. Par conséquent, le leader du secteur et principal concurrent de FTX, Binance, a décidé de ne plus reconnaître les FFT qui y étaient déposés et ceux-ci ont perdu toute valeur, entraînant l’effondrement complet des deux anciennement géants.

GDA a déplacé ses centres de calcul vers les Etats-Unis où l’entreprise veut poursuivre son activité. La page Internet de l’entreprise vante de nouveaux projets en Amérique du Nord et en Suède. L’ancien membre du conseil d’administration, Sam Bankman-Fried, a complètement disparu de la vitrine publique de la firme.

Le président Kassym-Jomart Tokaïev, qui avait rencontré fin 2021 Sam Bankman-Fried ainsi que d’autres entrepreneurs du secteur, a dévoilé le 6 février 2023 le paquet de mesures le plus important qu’ait connu le minage de cryptomonnaies au Kazakhstan. Celui-ci est entré en vigueur en janvier dernier, comme le signalait Kursiv.

Nouvelle régulation et nouveaux investisseurs

Les mines devront désormais détenir des licences d’exploitation et auront le droit de consommer l’électricité provenant du réseau kazakh seulement si celui-ci présente un excédent de production. De plus, à partir de 2024, au moins 50 % des coins produits au Kazakhstan devront transiter par des plateformes enregistrées au Astana international finance center. Ce ratio passera à 75 % en 2025. L’AIFC doit non seulement offrir un cadre d’échange attractif, mais aussi permettre une intégration plus forte de ce secteur encore jeune avec les autorités de régulation kazakhes, comme l’évoque Astana Times.

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L’heure n’est plus à l’euphorie, mais les cryptomonnaies feront encore parler d’elles au Kazakhstan. Binance, principal concurrent de la plateforme déchue FTX, continue de travailler étroitement avec le gouvernement kazakh et place de grands espoirs dans le pays. L’entreprise dispose déjà d’un réseau similaire à celui de GDA autrefois. En octobre 2022, Jaslan Madiev, jusque-là vice-ministre du Développement digital, acceptait un poste de direction chez Binance Kazakhstan.

Actuellement, la firme fondée en Chine mais toujours sans siège officiel, travaille à des crypto-produits couplés à des devises nationales existantes. Le Digital Tenge, soit le pendant crypto de la monnaie nationale, a été testé au cours d’un projet pilote jusqu’en décembre 2022 et se trouve maintenant dans les starting blocks pour une mise sur le marché. L’année 2025 devrait voir le lancement à grande échelle de cette monnaie numérique.

Daniel Styczynski
Rédacteur pour Novastan Deutsch

Traduit de l’allemand par Arnaud Behr

Édité par Ella Boulage

Relu par Charlotte Bonin

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