Accueil      Tadjikistan : morts et blessés lors de manifestations dans le Haut-Badakhchan

Tadjikistan : morts et blessés lors de manifestations dans le Haut-Badakhchan

La ville de Khorog, dans le sud du Tadjikistan, a été le théâtre de plusieurs jours consécutifs de manifestations au cours desquelles deux personnes ont été tuées et d'autres blessées. L'élément déclencheur a été la mort d'un villageois, abattu par les forces de sécurité alors qu'il était en garde à vue. Entre-temps, les manifestations ont pris fin après que les autorités ont entamé des négociations avec les manifestants le 28 novembre. Chronique des évènements.

Khorog Tadjikistan Haut-Badakchan Troubles Manifestation Mort
La ville de Khorog dans le sud du Tadjikistan a connu quatre jours de troubles, entre le 25 et le 28 novembre 2021.

La ville de Khorog, dans le sud du Tadjikistan, a été le théâtre de plusieurs jours consécutifs de manifestations au cours desquelles deux personnes ont été tuées et d’autres blessées. L’élément déclencheur a été la mort d’un villageois, abattu par les forces de sécurité alors qu’il était en garde à vue. Entre-temps, les manifestations ont pris fin après que les autorités ont entamé des négociations avec les manifestants le 28 novembre. Chronique des évènements.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 29 novembre 2021 par notre version allemande.

Deux personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées lors de manifestations à Khorog, la capitale de la province autonome du Haut-Badakhchan, située dans le sud du Tadjikistan.

Les évènements ont commencé le 25 novembre dernier, lorsque les habitants de Khorog et des environs se sont rassemblés dans le centre-ville, décrit le média russe spécialisé sur l’Asie centrale Fergana News. Les manifestants ont demandé que les forces de sécurité qui avaient abattu un villageois lors de son arrestation le matin même soient traduites en justice.

Une arrestation déclenche un mouvement populaire

Les protestations ont été déclenchées par la mort de Goulbiddine Ziyobekov, 29 ans, originaire du village de Tavdem dans le district de Rochtkala. Goulbiddine Ziyobekov était accusé d’avoir battu et pris en otage l’assistant du procureur du district, Abdusalam Abirsoda en 2020.

Selon le média tadjik Asia-Plus, qui se réfère à un témoin oculaire, des représentants des forces de l’ordre se sont rendus au domicile de Goulbiddine Ziyobekov le 25 novembre au matin pour l’arrêter. Mais ce dernier s’est défendu et leur a donné des coups de poing. La police a alors ouvert le feu, blessant deux personnes en plus de Goulbiddine Ziyobekov. L’accusé a été mis dans une voiture par les forces de sécurité. « Et puis ils ont annoncé sa mort », poursuit le témoin.

Le récit officiel diffère considérablement des rapports des témoins oculaires. Comme le rapporte l’agence de presse gouvernementale Khovar en se référant au parquet local, Goulbiddine Ziyobekov « a opposé une résistance armée aux policiers [et] a ouvert le feu avec un pistolet Makarov qu’il portait illégalement sur lui ». Par ailleurs, les autorités déclarent que Goulbiddine Ziyobekov a été blessé par des tirs de riposte, mais ne mentionnent pas son décès.

Les participants à la manifestation qui connaissent bien ses antécédents ont confirmé à Fergana News qu’Abdusalam Abirsoda a effectivement été détenu en février 2020 par des habitants du village parce qu’il aurait auparavant harcelé une des jeunes filles locales. Goulbiddine Ziyobekov et d’autres hommes auraient alors « exigé des excuses de sa part ».

Les protestations s’intensifient

Après la mort de Goulbiddine Ziyobekov, les manifestants ont parcouru les rues de Khorog avec son corps, puis se sont rassemblés devant le siège de l’administration provinciale. Selon le média américain Radio Free Europe, une partie de la foule aurait tenté de prendre d’assaut le bâtiment. Cinq membres du personnel de sécurité ont été blessés.Les forces de sécurité ont alors tiré sur la foule. Selon Asia-Plus, Touticho Aslichoyev, 21 ans, a été mortellement blessé. D’autres personnes ont été blessées, l’une d’entre elles a succombé à ses blessures à l’hôpital.

Lire aussi sur Novastan : Les loups poussent le Tadjikistan à réarmer la région du Gorno-Badakhchan

Selon Fergana News, certains des manifestants ont été reçus le soir du 25 novembre par Alicher Mirsonabot, le chef de l’administration de la province du Haut-Badakhchan. Il a promis de faire enquêter sur l’incident ainsi que sur les coups de feu tirés sur la place au cours des deux à trois prochains mois, mais n’a ainsi pas pu calmer les protestations.

« Nous savons déjà qui a arrêté Goulbiddine Ziyobekov et ouvert le feu sur les personnes présentes sur la place. Cette enquête ne durera pas plus de 10 jours, c’est pourquoi nous demandons catégoriquement une enquête et l’arrestation des responsables », a déclaré l’un des manifestants.

Quatre jours de manifestation

Les jours suivants, le nombre de manifestants s’est élevé à plusieurs milliers. Le 26 novembre, des activistes ont publié une pétition sur Change.org, demandant entre autres la démilitarisation du Haut-Badakhchan et le démantèlement de certains check-points, relaie Fergana News. En outre, les cercueils des manifestants tués la veille ont été amenés au rassemblement, ajoute Radio Free Europe.

Les violences se sont cependant poursuivies. Le 27 novembre, alors qu’Alicher Mirsonabot tentait une nouvelle conciliation et promettait aux manifestants d’enquêter sur la mort de Goulbiddine Ziyobekov, des pierres lui ont été lancées. Alicher Mirsonabot et le député Aziz Giyozoda qui l’accompagnait ont été blessés, selon Fergana News.

Comme Asia-Plus l’a rapporté, des rassemblements de soutien aux protestations à Khorog ont eu lieu du 26 au 28 novembre dans un certain nombre de villes à travers le monde, notamment à Moscou et à New York, mais aussi à Bonn et à Dortmund.

Retour à la normale

Après quatre jours de protestation, Khovar a annoncé le matin du 29 novembre que la veille, à 20 heures, « le rassemblement illégal qui avait commencé l’après-midi du 25 novembre à Khorog par quelques groupes intéressés » avait pris fin. Selon Radio Free Europe, qui cite des sources locales, les fonctionnaires du gouvernement et les représentants des manifestants ont négocié pendant sept heures. Au cours des discussions, les autorités ont assuré qu’elles n’ouvriraient pas d’enquête pénale contre les manifestants.

Les communications téléphoniques et Internet, interrompues au début des manifestations, devraient être rétablies, décrit Fergana News. Une enquête sur la mort de Goulbiddine Ziyobekov aurait également été promise. « Les propositions et les revendications des manifestants ont été acceptées et ils ont quitté les lieux. Leur principale revendication était que le meurtrier de Goulbiddine Ziyobekov soit jugé. Une commission spéciale a été mise en place au nom du président et une enquête a été ouverte », a déclaré à Asia-Plus Golib Niyatbekov, porte-parole de l’administration régionale.

Lire aussi sur Novastan : Tadjikistan : vers un regain des troubles dans la région autonome du Haut-Badakhchan ?

Par ailleurs, Fergana News a annoncé le 29 novembre que plusieurs points de contrôle militaires installés les jours précédents avaient été démantelés à Khorog. Ceux-ci étaient composés de véhicules blindés et d’un grand nombre de militaires. Plusieurs points de contrôle déjà mis en place en 2018, lorsque le président Emomali Rahmon avait ordonné de « nettoyer » la région des armes et de la criminalité, n’ont toutefois pas été retirés.

Le Haut-Badakhchan est régulièrement le théâtre d’affrontements violents. De 1992 à 1997, la région a été l’une des zones les plus disputées de la guerre civile tadjike. Même si la situation à Khorog semble s’être calmée et que la ville retrouve une situation normale, la bonne volonté de toutes les parties impliquées reste nécessaire pour pacifier durablement la région. Le 30 novembre dernier, Asia-Plus a décrit qu’Internet n’était toujours pas rétabli, créant un doute persistant chez les manifestants quant aux promesses des autorités.

Robin Roth
Rédacteur en chef de Novastan Deutsch

Relu par Anne Marvau

Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !

Commentaires

Votre commentaire pourra être soumis à modération.