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Les routes de la mort : le bilan des accidents de la route en Ouzbékistan

Presque aucun jour ne passe en Ouzbékistan sans que ne soient signalés des accidents de la route mortels. Ce qui semble être une tragédie inévitable résulte en réalité de problèmes sociétaux profondément enracinés. Des amendes relativement légères pour les infractions au code de la route, la normalisation de comportements transgressifs sur les réseaux sociaux et des infrastructures routières médiocres forment un dangereux enchevêtrement de mauvaises pratiques et d'inaction.

Rédigé par :

La rédaction 

Edité par : Paulinon Vanackère

Traduit par : gmathe

Novastan Deutsch

Route Navoï Ouzbékistan
Circulation dense sur une route de Navoï, en Ouzbékistan. Photo : Makhkam Khamidov / Novastan.

Presque aucun jour ne passe en Ouzbékistan sans que ne soient signalés des accidents de la route mortels. Ce qui semble être une tragédie inévitable résulte en réalité de problèmes sociétaux profondément enracinés. Des amendes relativement légères pour les infractions au code de la route, la normalisation de comportements transgressifs sur les réseaux sociaux et des infrastructures routières médiocres forment un dangereux enchevêtrement de mauvaises pratiques et d’inaction.

Le caractère trop peu dissuasif des sanctions existantes explique en grande partie le nombre élevé d’accidents de la route en Ouzbékistan. Les amendes pour excès de vitesse et conduite dangereuse pénalisent notamment très peu les personnes aisées.

Beaucoup de ceux qui « peuvent se permettre les amendes » ne les craignent simplement pas, car ils peuvent payer sans difficultés les pénalités très faibles. Ces montants très bas laissent supposer que les infractions peuvent être considérées comme un risque mesuré à prendre. Une attitude aberrante qui met en danger la vie de personnes innocentes.

L’absence de système de points pour les infractions répétées au code de la route constitue une seconde lacune du système de régulation routière ouzbek. Ce type de système, qui permet de retirer le permis de conduire aux personnes ayant trop souvent commis des infractions, existe dans de nombreux pays, en France et en Allemagne notamment. Il n’a à ce jour pas été mis en place en Ouzbékistan. Il pourrait permettre d’écarter les multirécidivistes du trafic routier et rendre ainsi les routes plus sûres. Tant que le cadre juridique ne le permettra pas, l’irresponsabilité de nombreux conducteurs restera impunie.

Les réseaux sociaux : un podium pour les comportements dangereux sur les routes

La démonstration de comportements à risque effectués au volant par des influenceurs ou des célébrités, qui affichent fièrement leurs infractions au code de la route sur les réseaux sociaux, constitue actuellement une mode inquiétante. Ainsi, en septembre dernier, une célèbre blogueuse ouzbèke publie une vidéo dans laquelle elle s’exhibe slalomant à grande vitesse au milieu du trafic routier. Selon le média en ligne Gazeta.uz, elle a été interrogée par les autorités du fait de ce comportement dangereux.

Une vidéo d’explication publiée par la blogueuse sur Telegram la montre sans remords pour ce délit. Elle évoque simplement la « passion » qui l’aurait poussée à agir ainsi. Versant des larmes de crocodile, elle s’excuse auprès de ses followers, comme cela est attendu dans une telle situation. L’amende perçue : 3,4 millions de soums ouzbeks (environ 240 euros), soit une somme qui peut être couverte par une ou deux publicités diffusées en story Instagram.

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Les stars de la scène ouzbèke également, à l’image du chanteur pop Yahonguir Otajonov, contribuent par leur comportement à minimiser les infractions au code de la route. Dans une vidéo postée sur son compte Instagram au mois d’octobre dernier, Yahonguir Otajonov, au volant de son véhicule électrique, accélère jusqu’à atteindre 195 km/h, téléphone à la main, sur une route où la vitesse maximale autorisée est de 100 km/h. De tels incidents ne sont pas des cas isolés mais des actes symptomatiques d’une dangereuse culture du non respect des règles dans les rues d’Ouzbékistan.

Ces deux incidents ne sont que le sommet de l’iceberg. Les réseaux sociaux ouzbeks regorgent d’infractions affichées au code de la route. Pour les jeunes, pour lesquels ces personnalités des réseaux sociaux constituent des exemples, les conséquences peuvent être fatales. Les autorités font face au défi urgent de suivre systématiquement la propagation de ces dangereux contenus et de sanctionner les infractions non plus seulement avec des amendes, mais également par des mesures juridiques plus sévères.

Les accidents de la route en chiffres : des données alarmantes

Une comparaison du nombre des accidents de la route en Ouzbékistan et en Allemagne révèle des écarts significatifs. Malgré une population et un nombre d’accidents enregistrés plus nombreux en Allemagne, le nombre de morts sur les routes y est plus faible qu’en Ouzbékistan.

En 2023, 9 839 accidents de la route ont été recensés en Ouzbékistan, au cours desquels 2 282 personnes sont décédées. En Allemagne, où vivent 84 millions de personnes, presque deux fois plus qu’en Ouzbékistan, 2,5 millions d’accidents de la route ont été enregistrés sur la même période et 2 839 personnes y ont trouvé la mort. Rapporté au nombre d’habitants, le tableau est clair : en Allemagne, les accidents de la route ont tué environ 3,4 personnes pour 100 000 habitants, alors qu’en Ouzbékistan, c’est 6,3 personnes pour 100 000 habitants.

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La proportion d’accidents mortels montre également une différence significative. Alors qu’en Allemagne, 2,5 millions d’accidents ont entraîné la mort de 2 839 personnes, ce qui correspond à environ 0,11 % des accidents, en Ouzbékistan, 23,2 % des accidents signalés ont été mortels.

Il convient toutefois de noter que tous les accidents de la route ne sont sans doute pas enregistrés en Ouzbékistan. Les accidents mineurs en particulier, au cours desquels aucun dommage grave, corporel ou matériel n’est causé, ne sont souvent pas signalés aux autorités, car les personnes impliquées s’accordent en général sur les frais de réparation et autres détails directement sur les lieux de l’accident. Les chiffres connus sont néanmoins catastrophiquement élevés.

Une infrastructure routière sous-financée et en piteux état

En parallèle des comportements humains à risque, la vétusté des infrastructures routières en Ouzbékistan joue un rôle important dans le nombre élevé des accidents de la route mortels. De nombreuses routes se trouvent en mauvais état, ce qui augmente le risque, mais restreint également les possibilités des conducteurs d’adopter un comportement sûr. Nids-de-poules, marquages au sol manquants, éclairage insuffisant sont des problèmes fréquemment rencontrés, particulièrement en zone rurale, aggravés par le sous-financement et un entretien négligent de ces infrastructures.

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Le problème du sous-financement va souvent de pair avec celui de la corruption. Les fonds prévus pour l’amélioration et le développement des infrastructures disparaissent régulièrement dans les poches de fonctionnaires et d’entrepreneurs corrompus. Les réparations et les modernisations nécessaires sont de ce fait négligées.

Un long chemin vers la sécurité sur les routes

Le défi de rendre les routes d’Ouzbékistan plus sûres requiert les efforts conjoints du gouvernement, de la société et de chaque usager. Seule une combinaison de sanctions plus sévères, d’infrastructures routières en meilleur état et d’une sensibilisation accrue des usagers à l’importance du respect du code de la route peut entraîner un changement positif à long terme.

Aussi longtemps que le système ne prévoira pas de sanctions sévères aux infractions au code de la route et que les infrastructures resteront dans un état désastreux, le nombre de morts sur les routes en Ouzbékistan risque de rester élevé.

Makhkam Khamidov
Rédacteur pour Novastan Deutsch

Traduit de l’allemand par Gervaise Mathé

Edité par Paulinon Vanackère

Relu par la rédaction

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Commentaire (1)

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Pascal Rollin, 2025-01-24

J’ai fait un petit séjour au Kazakhstan cet été, tous les chauffeurs de taxi sans exception , tous très sympathiques,me parlaient en se retournant vers moi tout en conduisant ; deux d’entre eux utilisaient le traducteur de leur mobile et me montraient leurs questions, une main sur le volant. Je ne suis pas d’une nature émotive.

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