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La puanteur, les rats, l’insalubrité : vivre à côté d’une décharge au sud d’Almaty

Un incendie s’est déclaré dans une décharge publique jouxtant des habitations au sud d’Almaty, rendant les conditions de vie encore plus difficiles pour les riverains. L’insalubrité et l’expansion régulière de la décharge rendent le quotidien de plus de 600 familles de plus en plus difficile.

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Incencie à la décharge publique de la région d'Ile.

Un incendie s’est déclaré dans une décharge publique jouxtant des habitations au sud d’Almaty, rendant les conditions de vie encore plus difficiles pour les riverains. L’insalubrité et l’expansion régulière de la décharge rendent le quotidien de plus de 600 familles de plus en plus difficile.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 16 juin 2020 par le média kazakh Informburo.

Le 10 juin 2020, un incendie s’est déclaré à la décharge du district d’Ile, au sud de l’oblys d’Almaty. D’après les données du département des mesures d’urgence, 130 pompiers et 26 unités techniques ont été mobilisés pour l’éteindre. Bien que l’incendie ait été maîtrisé en 24 heures, les déchets continuent de se consumer. Sur les 38 hectares de la décharge, sept seraient partis en fumée, selon les données fournies par les autorités locales.

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Des zones habitées sont situées à proximité immédiate de la décharge, séparées par une autoroute reliant Almaty, la capitale économique du Kazakhstan, et Öskemen. De l’autre côté de la route s’épanouissent ainsi des coopératives où résident en permanence plus de 600 familles, les premières à souffrir d’une telle proximité avec la décharge.

« Les enfants souffrent de maux de tête depuis l’incendie, et les retraités d’une hausse de tension »

Alexandre Eriomin habite la coopérative Rassvet-2, à 800 mètres de la décharge. Il raconte dans quelles conditions lui et ses concitoyens évoluent, compte tenu de la proximité avec les installations. « Les enfants souffrent de maux de tête constants depuis l’incendie et ont été envoyés en ville chez des proches. Imaginez, les plaintes sur des migraines incessantes, des nausées, voire parfois des quintes de toux. Nous vivons ici depuis longtemps, mais je ne sais pas comment on va pouvoir continuer ici dans ces conditions », raconte-t-il à Informburo.

Le directeur de la décharge a fait ériger une immense digue tout autour, afin qu’elle ne soit pas visible depuis l’autoroute. Selon Galina Dzioubenko, ce problème n’existait pas dans les années 1990, lorsqu’elle a acheté son terrain. A l’époque, la zone de la décharge se trouvait loin de l’autoroute et ses relents de ne la franchissaient pas. Mais d’années en années, la décharge s’est étendue et a fini par se rapprocher de l’autoroute, et par conséquent, des terrains constructibles.

La riveraine raconte qu’ils n’auraient pas acheté leur datcha, pour y passer leurs étés, s’ils avaient su que la décharge continuerait son expansion jusqu’aux habitations. “Vous savez, dès que le vent de Chilik s’arrête, l’odeur nous arrive. Le matin, par exemple, il faut fermer les fenêtres pour éviter que ce soit désagréable et que toute votre maison exhale une odeur fétide. Mais on ne peut pas s’en débarrasser, parce que la décharge est juste à côté », poursuit-elle.

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Même après l’incendie, la combustion se poursuit sur près de trois hectares. D’après les informations données par le représentant du service de presse du département des mesures d’urgence de l’oblys d’Almaty, Azamat Jourtbaïev, une cinquantaine de personnes ainsi que 20 unités techniques sont encore dépêchées sur place. « Toute la difficulté réside dans le fait que la combustion a lieu très en profondeur”, raconte-t-il. Il ajoute que ce sont quelques mètres d’épaisseur qui se consument, mais qu’ils pensent pouvoir en venir à bout rapidement. Les circonstances de l’embrasement restent inconnues.

« Au début, je vomissais, mais maintenant je me suis habituée »

Chynar Ryspaïeva (son nom a été modifié à sa demande), vendeuse dans une épicerie, s’indigne de la proximité avec cette poubelle à ciel ouvert. Quand l’incendie s’est déclaré, la fumée a envahi la coopérative et son magasin, situé au bord de la route, a été la première victime de l’odeur et de la suie. Même en temps normal, l’odeur de la décharge reste forte. « Cela fait maintenant deux ans que j’y travaille. La première année, je vomissais à cause de l’odeur, il m’était difficile de travailler. Mais maintenant, j’y suis habituée. Mais quoiqu’il arrive, je ne trouve pas ça normal que les gens soient obligés de s’habituer, obligés de vivre comme ça en permanence”, raconte-t-elle.

Chynar Ryspaïeva a demandé à ce que son identité ne soit pas révélée et à ne pas être photographiée, ainsi que son magasin. Elle reconnaît ne pas vouloir de problèmes avec les gens de la décharge. On lui a dit que la zone appartenait à des gens sérieux, de la capitale Nur-Sultan, et qu’aussi il était presque impossible d’obtenir de la faire fermer.

Les policiers ont refusé l’accès à la décharge aux journalistes. Une voiture de patrouille se trouve tout à l’entrée de la zone de l’usine de traitement des déchets. Le policier a déclaré qu’il était interdit de s’y rendre, en raison des risques d’explosion ou d’incendie.

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Rosa Darakhounova, une riveraine de la décharge.

Une habitante du coin, Rosa Darakhounova, raconte que de nombreux clandestins tadjiks et ouzbeks travaillant à la décharge habitent la coopérative. La plupart sont sans-papiers et louent de petites bicoques. Certains habitants, payés en échange de services, tentent de leur faire des papiers et les couvrent malgré le malaise des riverains.« Ils vont dans les magasins directement depuis la décharge, encore sales, ce n’est absolument pas hygiénique, et les odeurs sont désagréables. Parfois, certains d’entre eux sont carrément ivres. Nous sommes inquiets pour nos enfants, ils peuvent tout à fait tomber sur eux en allant à l’école », raconte-t-elle.

« Toutes mes tomates sont flétries, les arbres se dessèchent à cause de cette décharge »

Nina Choumilova, qui possède une datcha dans les environs, a un petit jardin et un potager, mais ses arbres fruitiers ainsi que ses plants de tomates ont jauni et se sont partiellement desséchés. Cela fait plus de 20 ans qu’elle possède ce terrain, mais le problème de la décharge l’inquiète seulement depuis cinq ou six ans. 

« L’année dernière, les feuilles de mes arbres étaient plus grandes et plus éclatantes. Et là, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je viens pourtant ici tous les étés depuis la ville pour préparer mes conserves pour l’hiver. Et si rien ne pousse et que mes légumes sont tous flétris, alors à quoi ça sert tout ça ? », s’interroge-t-elle, en montrant sa parcelle. 

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La riveraine Nina Choumilova dans son jardin. Les feuilles des arbres ont flétri suite à l’incendie.

Pour Maxime Bastrykin, un des habitants, il est possible de vivre ici : il y a l’électricité, l’eau courante, et probablement du gaz dans un avenir proche. Mais cette poubelle à ciel ouvert gâche tout. « Tout le temps, tous les ans, il y a un incendie dans la décharge. On n’étend pas ses vêtements dehors, la cendre s’y dépose. En passant le doigt sur un carreau, on trouve une épaisse couche de suie. Des emballages s’envolent constamment de la zone » énumère-t-il, entre autres, comme aspects négatifs. 

Dans les coopératives, il est difficile de vendre son logement à cause de la décharge. Les acheteurs ne sont pas très enclins à investir et les prix dégringolent. Il leur est impossible de déménager en ville puisque comme le disent tous les locaux, il est très difficile d’acheter un logement à Almaty car tout y est cher. Les habitants doivent, donc, s’accommoder de tous ces aléas.

Kassym Magomedov s’est retrouvé coincé dans sa datcha en mars 2020, où il a dû passer toute la période du confinement. Il n’a pas pu retourner en ville. Il a donc eu l’occasion d’expérimenter au premier chef tous les désagréments que comporte la vie près d’une décharge publique. Il en est arrivé à devoir apprendre tous les liens des sites sur lesquels on peut consulter la carte des vents.

« Avant, je ne savais pas ce qu’était cette carte des vents, et où on pouvait bien la trouver. Maintenant j’ai bien été obligé de l’apprendre parce que grâce à cette carte, on peut estimer quand la puanteur va à nouveau frapper, à cause de l’absence de vent. Quand ça souffle, on ne sent rien. Mais quand le vent s’arrête, alors là, à nouveau, l’odeur de la décharge nous parvient. » témoigne-t-il.

« A cause de cette décharge, des chiens errants et des rats sont apparus »

D’après Alexandre Baklouchine, le représentant de la coopérative Rassvet, cela fait presque dix ans que les locaux se battent contre l’expansion de la décharge. En 2016, après avoir élargi le tronçon de l’autoroute Almaty-Öskemen, les arbres qui faisaient tampon entre les zones habitées et celle de la décharge ont été abattus. Les arbres agissaient comme un filtre en retenant les odeurs et ordures envolées.

Le représentant raconte comment la situation s’est empirée à ce moment : « En 2016, nous avons tous écrit une lettre ouverte au gouvernement. Des fonctionnaires sont venus, ils ont fait quelques promesses, la télévision aussi était là. Mais rien n’a changé. » Cette fois, il prévoit de faire appel au gouvernement, au parti Nour-Otan mais aussi à des fonds environnementaux.

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Les habitants se plaignent aussi de l’augmentation des chiens errants à cause de la décharge. Le plus souvent, les chiens, souvent porteurs de maladies, traversent la route et se font renverser par des voitures, ils créent de nombreux accidents de la route, en plus d’attaquer les enfants. Le représentant de la coopérative raconte aussi que la décharge attire les rats. « Ils sont également apparus en masse dans les maisons, en particulier dans celles qui bordent la route. Ils s’y nourrissent, puis courent dans les maisons. Les habitants ont beau les empoisonner, c’est une lutte vouée à l’échec puisque la décharge est leur principale source de subsistance. Tant qu’elle sera là, les gens souffriront », conclut Alexandre Baklouchine.

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Les déchets se consument même après l’extinction de l’incendie.

Le militant écologiste Timour Eleoussizov considère que, dans ce genre de décharge, les incendies sont le plus souvent dus au non-respect des mesures de sécurité ou du fait même des employés. « La plupart du temps, ce sont les travailleurs de la décharge qui sont responsables des incendies. De temps en temps, des ouvriers mettent le feu aux déchets afin de récupérer le cuivre présent dans les équipements en plastique ou dans les unités d’ordinateur. Tout ce cuivre, ils en font ensuite de la ferraille ”, décrit Timour Eleoussizov à Informburo.

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Le militant ajoute que la responsabilité des employés tient aussi dans le fait du non-respect des normes de sécurité. “La décharge peut parfois prendre feu en raison d’une trop forte chaleur et de l’accumulation sur plusieurs épaisseurs de matériaux brûlants. Tout cela est très dangereux, c’est pourquoi des normes de sécurité sont indispensables et doivent obligatoirement être respectées dans la décharge », explique-t-il.

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Serikjan Erekechev, représentant des autorités locales du district d’Ile, déclare que seulement un hectare continue de brûler en date du 16 juin 2020, et qu’il sera sûrement éteint d’ici quelques jours. Il explique les mesures prises par le district pour protéger les habitants. « Nous allons recultiver les terres qui se trouvent près de la décharge, nous allons y replanter des arbres. Les restes de l’incendie seront bientôt totalement liquidés. Nous comprenons très bien à quel point la vie est difficile pour les habitants des villages environnants. Je vous l’assure, l’incendie sera bientôt complètement éteint », a affirmé le député du district. 

Serikjan Erekechev a également fait savoir qu’une discussion est en cours avec le ministère de l’Ecologie concernant la situation environnementale de la zone entourant la décharge. Des spécialistes ont récolté des échantillons de terre et d’eau, issue des réservoirs les plus proches, et effectué des mesures quant à la qualité de l’air. Des recommandations en accord avec la législation en vigueur seront prises en fonction des résultats.

Danyar Ayssarov
Journaliste pour Informburo

Traduit du russe par Elizabeth Lallier

Edité par Frédérique Faucher

Relu par Nathalie Boué

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