Dans la région de Karaganda au Kazakhstan, une énième catastrophe dans une mine d’ArcelorMittal a fait 46 morts. Le gouvernment a décidé de mettre fin à la coopération avec l’entreprise.
A près de 700 mètres sous terre, dans la mine de Kostenko, un incendie puis une explosion se sont produits le 28 octobre dernier. 201 des 252 mineurs présents ce soir-là ont réussi à sortir par leurs propres moyens, tandis que 24 d’entre eux ont dû recevoir des soins médicaux. L’opération de sauvetage qui s’est poursuivie jusqu’au 31 octobre a permis de retrouver les corps des 46 mineurs disparus.
Kostenko fait partie des sept mines de charbon du Kazakhstan qui appartiennent à ArcelorMittal Temirtaou (AMT), une entreprise connue pour ses manquements en matière de sécurité. Outre les mines, celle-ci est aussi à la tête de la plus grande usine métallurgique d’Asie centrale, d’une autre d’extraction et de traitement des matériaux, de quatre entreprises de minerai de fer, de deux centrales thermique et électrique, d’une usine de tuyaux, ainsi que de plusieurs autres entreprises, obtenues à des prix particulièrement avantageux pendant la campagne de privatisation des années 1990. Nombre d’entre elles ont rencontré des problèmes de sécurité et ont été le théâtre d’accidents mortels.
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En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média européen spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !L’explosion de la mine de Kostenko est la plus meurtrière dans l’histoire récente du Kazakhstan. Elle n’est cependant pas la première. Depuis 2006, plus de 150 personnes ont perdu la vie alors qu’elles étaient en poste dans des entreprises détenues par AMT. En 2022 seulement, déjà six accidents mortels se sont produits aussi bien dans des entreprises que des mines appartenant à ArcelorMittal Temirtaou, causant la mort de 13 personnes. Plus récemment encore, en août 2023, cinq travailleurs ont trouvé la mort dans la mine de Kazakhstanskaïa après qu’une courroie de transport a pris feu. Et la commission gouvernementale a conclu : « La faute revient à l’employeur à 100% ».
Un employeur notoirement connu pour ses manquements
Dans une déclaration datée du 29 octobre dernier, l’entreprise annonce qu’elle a « fait des efforts significatifs, encore renforcés depuis 2020, pour améliorer la sécurité dans le cadre des opérations d’ArcelorMittal Temirtaou ». Une déclaration qui tient davantage d’une parade pour redorer l’image de l’entreprise, qui blâme la « géologie complexe » des mines et leurs difficultés d’exploitation. Le tout, alors même que des voix se sont élevées à maintes reprises ces dernières années pour alerter sur les failles de sécurité. Les travailleurs de la région de Karaganda, où se trouvent les mines, n’ont cessé de réclamer l’amélioration de leurs conditions de travail, tout en constatant l’accent mis sur les profits du groupe, au mépris de la sécurité des mineurs.
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Mais les mines ne sont pas la seule activité à risque. Les catastrophes dans les usines sont elles aussi largement connues, bien qu’AMT n’ait jamais publié de déclaration à ce sujet. En 2018, trois cas d’effondrement de toits et de dalles de plancher sont constatés dans des usines, ainsi que l’effondrement des murs d’une installation de stockage de charbon et l’explosion massive d’un gazoduc, tous appartenant au groupe et à ses filiales. Un autre accident se produit en 2019, lié à la déformation et à l’effondrement du toit d’une usine de métallurgie. En 2021, deux dalles de plancher d’une superficie de 72 mètres carrés s’effondrent quant à elles dans un atelier de forge et presse appartenant à Kurylysmet LLP, filiale d’AMT. Si aucune victime n’est à déplorer cette fois-là, l’attitude de l’entreprise vis-à-vis de la sécurité des travailleurs ne s’est pas améliorée.
AMT n’a pourtant pas cessé de recevoir des amendes et de tomber sous le coup de sanctions pour négligence, non-respect des règles de sécurité, non-présentation de la déclaration fiscale obligatoire et pollution de l’environnement. En novembre 2022, après une énième catastrophe ayant coûté la vie à cinq travailleurs, le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a déclaré que l’entreprise rencontrait des problèmes systémiques et que « malgré les avertissements et les instructions répétées des autorités de l’Etat, la situation ne s’améliorait pas ».
A la recherche d’investisseurs locaux
C’est à l’occasion d’une rencontre avec les familles des mineurs le 18 octobre dernier que le président Kassym-Jomart Tokaïev a annoncé que le gouvernement se retirerait de la coopération avec ArcelorMittal Temirtaou : « J’ai donné l’ordre de mettre fin à la coopération avec AMT. Cette société s’est révélée être la pire coopération que nous ayons eue avec une entreprise. » AMT a de son côté publié une déclaration confirmant avoir « récemment signé un accord préalable de transfert de propriété à la République kazakhe ».
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Par ailleurs, le gouvernement a déclaré que « le transfert ultérieur d’AMT à d’autres investisseurs étrangers n’est pas envisagé ». A long terme toutefois, l’Etat ne prévoit pas d’investir dans le développement de l’entreprise. « Nous n’envisageons pas que l’Etat soit propriétaire et investisse des fonds budgétaires. Nous […] devons attirer un investisseur privé, capable d’investir au moins 3 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) au cours des trois prochaines années, sans quoi l’entreprise ne pourra pas se développer normalement », a déclaré le Premier ministre Alikhane Smaïlov lors de la réunion d’information du majilis, la chambre basse du parlement. 1,3 milliard de dollars (1,2 milliard d’euros) devront être investis immédiatement pour « résoudre les problèmes de sécurité industrielle et au travail, pour la modernisation de tous les équipements et l’augmentation de la production ».
Pour le moment, l’entreprise demeure propriété de l’Etat. Le président a nommé Vadim Basin, chef adjoint de la région de Karaganda, à la tête du département charbon d’AMT.
Anna Wilhelmi
Rédactrice en chef de Novastan English
Traduit de l’anglais par Pauline Ferraz
Edité par Tiphaine Tellier
Relu par Charlotte Bonin
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