Pour réduire sa dépendance à l’importation de matières premières critiques depuis la Russie et la Chine, l’Union européenne fait des pieds et des mains pour trouver de nouveaux partenaires commerciaux en Asie centrale. Pour parvenir à ses fins, elle est prête à fermer les yeux sur la situation des droits humains dans la région.
À Samarcande, en Ouzbékistan, les chefs d’État des cinq pays centrasiatiques (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) ont rencontré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil Antonio Costa pour discuter du futur des relations bilatérales et de potentiels investissements.
Dans son discours, Ursula von der Leyen a insisté sur les investissements engagés par l’UE dans le cadre du programme Global Gateway dans la région. Elle en a profité pour annoncer une nouvelle enveloppe d’investissements d’un montant total de 12 milliards d’euros. D’après la Commission européenne, celui-ci doit avant tout financer des projets dans les secteurs du transport à hauteur de 3 milliards d’euros, des ressources critiques pour 2,5 milliards d’euros, des énergies renouvelables pour 6,4 milliards d’euros, et de la digitalisation pour 100 millions d’euros.
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En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média européen spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !Cela fait des années que l’UE s’efforce de réduire sa dépendance à la Russie et à la Chine dans le domaine des ressources critiques et des terres rares. Ces matériaux jouent des rôles clé dans la fabrication d’ordinateurs, d’armes, d’éoliennes et d’autres biens technologiques. En 2023, 94 % des importations de terres rares dans l’UE provenaient de Chine, de Russie et de Malaisie.
« La course a déjà commencé »
Dans sa course aux terres rares et autres matériaux critiques, l’Europe a également à composer avec des concurrents. D’après l’expert de l’Asie centrale Peter Leonard, les États-Unis mais aussi la Corée ont également manifesté leur souhait d’engager une coopération plus étroite avec le Kazakhstan en concluant des accords sur les ressources.
« Pendant de nombreuses années, personne ici n’accordait d’attention aux terres rares et aux matériaux critiques. La priorité, c’était le pétrole et le gaz. Ce n’est que depuis tout récemment qu’il est question d’attirer des investissements. La course a déjà commencé », explique le politologue kazakh Dossym Satpaïev dans une interview sur la chaîne Youtube HyperBorei.
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D’après Ursula von der Leyen, l’Union européenne veut, contrairement à d’autres puissances, veiller à ce que ses investissements en Asie centrale contribuent en fin de compte à la création de chaînes de valeur ajoutées locales et de nouveaux emplois.
“L’Europe veut faire une proposition juste […]: En tant que partenaire, nous voulons créer des chaînes de valeur locales pour les ressources critiques, ce qui signifie que la valeur créée dans la région reste aussi, ici, dans la région”, a expliqué la présidente de la Commission.
Comment l’Asie centrale pourrait en profiter
Les États d’Asie centrale considèrent de plus en plus l’Europe comme un partenaire attractif pour réduire leur dépendance à leurs voisins. Ainsi, le Kazakhstan pourrait faire le pari de la France et de sa technologie nucléaire de pointe pour la construction de son premier réacteur nucléaire, tandis que la banque européenne d’investissement devrait ouvrir un bureau à Tachkent.
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Pendant le sommet, le président de l’Ouzbékistan Chavkat Mirzioïev a déclaré que « la priorité dans nos interactions revenait à la modernisation économique et technologique ». Il a ainsi nommé l’énergie verte, l’innovation, le transport, les infrastructures et l’agriculture comme secteurs clés.
Le rapprochement avec l’UE fait partie d’une politique étrangère multivectorielle des États centrasiatiques. Celle-ci cherche à équilibrer les relations aux voisins chinois et russes en nouant des liens avec des pays tiers.
Les droits de l’Homme aux abonnés absents ?
Les défenseurs des droits de l’Homme ont exprimé leur inquiétude au sujet de la situation en Asie centrale et exigé de l’UE qu’elle aborde le sujet pendant le sommet, comme l’écrit Radio France International.
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« Le progrès au long cours ne dépend pas uniquement de la diplomatie, des investissements et du commerce mais exige également le respect des droits de l’Homme ainsi qu’un espace pour la société civile dans lequel se développer et travailler librement, sans peur », développe Marie Struthers, directrice de la section Europe de l’Est et Asie centrale d’Amnesty International.
Dans le communiqué final, aucune mention des droits de l’Homme n’a été faite.
Benedikt Stöckl
Rédacteur pour Novastan Deutsch
Traduit de l’allemand par Arnaud Behr
Relu par Elise Medina
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