Eurasian Resources Group, dont une des filiales exploite les ressources naturelles au Kazakhstan, a entamé l’extraction de minerai de fer sur le gisement de Pedra de Ferro au Brésil. Déjà actif en Amérique du Sud, le groupe a également quelques projets en Afrique. Kursiv a analysé les revenus liés aux investissements étrangers des compagnies extractrices du Kazakhstan. Novastan reprend et traduit ici un article publié le 25 janvier 2021 par le média kazakh Kursiv. Eurasian Resources Group (ERG), l’un des plus grands groupes d’exploitation des ressources naturelles présent au Kazakhstan, opère au Brésil via une filiale dont elle détient 100 % du capital, Bahia Mineração (Bamin). Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC), aujourd’hui ERG, avait acquis 50 % des parts de la société brésilienne pour 306 millions de dollars (274 millions d’euros) auprès du groupe suisse Zamin Ferrous, puis, en 2010, avait étendu sa participation à l’ensemble du capital, en payant 670 millions de dollars (600 millions d’euros). La construction d’un complexe d’extraction de minerai de fer sur la concession de Pedra de Ferro a débuté en 2017. La capacité de production du projet est de 20 millions de tonnes (Mt) de minerai de fer mais les projections pour 2021 sont considérablement plus faibles, de l’ordre de 2 Mt. 2,4 milliards de dollars (2,15 milliards d’euros) devraient être investis dans le projet intégré d’extraction de minerai de fer et de sa logistique : cette somme englobe non seulement l’exploitation du gisement mais aussi la construction du port en eaux profondes Porto Sul, ainsi que de la voie ferrée Fiol reliant le gisement avec le port.
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Le minerai brésilien sera acheminé vers la Chine, le projet étant financé par des banques chinoises. Jusqu’à un quart des bénéfices revient actuellement à la Chine, indiquait le directeur général d’ERG, Benedikt Sobotka, dans une interview avec chinadaily.com en mai 2020. Grâce à un minerai de haute qualité contenant peu d’impuretés, le gisement brésilien donnera au groupe un avantage par rapport aux exportateurs australiens selon le rapport développement durable d’ERG.
À la découverte de nouveaux continents
Ce même rapport prévoit que, dans le futur, Pedra de Ferro et le projet de retraitement des résidus de cuivre et de cobalt de Metalkol Roan Tailings Reclamation (Metalkol RTR) en République démocratique du Congo (RDC) garantiront la croissance de la production pour ERG. ERG a fait entrer des actifs africains dans son portefeuille en 2009 et 2010. Cette acquisition s’est faite dans un contexte de chute des prix sur les métaux précieux : en 2007 et dans la première moitié de l’année 2008, les prix du cobalt ont atteint un pic à 110 dollars (98,5 euros) le kilogramme ($/kg), puis se sont effondrés à 42 $/kg (37,6 euros) en 2010. Les cotations boursières du cuivre ont franchi un seuil important à la fin de l’année 2018, le cuivre étant passé sous la barre des 3 000 dollars (2 688 euros) la tonne ($/t). Lire aussi sur Novastan : Bienfait ou malédiction : l’Ouzbékistan dépend-il trop de l’or ? La valeur moyenne annuelle du cuivre en 2007 atteignait 7 118 $/t (6 379 euros), alors qu’au plus bas en décembre 2008, elle se situait à 2 770 $/t (2 483 euros). Dans son compte rendu annuel pour l’année 2010, ENRC annonçait avoir saisi les opportunités générées par la crise économique et acquis des actifs au Brésil et en Afrique.
Des investissements en Afrique
Les actifs d’ERG en RDC, en l’occurrence Metalkol RTR, incluent les mines de cuivre et de cobalt de Boss Mining, de Comide ainsi que le gisement de cuivre et le complexe de transformation Frontier. Seuls Frontier et Metalkol RTR sont en fonctionnement. Le gisement de Comide est mis sous cloche depuis 2017, celui de Boss Mining depuis 2019. À cause de la fermeture du gisement en 2019, la fonderie de cuivre Chamishi Metals en Zambie a d’abord réduit sa production puis a cessé de fonctionner. Metalkol RTR, active depuis 2019, valorise les résidus des terrils pour produire du cobalt et ne dépend donc pas de l’exploitation du gisement. En 2019, ERG avait extrait 141 500 tonnes de cuivre et 8 200 tonnes de cobalt, bien que Benedikt Sobotka en 2018 ait fait part à l’agence Reuters de projections bien plus ambitieuses : jusqu’à 230 000 tonnes de cuivre et 20 000 tonnes de cobalt. Parmi les autres actifs africains d’ERG se trouvent des gisements de bauxite, de fluorite de charbon, de platine et de manganèse en Afrique du Sud, au Zimbabwe et au Mali, qui se trouvent encore au stade de la prospection et de l’étude. De plus, ERG construit au Mozambique une centrale à charbon, à Chitima, qui alimentera le Mozambique, le Zimbabwe, la Zambie et la RDC. Le charbon pour la centrale proviendra de mines à ciel ouvert des environs.
Un pari sur le cobalt
Ces actifs africains ont permis à ERG de commencer la production de cobalt. ERG fait le pari du cobalt car c’est l’un des matériaux clés pour la fabrication de batteries pour les véhicules électriques. Cependant, depuis 2019, les affaires du groupe en RDC ont quelque peu souffert de la chute des prix du cobalt qui a perdu plus de 50 % de sa valeur sur fond d’augmentation des réserves en Afrique. De plus, Metalkol RTR n’opère toujours pas à pleine capacité et les terrils fournissant la matière première à l’installation ont été occupés par des orpailleurs illégaux. Auparavant, en 2018, le gouvernement de RDC avait augmenté les royalties de 2 à 3,5 % sur les métaux de base, et introduit des royalties s’élevant jusqu’à 10 % sur les métaux stratégiques, ainsi qu’un impôt de 50 % sur les « superprofits ». Les dépenses fiscales d’ERG en RDC en 2019 représentaient 12,6 % du volume total à l’échelle du groupe, contre 1,3 % pour le reste de l’Afrique. D’après son rapport développement durable, le bénéfice des opérations en Afrique en 2019 atteignait 776 millions de dollars (695,5 millions d’euros), soit 16 % des bénéfices du groupe. Cependant, les dépenses du groupe sur le continent africain ont dépassé les bénéfices de 68 millions de dollars (60,9 millions d’euros). Lire aussi sur Novastan : La discrète présence de Total au Turkménistan Les investissements africains ont aussi causé quelques déboires à ERG. En 2013, l’agence britannique de lutte contre le blanchiment d’argent, le Serious Fraud Office (SFO) avait engagé une procédure pénale contre ENRC qui était alors cotée sur la place boursière londonienne. L’agence suspectait la compagnie de corruption lors d’acquisitions en Afrique. Ce scandale a contraint ENRC au départ de la bourse la même année. L’enquête du SFO est encore en cours.
Un certain intérêt pour les pays voisins
KAZ Minerals est le leader de la production de cuivre au Kazakhstan. Il possède deux projets à l’étranger, dont un seul est actif : le gisement d’or et de cuivre de Bozymtchak au Kirghizstan. Ce gisement ne représente pas un apport significatif à la production totale de KAZ Minerals, à peine plus de 2 % du volume total, mais assure à l’entreprise environ 20 % de son approvisionnement en or. Lire aussi sur Novastan : Kirghizstan : l’avenir de la mine de Koumtor toujours incertain En 2019, 7 000 tonnes de cuivre et 41 000 onces d’or ont été extraits à Bozymtchak. En tout, KAZ Minerals a produit 311 000 tonnes de cuivre et 201 000 onces d’or en 2019. KAZ Minerals a acquis le projet de mine de cuivre de Baïmskaïa en payant 75 % de son prix, soit de 900 millions de dollars (806,6 millions d’euros) en janvier 2019. Les 25 % restants correspondent à un paiement différé d’actions et de fonds liés à la réalisation du projet.
La mine de Baïmskaïa
Baïmskaïa, l’un des gisements de cuivre non exploités les plus grands au monde, est situé en Tchoukotka en Russie. En octobre 2020, KAZ Minerals faisait savoir que l’achèvement du projet serait retardé et que son coût augmenterait. Au même moment, le groupe indiquait que KAZ Minerals assumerait une partie des dépenses capitales sur les infrastructures. Il revient à la compagnie de financer la construction d’équipements portuaires, de logements ainsi que les installations électriques sur le cap Naglioïngyn. Le nouveau port pourra recevoir des livraisons en phase opérationnelle et en même temps servir de point de départ à l’export de minerai de cuivre concentré pour le marché international. Une connexion routière permanente d’une longueur de 428 kilomètres sera construite, reliant le site de Baïmskaïa avec le nouveau port. La première section sera financée et construite d’ici 2024. D’après la compagnie, la question du financement de la deuxième section est encore à l’étude. La capacité annuelle de transformation du minerai atteindra 70 millions de tonnes. D’après les projections de KAZ Minerals, le projet Baïmskaïa devrait soutenir la croissance de production de cuivre et d’or après 2026, tandis que les autres projets du groupe, y compris Bozymtchak au Kirghizstan, verront leur production diminuer après 2025.
Les filiales européennes et la station balnéaire géorgienne
La compagnie nationale KazMunaïGaz (KMG) s’est concentrée à partir de 2015 sur ses opérations au Kazakhstan et a, en conséquence, réduit sa présence à l’étranger. Dans le cadre de cette stratégie, KMG a vendu en 2019 la compagnie de gestion des réseaux de gaz de la capitale géorgienne, KazTransGaz-Tbilissi, à une holding locale : Caucasus Business Solution. En 2008, KMG a également acté la vente de ses participations dans Borjomi Likani International, à hauteur du 50 % du capital, qui gère le complexe de luxe Rixos-Borjomi. C’est le Fonds de partenariat, entreprise publique géorgienne, qui a fait l’acquisition des parts de KMG, qui avait pris possession de ces deux actifs en 2006. KazTransOil, filiale de KMG, possède encore un actif géorgien : le terminal pétrolier de Batoumi (TPB) sur les bords de la mer Noire. Elle en a pris le contrôle complet en 2008. Le terminal propose des services d’acheminement de pétrole et de dérivés pétroliers depuis divers pays comme le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et la Géorgie.
De même, la compagnie dispose d’un droit exclusif sur la gestion des infrastructures du port de Batoumi, détenu, quant à lui, par l’État Géorgien. Entre 2017 et 2019, le volume de passage de pétroles et dérivés sur le terminal a diminué de 59 % passant de 2,1 millions de tonnes à 857 000 tonnes. Les pertes du terminal maritime de KMG ont atteint 14,4 milliards de tengués kazakhs (27,6 millions d’euros). En 2018 et 2019, les indicateurs financiers du TPB se trouvaient aussi dans le rouge.
La présence en Europe
KMG est représentée en Europe depuis 2019 par KMG International (KMGI). D’après son compte rendu annuel pour l’année 2019, KMGI détient 54,63 % des parts dans deux usines pétrochimiques en Roumanie, Petromidia et Vega, et opère un réseau de 515 stations-service en Roumanie, Géorgie et ailleurs en Europe. 271 de ces points appartiennent au marché roumain. Les 224 stations-service restantes se répartissent entre les pays voisins : 56 en Bulgarie 56, 101 en Géorgie. À celles-ci s’ajoutent 87 points de vente que la compagnie loue en Moldavie. Avant 2016, KMGI essuyait des pertes mais a fini par dégager des profits après la modernisation de l’usine Petromidia. La part de KMGI dans le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements de la maison mère KMG en 2019 représentait 4,1 % des 5,4 milliards de dollars (4,9 milliards d’euros) en total. Le volume d’hydrocarbures transformés sur les deux installations pétrochimiques en Roumanie en 2019 était d’environ 6,8 millions de tonnes. En comparaison, les usines kazakhes ont produit 11,5 millions de tonnes en 2020.
Kouralaï Abylgazina Journaliste pour Kursiv
Traduit du russe par Arnaud Behr
Édité par Paulinon Vanackère
Relu par Mathilde Garnier
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