Accueil      Manque d’eau d’irrigation au Kirghizstan : causes et perspectives

Manque d’eau d’irrigation au Kirghizstan : causes et perspectives

Les régions du sud du Kazakhstan sont presque totalement dépendantes de l’eau du Kirghizstan, or le pays lui-même souffre du manque d’eau. Là-bas, les fermiers manifestent et bloquent les routes. Ils exigent des réponses du gouvernement, tout en se préparant au fait que la situation va empirer.

Terre Sol Sécheresse Agriculture Champ

Les régions du sud du Kazakhstan sont presque totalement dépendantes de l’eau du Kirghizstan, or le pays lui-même souffre du manque d’eau. Là-bas, les fermiers manifestent et bloquent les routes. Ils exigent des réponses du gouvernement, tout en se préparant au fait que la situation va empirer.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 6 août 2021 par le média kazakh Vlast.kz.

Dans la province kirghize de Tchouï, les champs s’assèchent à cause du manque d’eau et d’une chaleur anormale. Devant le parlement de Bichkek, environ 300 fermiers se sont rassemblés le 14 juin 2021, au pic de la pénurie d’eau. Ils exigent du pouvoir central qu’il trouve une solution pour la répartition de l’eau d’irrigation.

« Les médias ont rapporté que le Kirghizstan laissait partir l’eau vers le Kazakhstan, regardant ainsi mourir son propre peuple ! Ils ont tous diffusé cette information. Nous comprenons qu’il s’agit d’un accord. Certes, nous devons les aider, mais pas au détriment de notre propre peuple ! » affirme l’un des fermiers de la province.

Lire aussi sur Novastan : En Asie centrale, une période de sécheresse s’annonce

« Comment les gens sont-ils censés vivre ? Ils ont commencé à abattre le bétail. Tout le bétail va être tué à cause du manque de fourrage. Si l’on n’a plus de maïs, on mourra de faim. Les gens ont pris des crédits. Comment sommes-nous censés vivre ? », crie un manifestant révolté à l’intention d’un fonctionnaire entouré d’agriculteurs en colère.

Des problèmes sans solution, et une animosité qui s’intensifie

Le fonctionnaire, mal assuré, répond que la situation est due à un manque de ressources en eau. Il demande calmement aux fermiers d’attendre jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. À cela, un manifestant réagit avec amertume : « Encore cinq jours et les récoltes brûleront ! » Il s’agit déjà du deuxième rassemblement lié au manque d’eau d’irrigation, et il y en aura d’autres pour exiger une solution au problème.

Plus tard, sur des canaux locaux du réseau social Telegram, des vidéos dévoilant d’autres manifestations de colère ont été publiées. Sur celles-ci figurent des fermiers du village de Petrovka, dans la province de Tchouï, qui ont bloqué la route entre Bichkek et Och. De cette manière, ils essayaient de rappeler aux autorités qu’ils manquaient encore d’eau. Cependant, la police a dispersé les manifestants. Certains ont même été contraints de s’expliquer par écrit.

« La deuxième fois qu’on a manifesté [avec les routes bloquées], on nous a tous réunis pour nous emmener au poste de police. Pourquoi on s’est fait arrêter ? Parce qu’on a participé à un rassemblement non autorisé. Mais comment peut-on nous le reprocher, alors que les champs sont en feu ? », demande l’agriculteur.

Le système d’irrigation dans la province de Tchouï 

La province de Tchouï est irriguée par le fleuve Tchou et ses affluents. D’abord, le débit du fleuve est régulé par le lac réservoir de la province d’Issy-Koul. Ensuite, le fleuve se divise en deux défluents qui forment le grand canal de Tchouï : le bras est et le bras ouest. Le bras est traverse les districts de Kemin, Tchouï, Ysyk-Ata et Alamüdün jusqu’à la ville de Bichkek. Il s’étend sur environ 100 km et se situe entre les défluents sud et ouest.

Le bras ouest, qui traverse toute la vallée du Tchouï et va jusqu’au Kazakhstan, est le plus long ; il parcourt 147 kilomètres. Près de la moitié de ce canal date de la Seconde Guerre mondiale. Le troisième défluent, le bras sud, se trouve au pied des montagnes et prend sa source dans la rivière d’Ysyk-Ata. En outre, le sud de la province de Tchouï est également irrigué par le canal principal At-Bachy et le canal Sovkhozny. Ils fournissent de l’eau aux districts d’Alamüdün et de Sokulouk. Ils s’alimentent en cours de route dans les deux bassins versants d’Ala-Archa, qui fonctionnent conjointement, avec un bassin de remplissage en amont et un bassin d’accumulation.

fermier Petrovka Kirghizstan interview
Le fermier Gachim Divazov dans son champ de trèfle dans le village de Petrovka.

Une perte d’argent considérable

Gachim Divazov habite à Aleksandrovka, mais loue ses champs dans le village voisin, près de Petrovka. Tous les matins, dès le début de la saison de croissance, il se rend au point de distribution n° 21. Là-bas, les personnes en charge de la distribution répartissent l’eau entre les fermiers. Il espère chaque jour qu’on lui donne ne serait-ce qu’un petit peu d’eau.

Depuis le début de la saison, ses pertes s’élèvent déjà à plus d’un million de soms (près de 10 000 euros), notamment car son champ de radis s’est asséché. Il les avait plantés dans le cadre d’un contrat avec une société russe, pour laquelle il a travaillé d’arrache-pied pendant quatre ans. Même le système d’irrigation au goutte-à-goutte qu’il a installé n’a pas contribué à faire pousser ses radis. Il n’a pas encore évalué l’étendue des pertes subies.

Gachim Divazov, inquiet pour ses rendements

« J’ai honte. Je voulais que ces gens, qui vivent en Russie, viennent ici, pour leur montrer nos richesses, nos terres. J’avais dit que nous pouvions effectuer deux récoltes par an. Cette année, ils refuseront. L’année prochaine, je ne pourrai même pas tenter ma chance, car ils diront : « Vous n’aurez pas d’eau. Qu’est-ce qu’on va faire, investir ? Ça ne marchera pas », constate le fermier avec amertume. Maintenant, il essaie de sauver ses premières carottes, et de dédommager ses partenaires comme il peut.

La dernière fois qu’il a arrosé ses carottes, c’était à la fin du printemps. « Nous payons un loyer pour les terres, ainsi que de lourdes taxes. Avec quoi allons-nous payer les impôts cet automne ? Pas de trèfles, pas de maïs, pas de carottes, nous ne les avons pas arrosés depuis le 25 mai ! », explique Gachim Divazov. À plusieurs reprises, il a demandé de l’aide aux autorités locales, mais elles ont ouvert l’accès à l’eau pour quelques heures seulement.

Entre soupçon et incompréhension

Les fermiers sont particulièrement irrités à la vue du grand canal de Tchouï, qui coule à flots devant leur champ en direction du district de Panfilov, au Kazakhstan. Après tout, les plus de 5 000 hectares de Petrovka ne reçoivent que 600 litres d’eau par seconde (le litre par seconde est une unité de débit de dépense d’un liquide égale à un litre de liquide ou de gaz par seconde, nde). On ne peut s’empêcher de se dire que l’eau part vers le Kazakhstan.

Canal Tchoui Pétrovka Kirghizstan
Le Grand canal de Tchouï, entouré de champs, près de Petrovka.

« Le canal est loin d’être à sec, mais on ne nous donne pas d’eau. Pourquoi ? On dit qu’elle va à Karabalta, ou à Kaindy. Mais les gars de là-bas nous disent qu’ils n’ont pas d’eau non plus. Alors où va-t-elle ? De toute évidence, l’eau nous passe à côté », ajoute-t-il. Il est difficile de démêler le vrai du faux quant aux soupçons des fermiers, de savoir dans quelles mesures ils sont justifiés.

Un accord entre les deux pays

À l’origine, le Kirghizstan et le Kazakhstan se partageaient les ressources en eau du bassin du fleuve Tchou sur la base d’un règlement datant de 1983. Selon ce document, 58 % de l’eau devait rester au Kirghizstan, et 42 % devait être fournie au Kazakhstan. Par la suite, en 2000, un nouvel accord intergouvernemental du même type a été signé, sans modifier le pourcentage de la répartition de l’eau. Selon les termes de ce contrat, les autorités kazakhes doivent attribuer aussi une part de leurs ressources budgétaires à l’entretien des infrastructures hydrauliques au Kirghizstan.

Lire aussi sur Novastan : Eau : les pays d’Asie centrale vont-ils se mettre d’accord ?

Enfin, le 1er juin 2021, les autorités kirghizes ont commencé à mettre en œuvre les termes d’un autre accord avec le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Ayant tous deux approvisionné le Kirghizstan en électricité en hiver 2020, ils bénéficieront d’une indemnisation sous forme d’une fourniture d’eau de sa part pendant l’été jusqu’en 2023. Néanmoins, cette eau provient du lac de retenue de Toktogoul, elle n’est donc pas liée à l’eau d’irrigation.

Des conséquences sur d’autres productions

Gachim Divazov élève du bétail, en plus des autres cultures. Pour nourrir ses bêtes, il a semé de l’orge et du trèfle. Néanmoins, il a dû labourer le champ d’orge, encore une fois à cause du manque d’eau. Avec son champ de trèfles de six hectares, qu’il n’a jamais arrosé, il a obtenu 227 ballots de foin. Avec un arrosage normal, il obtenait un millier de ballots.

Désormais, il espère qu’il pourra quand même arroser ses trèfles pour récolter une fauchée de plus. Cependant, le manque de fourrage pour le bétail se fait déjà ressentir à la vue de l’augmentation des prix. Depuis l’année dernière, le coût d’une botte est passé de 120 à 450 soms (de 1,2 à 4,6 euros).

Des sacrifices devenus nécessaires

Gachim Divazov pense déjà à vendre la moitié de son bétail pour que les bêtes ne meurent pas de faim. Avec de telles pertes, il ne pourra pas acheter de quoi les nourrir.

champs trefles récolte Kirghizstan
Des fermiers récoltent des trèfles dans le champ de Gachim Divazov.

« La paille est chère aussi, maintenant. Elle n’a jamais coûté aussi cher : 200 soms (2 euros). Avant, le prix maximum était de 80 à 100 soms (80 centimes à 1 euro). Il faut donc faire quelque chose. [À cause de la perte des récoltes], ce champ ne ramène plus rien, les champs là-bas non plus. Mais que faire ? Il faut aussi payer la taxe, maintenant. Tout coûte plus cher qu’avant, le charbon est cher, tout est cher. Seule la vie humaine n’est pas chère», déplore Gachim Divazov.

Makhmout, dans l’attente d’eau depuis deux mois

Depuis qu’il est petit, Makhmout est dans les champs. Il vit uniquement grâce à la terre et n’a jamais appris d’autre métier, car les champs l’ont toujours nourri à sa faim. Ses mains calleuses sont marquées par la terre incrustée sous sa peau. Seulement, cette année, la terre l’a trahi. La dernière fois qu’il a arrosé ses premières carottes, c’était le 25 mai 2021. Voilà déjà deux mois qu’il se rend au lieu de distribution de l’eau, comme on se rend au travail, et qu’il revient les mains vides. Actuellement, les fermiers de Petrovka reçoivent 20 litres d’eau par seconde chacun, mais Makhmout risque de ne pas en avoir assez.

champs carottes fermier Kirghizstan
Makhmout dans son champ de carottes.

« 20 litres pour des carottes, c’est très peu. Nous avons un système d’irrigation par infiltration par sillons et pas par canaux. Quand il y a beaucoup de sillons, on a besoin de beaucoup d’eau. On dit qu’au district de Moskva, l’eau coule à flots. Il n’y a qu’ici que l’eau manque », se lamente Makhmout.

Des conflits entre les agriculteurs

Moukambet Kolkeev, chef de l’association d’usagers des ressources en eau du village de Petrovka, note que l’irrigation des champs dans le district a un ou deux mois de retard. Au total, il y a 5 430 hectares de terres irriguées dans le village. Lors de la répartition de l’eau entre les nombreux fermiers, des conflits et même des bagarres ont éclaté plus d’une fois. C’est pourquoi Moukambet Kolkeev a eu recours à une astuce : sur la parcelle la plus cultivée, il a nommé une femme responsable de la répartition de l’eau.

Il dit qu’elle fait ça bien, et que les agriculteurs ne peuvent pas se battre avec une femme. « Nous demandons quatre mètres cubes d’eau par seconde, mais n’en recevons qu’un. Et cela ne suffit pas. Nous dépendons à 90 % du grand canal de Tchouï. Nous n’avons pas de lac, rien d’autre. C’est pourquoi nous avons un important problème d’eau », explique-t-il.

Des propositions qui ne remportent pas l’unanimité

Le mètre cube d’eau alloué à l’association d’usagers des ressources en eau doit être réparti entre trois villages : 700 litres par seconde pour Petrovka et 600 litres par seconde à partager entre les deux villages en aval, Bech-Terek et Kyz-Molo. Ensuite, le débit est réparti entre les fermiers, qui récupèrent environ 20-30 litres par seconde chacun, ce qui reste insuffisant.

Lire aussi sur Novastan : Le réchauffement climatique pourrait déclencher des conflits en Asie centrale

L’association a proposé de ne pas diviser ce volume d’eau et de le distribuer par les canaux d’irrigation à chaque agriculteur tour à tour. Mais à cause d’une trop grande différence de superficie entre leurs champs, qui rend cette distribution inégale, ils refusent cette option.

groupe agriculteurs distribution eau Petrovka Kirghizstan
Au centre, Olga Tapatoulina, chargée de la distribution de l’eau du village de Petrovka.

« Nous avons organisé une réunion et proposé aux agriculteurs de distribuer à chacun de l’eau pendant trois jours. Nous avons commencé à le faire, mais cela provoque une liste d’attente de 20 jours. Pendant ce temps, certains voient leurs hectares s’assécher. Il y a bien de l’eau dans le grand canal, mais ils ne nous la donnent pas. Ils disent : la limite est atteinte ! », raconte Moukambet Kolkeev.

Une politique douteuse de la part des autorités

Le responsable de l’association se pose des questions quant à l’efficacité du système de circulation de l’eau mis en place par les autorités. Celui-ci consiste à fermer le canal pendant la nuit pour stocker l’eau.

« Pendant deux semaines consécutives, l’eau du canal a été coupée la nuit. Le matin ils ouvrent, le soir ils ferment, l’eau stagne alors dans les champs. L’eau délivrée le matin suivant arrive au même endroit. Elle n’arrose rien, elle coule juste. Il n’y a aucun avantage à fermer le canal. Si l’eau coule en continu, elle ira plus loin », déclare Moukambet Kolkeev.

« En ce moment, on se débrouille seuls »

De plus, les autorités n’expliquent sciemment pas aux utilisateurs d’eau pourquoi ils utilisent ce système de roulement alors que le fleuve est rempli. Le responsable de l’association lui-même a reçu trois notifications du chef Obvlodkhoza, affirmant que les autres districts manquaient aussi d’eau.

distribution eau arrosage Petrovka Kirghizstan
Les agriculteurs du village de Petrovka devant le point de distribution des eaux à côté de leurs champs.

« Les notifications sont directement rangées dans un tiroir », soupire l’homme avant de continuer : « Nos agriculteurs se sentent mal, mais eux se contentent de pleurer. Les gens du peuple vont s’appauvrir encore plus. Ils se mettront à nouveau en colère, ils ne se laisseront pas faire. C’est ainsi que les choses se passent. S’ils ne peuvent rien obtenir de leurs terres, que tout brûle et que leurs enfants pleurent à la maison, alors ils sortiront pour protester. Nous, aujourd’hui, on retient les gens, en leur demandant d’être patients. Les gens, patients, attendent, mais un jour ils exploseront et iront manifester. »

Les difficultés s’étendent à toute la province

À l’autre bout de la province de Tchouï, aux sources mêmes du grand canal, la situation concernant l’eau d’irrigation n’est pas bien meilleure. « De notre côté, l’eau ne va pas au Kazakhstan, car dans notre village, elle ne sert qu’à l’irrigation. Il n’y a que quand il y en a en grande quantité que ce qu’il reste va du côté de Tokmok. Chez nous l’eau vient des montagnes, de la fonte des glaciers, et malgré ça on rencontre ce genre de problèmes de manque d’eau », explique Abakir Souyoumbaev.

interview fermier Chamchi Kirghizstan
Abakir Souyoumbaev, fermier du village de Chamchi dans la province de Tchouï.

Abakir Souyoumbaev est un jeune fermier du village de Chamchi, près de la ville de Tokmok, dans la province de Tchouï. Chamchi se situe au pied des montagnes, c’est pourquoi il est généralement l’un des premiers villages à s’approvisionner en eau, avant de la distribuer aux villages plus loin. Cependant, cette année, cet habitant local n’a de l’eau d’irrigation qu’au début du mois de juillet.

De maigres récoltes

Le manque d’eau et les vols ont aggravé les relations entre les villages voisins et même entre les districts. Pendant ce temps, les champs s’assèchent et les récoltes sont insuffisantes. Le blé, qui devrait à cette période atteindre les 50 centimètres, ne dépasse pas 30 centimètres de hauteur.

Lire aussi sur Novastan : Besoins en eau : la rivière Talas et ses habitants

« En ce moment, on se contente de survivre chacun pour soi. Beaucoup de conflits ont éclaté au sein du village, et ici, tout le monde se connaît. Il y a même eu des bagarres entre villages, car c’est nous qui distribuons de l’eau à tous les autres, toute l’eau passe par nous en premier. On est venus avec nos voitures pour surveiller l’eau, car on voulait survivre », se remémore Abakir Souyoumbaev.

moisson champs Tokmok Kirghizstan
Les moissons dans un champ près de Tokmok.

Selon les agriculteurs, le problème commence au printemps et en hiver, à cause du manque de précipitation à ces périodes. Ce printemps, Abakir Souyoumbaev a remarqué que les sols n’absorbaient pas suffisamment d’eau. D’habitude, en hiver, le sol se gorge d’eau sur 30, voire 40 centimètres de profondeur. Cette année, l’eau n’a pas imprégné plus de 10 centimètres du sol, étant donné le taux d’ensoleillement exceptionnel.

Apprendre à anticiper le manque d’eau

Dans les champs du village de Novopokrovka, à l’est de la capitale, grands épis de blé, maïs et luzerne semblent avoir été sauvés de la sécheresse. Au-dessus du champ, il y a un dispositif d’arrosage, dont l’eau provient du bras ouest du grand canal de Tchouï. De cette manière, les feuilles de luzerne sont vertes et luxuriantes.

Lire aussi sur Novastan : La bonne gestion des ressources en eau, élément clé de la croissance économique de l’Asie centrale

Zakir Koumbaev, à la tête de la petite exploitation familiale Taza Jan, explique que le manque d’eau sévit tous les cinq ans dans la région. Cette année, sa coopérative a déjà envoyé une lettre aux autorités locales et au ministère de l’Agriculture pour les informer de la crise imminente. Les agriculteurs ont suggéré aux autorités des façons de sortir de cette mauvaise passe au moyen d’une utilisation rationnelle de l’eau.

champs arrosage Taza Jan cooperative Kirghizstan
Les champs de la coopérative de Taza Jan, irrigués à l’aide de dispositifs d’arrosage.

« Les agriculteurs auraient dû se préparer à cette situation dès l’automne, en stockant de l’eau dans les sols », dit Zakir Koumbaev.

Réfléchir ensemble et autrement

Selon lui, les petites exploitations familiales ne peuvent pas utiliser efficacement l’eau d’irrigation. Il croit que pour survivre au manque d’eau et au changement climatique, les fermiers doivent s’unir au sein de coopératives. Par exemple, un territoire de 90 hectares, divisé en 45 parcelles de deux hectares, cela fait trop d’attente pour pouvoir irriguer. Finalement, tout le monde ne parvient pas à arroser sa terre en temps et en heure.

L’agriculteur calcule : « Il faut diviser ces 90 hectares en trois parcelles : 30 de luzerne, 30 de blé et 30 de maïs. Comme ça, nous pourrons utiliser l’eau plus judicieusement. Il faudra commencer par la luzerne, au début du printemps, avant d’arroser le blé, puis le maïs. Après le premier arrosage du maïs, on pourra de nouveau s’occuper de la luzerne, après la deuxième fauchée, et ainsi de suite. »

Des alternatives durables mais coûteuses

La fierté de la coopérative Taza Jan, ce sont ses dispositifs d’arrosage. Avec de telles machines, on peut arroser deux hectares et demi à trois en une journée, en consommant seulement 16 à 20 litres d’eau par seconde. Selon le type de culture, l’agriculteur distribue plus ou moins d’eau par hectare. Ce système est économique et complètement automatisé. Les fermiers de la coopérative ont acheté ce dispositif d’arrosage en Italie, pour 20 000 euros par machine. Aujourd’hui, ils en possèdent 15. Pour couvrir la superficie totale des terres comprises dans la coopérative, il faudrait en entre 50 et 100.

Lire aussi sur Novastan : Kazakhstan : l’irrigation promue tous azimuts dans la région de Jambyl

« Cela coûte très cher, donc nous devons faire des emprunts. Pour les obtenir, nous nous groupons. Notre souhait, c’est que les petites exploitations agricoles participent aussi, et pas seulement à cause de la sécheresse. Nous devons, de toute façon, passer à l’irrigation automatique et utiliser les nouvelles méthodes. Bien sûr, nous n’avons pas les moyens de nous offrir de telles infrastructures, c’est pourquoi nous demandons des crédits. Avec les recettes des récoltes, on rentabilise peu à peu. Pas en deux ou trois ans, mais c’est relativement costaud ; nous abîmons moins le sol aussi », précise Zakir Koumbaev.

Par ailleurs, il ajoute que le manque d’eau se fait quand même sentir dans les champs arrosés par les petits canaux d’irrigation, et qu’une chaleur inhabituelle au mois de mai a légèrement asséché le blé et le maïs, les prévisions de récoltes sont moins optimistes que les années précédentes.

Une question de sécheresse ?

Akylbek Soulaïmanov, chef du département des ressources en eau, estime que la situation des champs de la province de Tchouï ne peut pas être considérée comme une sécheresse. En effet, elle ne remplit pas tous les critères. Au début de chaque printemps, l’Agence nationale kirghize d’hydrométéorologie prévoit le niveau des rivières en fonction de la quantité de neige présente sur les sommets. « D’après les prévisions du niveau des cours d’eau en 2021 pour la saison des récoltes, on ne prévoit pas de manque d’eau », raconte Akylbek Soulaïmanov.

interview chef ressources eau Kirghizstan
Le chef du Département des ressources en eau Akylbek Soulaïmanov dans son bureau.

Selon lui, le lac de retenue d’Orto-Tokoï, qui contrôle le niveau du fleuve Tchou, avait déjà atteint sa capacité maximale, c’est-à-dire 470 millions de mètres cubes par seconde, depuis le mois de mars.

Lire aussi sur Novastan : En Asie centrale, une période de sécheresse s’annonce

Toutefois, il admet que le niveau de nombreux cours d’eau de montagne, notamment dans la province de Tchouï, était beaucoup plus bas que prévu. « Le niveau de la rivière Tchon-Kemin était deux fois plus bas que prévu. Elle se trouve en aval des gorges de Boom, et se jette dans le fleuve Tchou », précise le chef du département.

La possibilité d’une mauvaise gestion de l’eau

Par ailleurs, Akylbek Soulaïmanov considère que le « facteur humain », dans la répartition de l’eau entre les agriculteurs, a largement contribué au problème de manque d’eau d’irrigation. D’après lui, la mission du Service national des ressources en eau est d’acheminer l’eau par la voie des grands canaux de sa source, jusqu’aux associations d’usagers des ressources en eau. Il y a au total 320 000 hectares de terres irriguées dans la province de Tchouï.

Ce sont des structures régionales et locales du service public qui gèrent l’irrigation dans le pays. Elles distribuent l’eau aux associations d’usagers des ressources en eau, organisations non commerciales qui se chargent de répartir l’eau parmi les fermiers. « Les associations fournissent de l’eau aux fermiers dans leur zone de service, c’est elles qui gèrent la répartition. C’était compliqué quand les vols d’eau n’étaient pas sanctionnés. Le facteur humain pèse beaucoup dans tout ça. Au bout du compte, le volume d’eau était inférieur à nos calculs », déplore le fonctionnaire.

Une attention particulière dans le choix des cultures

De plus, il reproche aux fermiers de choisir des cultures rentables à la vente, mais qui nécessitent un arrosage plus important. C’est par exemple le cas des fraises, qui requiert un arrosage deux fois par semaine.

« Celui qui plante des fraises et qui vient ensuite manifester, il doit savoir qu’il a pris un grand risque. Ce type de fruits doit être cultivé dans d’autres endroits, plus adaptés », prévient Akylbek Soulaïmanov.

Soupçons des agriculteurs invalidés

Par ailleurs, il réfute les soupçons des fermiers selon lesquels « trop d’eau » irait au Kazakhstan. Selon lui, cette année, le Kirghizstan n’a, au contraire, pas réussi à tenir ses engagements. En effet, il n’a pas pu fournir au Kazakhstan la quantité d’eau annoncée.

Lire aussi sur Novastan : Kirghizstan : tensions frontalières autour de l’eau dans un village de la vallée du Ferghana

« Nous avons essayé de respecter scrupuleusement la répartition de l’eau. Nous n’avons pas pu le faire parce que nous n’avons pas eu ce qui nous revenait nous-mêmes », explique le fonctionnaire en haussant les épaules. Selon lui, l’eau arrive au Kazakhstan par plusieurs canaux : le canal Kolos à la centrale hydroélectrique de Bystrovskaïa, le canal Chortobe en amont de Tokmok, le canal Obedineny à la prise d’eau de l’ouest du grand canal de Tchouï et le canal principal Saint-George près de Kordaï.

Retenir l’eau grâce aux bassins

Le service public a proposé aux autorités kirghizes de construire des petits lacs de retenue sur les rivières de montagne afin d’atténuer l’impact du climat sur la quantité d’eau d’irrigation. La construction de bassins d’éclusées, d’utilisation journalière et décennale, d’un volume pouvant atteindre trois millions de mètres cubes d’eau est à l’étude. En outre, selon Akylbek Soulaïmanov, le moyen de financement du projet de construction du deuxième grand canal de Tchouï est en cours de réflexion. Il s’agit d’un canal de dérivation. Ce projet de construction, en amont de la centrale hydroélectrique de Bystrovskaïa, date de l’époque soviétique.

Lire aussi sur Novastan : La nouvelle politique agricole ouzbèke peut-elle sauver les agriculteurs ?

Ici, l’eau de la rivière Tchon-Kemin s’infiltre dans les nappes phréatiques sur un tronçon de 30 kilomètres. La construction du deuxième canal permettra de recueillir l’eau en amont et de la déverser dans le bras du grand canal de Tchouï. « Grâce à cela, nous pourrons faire l’économie d’environ 300 millions de mètres cubes d’eau, car le sol n’absorbera plus l’eau », affirme-t-il.

Des compteurs automatiques en soutien

Pour lutter contre les erreurs humaines, Akylbek Soulaïmanov propose aussi de mettre des compteurs automatiques pour l’utilisation des ressources en eau. Cependant, ces compteurs ne pourraient être mis en place qu’en ayant recours à l’aide de donateurs.

« Dans la province de Tchouï, dans la vallée d’Ysyk-Ata, on a des exemples de ce type : les systèmes d’évacuation d’eau sont automatisés et dotés d’un compteur. Les compteurs transmettent sous forme électronique toutes les données. On peut ensuite vérifier à distance. Encore une fois, c’est une question de financement. À Ysyk-Ata, tout a été installé par l’intermédiaire de l’Aide au développement et à la coopération de la Suisse », continue Akylbek Soulaïmanov.

Comment financer ?

Il déclare aussi que le service public des ressources en eau compte environ 5 000 kilomètres de canaux dans tout le pays. Toutes ces infrastructures, ainsi que les lacs de retenue et autres installations, sont déduites sur leur propre budget. C’est pour cela que les autorités ne disposent pas des ressources nécessaires à l’entretien des plus petits canaux, utilisés par les coopératives, et la majorité des ressources en eau sont ainsi perdues. C’est aux associations d’usagers des ressources en eau de les réparer et de les remplacer.

« Pour les services d’approvisionnement en eau, nous recevons au moins trois tiyins (0,00033 euro) par mètre cube d’eau. Les associations d’usagers appellent cela les frais pour les services d’irrigation. Eux peuvent monter jusqu’à huit ou dix tiyins (0,001 à 0,002 euro). Ainsi, ils nous donnent trois tiyins au service local des ressources en eau, pour les services d’approvisionnement, et ils doivent utiliser le reste eux-mêmes, pour les réparations et l’entretien des infrastructures d’irrigation », explique-t-il.

Ce n’est pas la première année que la crise dure

Tilek Toktogaziev, l’ancien ministre de l’Agriculture, de l’Industrie alimentaire et de la Valorisation, affirme que cette crise dure depuis plusieurs années déjà. Selon lui, la sécheresse et les manifestations de 2021 des fermiers sont la preuve d’une gestion inefficace des ressources en eau du pays.

Lire aussi sur Novastan : Le Turkménistan se prépare à une sécheresse plus grave que celle de 2018

« Ces problèmes de sécheresse et de gestion inefficace ont forcément un impact sur la sécurité alimentaire de notre pays. Dans les districts de Panfilov et Jayyl, les fermiers ayant de grandes exploitations ont déclaré que leurs pertes des récoltes atteignaient déjà les 80 %. Autrement dit, s’ils avaient prévu de récolter environ 100 tonnes, ils n’en auraient que 20. Cela a déjà entraîné la hausse du prix de l’orge et du blé », dit-il.

Insécurité alimentaire

La hausse du prix de ces produits a un impact sur des secteurs entiers et menace la sécurité alimentaire du pays. Le blé est le principal ingrédient dans le cadre de la production de farine, tandis que et l’orge et le maïs s’utilisent comme fourrage pour les animaux d’élevage.

interview ancien ministre agriculture
L’ancien ministre de l’Agriculture, de l’Industrie alimentaire et de la Valorisation Tilek Toktogaziev.

Justement, l’élevage représente également une source de produits vitaux pour les humains, tels que la viande, le lait et les œufs. Si l’année dernière, l’orge coûtaient environ huit à dix soms (0,11 euro), leur coût s’élève maintenant à 27 soms (0,30 euro). C’est la même chose pour le blé.

La pratique de la corruption

L’ancien ministre mentionne aussi un problème de corruption ordinaire, qui a lieu au moment de la répartition de l’eau entre les usagers. « Par exemple, les fermiers d’Ysyk-Ata ont clairement montré que les champs appartenant à Akylbek Japarov (le ministre de l’Économie) et à d’autres fonctionnaires étaient parfaitement irrigués. Alors que les autres manquent cruellement d’eau, parce qu’on ne leur donne pas. Cela met en cause les employés du grand canal de Tchouï. Certains le font peut-être parce qu’ils ont peur d’être sanctionnés. Dans le district de Moskva, les fermiers paient l’eau d’irrigation 270 soms par hectare (3 euros). Mais en plus de ce qu’ils paient au gouvernement, ils versent 2 500 soms (28 euros) supplémentaires au personnel du grand canal », assure Tilek Toktogaziev.

Tilek Toktogaziev et son équipe ont également enregistré des pratiques de corruption à la frontière entre les districts de Moskva et Jayyl. Selon lui, 300 litres d’eau par seconde étaient censés traverser l’écluse entre les districts, mais en réalité, c’est 1 000 litres par seconde qui passaient vers le district Moskva. Là-bas, beaucoup de fermiers cultivent des légumes. Ils ont besoin d’être arrosés quasi quotidiennement. Par conséquent, plus d’eau a besoin d’y être acheminée.

Le grand canal de Tchouï et le canal de dérivation

L’ancien ministre connaît bien le problème d’infiltration de la rivière Tchon-Kemin et le projet de construction du deuxième canal. Seulement, d’après ses chiffres, ce ne sont pas 300 mais 400 millions de mètres cubes par seconde qui s’enfoncent dans le sous-sol. De plus, il estime que l’eau finit par remonter à la surface une fois au Kazakhstan.

Or, ce volume d’eau n’est pas pris en compte dans le pourcentage de répartition de l’eau entre le Kirghizstan et le Kazakhstan. C’est pourquoi la construction du deuxième canal pourrait, non seulement contribuer à la diminution des pertes en eau par infiltration, mais aussi à une distribution plus juste entre les pays.

« Nous devons faire un choix stratégique et prendre les bonnes décisions. Il faut que nous supprimions les pertes dans tous les canaux. Ensuite, chaque ferme doit être incitée à installer un dispositif d’arrosage, avec un système d’irrigation au goutte-à-goutte et tous les moyens techniques qui nous permettront d’exploiter les ressources en eau de manière optimale », dit Tilek Toktogaziev.

Une pénurie qui aurait pu être évitée

Selon lui, la crise de l’eau, même avec les pertes annuelles dues au phénomène d’infiltration, aurait pu être empêchée, avec le respect, dans les fermes, de deux règles : une répartition égale des ressources en eau (REE) et un minimum de 100 litres par seconde d’eau par champ.

Lire aussi sur Novastan : L’Ouzbékistan et le Turkménistan surconsomment leurs ressources en eau

Pour mener à bien le projet de REE, une commission sera créée dans chaque district. Ce groupe impliquera des fermiers, des policiers et des employés de gestion des ressources en eau et du développement agraire. Les membres pourront, à tout moment, effectuer une vérification des conditions d’irrigation dans les autres districts. Ainsi, nous pourrons instaurer un système d’autocontrôle et prévenir la corruption ordinaire, lorsqu’un district reçoit davantage d’eau et que les autres n’en ont plus du tout.

Une nouvelle logique de répartition

La deuxième règle concerne l’activité des associations d’usagers des ressources en eau. Tilek Toktogaziev propose d’octroyer au moins 100 litres d’eau par seconde à chaque champ. Un champ de quatre hectares pourrait ainsi être arrosé en 24 heures, et cinq champs d’une superficie équivalente en cinq jours.

À l’heure actuelle, le débit d’eau de 100 litres par seconde est réparti sur cinq champs avec 20 litres par seconde chacun. Ces champs de quatre hectares sont entièrement arrosés au bout de dix jours seulement, ce qui est plus long. Les fermiers obtiennent toujours la même quantité d’eau à l’entrée, mais si elle est mal utilisée, les premiers champs sont trop arrosés et les derniers pas assez.

L’anticipation par la mise en place de dispositifs

Selon Tilek Toktogaziev, l’État doit se préparer aux années à venir en prenant diverses mesures, telles que l’introduction de nouvelles technologies, la rénovation et la construction de canaux d’irrigation, la création de lacs de retenue, le rétablissement du système soviétique de pompage et la recherche de fonds pour accorder des crédits peu coûteux et de longue durée aux agriculteurs.

« Nous devons absolument nous préparer au fait que dans cinq à dix ans, la situation sera encore pire. Et il est nécessaire, dès maintenant, d’entreprendre des mesures visant à prévenir l’éclatement de futurs conflits à l’échelle internationale. À ce niveau, nous ne pourrons pas apaiser la situation aussi simplement », prévient-il.

De moins en moins d’eau

Le climatologue Vladimir Grebnev invite les fermiers et l’État à comprendre que le volume actuel d’eau disponible sera largement inférieur à l’avenir.

Lire aussi sur Novastan : L’eau viendra-t-elle à manquer en 2021 en Asie centrale ?

« Il serait faux de dire que les ressources en eau ont diminué. Le volume d’eau est variable ; parfois, on en a un peu plus, parfois un peu moins. Il faut comprendre que d’ici quelques années, peut-être même dans dix ans, il y aura certainement moins d’eau et il sera nécessaire d’en mesurer davantage l’utilisation», analyse l’expert.

interview climatologue Vladimir Grebnev
Le climatologue Vladimir Grebnev.

Il estime que les fermiers doivent s’adapter à ces périodes où il y a moins d’eau, indépendamment des prévisions de l’Agence nationale kirghize d’hydrométéorologie sur le niveau des rivières. « Beaucoup de pays prennent des mesures préventives, indépendamment du fait que la situation puisse ou non empirer. L’introduction de mesures d’adaptation offre la possibilité de diminuer les risques pouvant survenir pour l’ensemble de l’économie », explique Grebnev.

Concurrencer le Kazakhstan coûte cher

Selon l’économiste Nourgoul Akimova, les deux tiers de la population kirghize travaillent dans le milieu agricole. Or, le plus souvent, les Kirghizes pratiquent l’agriculture non pas pour s’enrichir, mais pour survivre.

interview economiste Nourgoul Akimova
L’économiste Nourgoul Akimova. Photo d’Erjan Beïchenaly Oulou.

La spécialiste pense aussi que le manque d’eau a causé des dégâts plus importants chez les fermiers qui cultivaient des légumes. Elle explique que dans la province de Tchouï, les agriculteurs se voient contraints d’augmenter les plantations de légumes, un type de culture nécessitant davantage d’irrigation, afin d’être en mesure de concurrencer le Kazakhstan.

Le Kirghizstan dépendant

Le Kazakhstan est un exportateur majeur de produits à base de céréales. Aussi, il sort gagnant de la concurrence par les prix. Cela contraint donc les agriculteurs locaux à se tourner vers la culture de légumes. Bien qu’il dispose de ses propres champs et de sa propre production, le Kirghizstan reste dépendant des importations de produits et de ressources d’autres pays.

Nourgoul Akimova prédit que les pénuries de produits locaux devront être compensées par des importations. Cela entraînera la hausse du prix de ces produits.

« Les prix vont grimper »

De plus, outre la sécheresse et la pandémie de Covid-19, d’autres facteurs, tels que la situation politique du pays, influencent la hausse des prix. « Les événements importants qui ont suivi les élections ont aussi eu un impact sur les prix. Certains fournisseurs de produits alimentaires ont mesuré le risque et ont décidé de ne pas se déplacer. Dans un pays qui dépend des importations, la stabilité est un facteur essentiel », conclut Nourgoul Akimova.

Toute l’Asie centrale dans votre boite mails Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire gratuite

Découvrez la dernière édition

La dépendance totale du Kirghizstan aux importations de carburants et combustibles constitue une source d’inquiétude supplémentaire. En effet, le prix du carburant a une influence directe sur plusieurs étapes de l’établissement du coût : le transport, l’utilisation des machines agricoles, les coûts logistiques, le processus de transformation, etc. C’est pourquoi le prix du carburant influence celui des produits. Une grande partie du carburant au Kirghizstan vient de Russie, et ce sont les fournisseurs eux-mêmes qui déterminent son coût.

La formation d’une unité pour résoudre les problèmes en commun accord

L’économiste suggère aux autorités kirghizes de conclure un accord avec la Russie et le Kazakhstan fixant les prix du carburant, dans le but d’éliminer les risques liés aux fluctuations du marché des devises.

monument obelisque Kemin Kirghizstan agriculture irrigation
Sur l’obélisque datant de l’ère soviétique près d’une prise d’eau de Kemin, il est inscrit : « Le développement de l’irrigation, c’est la bonne voie vers l’essor de l’agriculture. »

Selon l’experte, tous ces problèmes seraient plus faciles à résoudre en commun. Ainsi, elle propose aux agriculteurs de s’unir dans de grandes coopératives ou sociétés agricoles, qui pourraient interagir directement avec le pouvoir. « Le gouvernement devrait s’engager plus sérieusement dans la collecte de fonds pour construire certains systèmes d’irrigation à l’aide de subventions. Parce que pour un agriculteur, ces dépenses ne sont pas abordables. Nous avons le Fonds pour le climat, j’incite vivement les agriculteurs à s’unir et à le solliciter », suggère-t-elle.  

Aleksandra Titova et Aïdaï Tokoïeva
Journalistes pour Vlast.kz

Traduit du russe par Nolwën Moulinier

Édité par Chloé Renard

Relu par Elise Medina

Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !

Commentaires

Votre commentaire pourra être soumis à modération.