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Ces femmes tadjikes qui s’approprient les professions « masculines »

Au Tadjikistan, les inégalités de genre dans la sphère du travail sont particulièrement marquées. La rédaction de Cabar Asia montre comment Mavzouna Sanguinova, 30 ans, est passée de travailleuse migrante en Russie à mécanicienne dans son pays, en cassant les stéréotypes.

Rédigé par :

La rédaction 

Edité par : Paulinon Vanackère

Traduit par : Mathilde Garnier

Cabar

Tadjikistan Femme Profession masculine Garagiste Khoudjand
Ousto Mavzouna dans son garage. Photo : Cabar.

Au Tadjikistan, les inégalités de genre dans la sphère du travail sont particulièrement marquées. La rédaction de Cabar Asia montre comment Mavzouna Sanguinova, 30 ans, est passée de travailleuse migrante en Russie à mécanicienne dans son pays, en cassant les stéréotypes.

Au Tadjikistan, il est difficile pour les femmes de briser les stéréotypes de genre et de gagner leur vie autant que les hommes. Celles qui n’ont pas peur de remettre en question la société patriarcale et, en surpassant les stéréotypes, de s’établir dans des professions traditionnellement masculines, n’en sont que plus méritantes.

Le Tadjikistan est considéré comme un pays avec un niveau de pauvreté élevé du fait qu’il est difficile, non seulement pour les femmes mais aussi pour les hommes, d’y trouver un travail. De ce fait, selon la Banque mondiale, un citoyen sur quatre quitte le pays pour trouver un emploi, principalement en Russie.

Des inégalités de genre au Tadjikistan dans la sphère du travail

L’indice d’égalité des genres de la Banque mondiale indique que la part de femmes sans emploi au Tadjikistan dépasse celle des hommes : 69 % des femmes en âge de travailler ne le font pas, contre 49 % des hommes.

Mavzouna Sanguinova a passé huit ans de sa vie à travailler en Russie. Elle y travaillait comme ouvrière polyvalente, et, entourée d’hommes, faisait un travail physique sur des chantiers. En rentrant au Tadjikistan, elle a décidé de poursuivre une profession « masculine », rapportant des revenus quotidiens pour sa famille.

Aujourd’hui, Mavzouna Sanguinova est connue dans la ville de Khoudjand, dans le Nord du pays, et au-delà, sous le nom d’Ousto Mavzouna, ou maître Mavzouna. Ce nom, ce sont les conducteurs dont elle répare les voitures qui le lui ont donné. Elle travaille comme mécanicienne, profession le plus souvent réservée aux hommes.

Pour Ousto Mavzouna, 30 ans, la mécanique n’est pas seulement un hobby, c’est une obligation vitale. Elle s’est mariée à l’âge de 18 ans. Dès les premiers jours de leur vie conjugale, elle et son mari vivaient dans un appartement de location, alors que tous les Tadjiks aspirent à la propriété foncière. L’argent manquait, et c’est pourquoi le couple a dû partir pour la Russie, pour trouver un emploi. Elle raconte que même pendant cette période de migration, elle occupait déjà un poste « masculin ».

La difficile vie de migrant en Russie

« En huit ans de vie et de travail à l’étranger, je me suis habituée à toutes sortes de travail. C’était généralement un travail à la journée. J’ai travaillé avec d’autres migrants sur des chantiers, j’ai creusé des tranchées pour l’eau potable. Peu importe où j’étais, j’ai gagné ma vie d’un travail honnête. Mais la vie de migrant est difficile. J’ai pris la décision de faire des travaux à la journée, mais de vivre chez moi, dans mon pays », raconte-t-elle.

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Au moment de son retour à Khoudjand en 2020, Ousto Mavzouna avait déjà deux jeunes enfants. C’est alors qu’elle a décidé que pour réaliser ses rêves, il lui faudrait obtenir un diplôme de spécialisation.

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Ousto Mavzouna a fait le choix de rentrer au Tadjikistan et d’étudier (illustration). Photo : Cabar.

Quand elle est allée s’inscrire au centre de formation à Khoudjand, celui-ci lui a proposé des cours de couture et de design. Mais elle rêvait de devenir mécanicienne. Son père, qui a travaillé lui-même toute sa vie comme mécanicien automobile, lui a servi d’exemple. Quand Ousto Mavzouna était enfant, elle aimait regarder son père travailler.

Concilier études et travail avec une famille à charge

La jeune femme a étudié avec un groupe de 29 jeunes. C’était la première fois dans l’histoire de ce centre de formation que la situation se présentait. Selon ses mots, personne ne pensait qu’elle persévérerait dans la voie qu’elle avait choisie. Mais après une année d’étude, ses camarades reconnaissaient déjà la finesse de sa technique.

« Quand j’ai commencé à étudier, mes enfants étaient petits. De plus, les choses ont fait que la famille s’est trouvée à ma charge. Il n’y avait ni travail, ni revenus. Mais je me suis fixé un objectif : devenir cheffe d’entreprise, pour trouver ma place dans la vie. Le matin j’allais étudier, et après les cours j’allais faire le ménage chez des gens, pour gagner de l’argent. Voilà comment j’ai fini mes études », raconte Ousto Mavzouna.

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« Je pensais en permanence au fait que je devais me trouver un travail avant la fin de mes études. Mais ce ne sont pas tous les artisans qui feraient confiance à une femme et qui lui donneraient une place dans leur atelier. Avec le soutien de mes professeurs, j’ai écris la trame d’un projet que j’ai présenté pour obtenir une bourse présidentielle. Heureusement, la commission a accepté mon projet. J’ai reçu une bourse de 40 000 somoni (3 300 euros) pour l’achat d’équipement moderne et l’organisation de mon atelier. Le 6 juin 2022 était mon premier jour de travail dans cet atelier », raconte-t-elle.

Des concours pour obtenir des bourses

Tous les ans au Tadjikistan, un concours a lieu pour l’obtention d’une bourse présidentielle et de différentes bourses des dirigeants des régions, villes et quartiers, à destination des femmes talentueuses. La responsable du département des femmes et de la famille de la région de Soghd, Goulnora Gadoïbekova, raconte qu’au cours de sa carrière, de nombreuses femmes-artisanes ont présenté leurs projets de développement professionnel pour l’obtention d’une bourse similaire. Parmi ces femmes, certaines faisaient de la forge, de la frappe sur cuivre, de la gravure et de la peinture. Cependant, dans toute l’histoire du concours, seule Mavzouna Sanguinova a présenté un projet de création de garage automobile.

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« Aujourd’hui, elle est un exemple pour beaucoup de femmes et de filles dans la région de Soghd. C’est parce qu’au delà de divers problèmes personnels et des stéréotypes de la société traditionnelle tadjike, elle a réalisé son rêve et a obtenu ce qu’elle voulait », raconte Goulnora Gadoïbekova.

L’atelier d’Ousto Mavzouna est situé au milieu d’autres ateliers dans lesquels travaillent seulement des hommes.

Des clients fidèles

« À mon premier jour de travail, trois hommes ont apporté leur voiture et m’ont regardée avec suspicion et manque de confiance. Mais quand j’ai réparé leurs voitures avec succès, ils sont tous devenus des clients réguliers », raconte la garagiste.

Ousto Mavzouna s’est déjà constituée sa base de clients fidèles, et sa réputation de bonne mécanicienne automobile a dépassé les frontières de Khoudjand. Les conducteurs hommes se comportent respectueusement envers la mécanicienne.

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L’un d’entre eux, Bakhodour Poulotov, est un chauffeur de taxi en activité depuis une vingtaine d’années. Il y a huit mois, sur recommandation de ses amis, il s’est adressé à Ousto Mavzouna pour réparer le moteur de sa voiture. Selon ses dires, la responsabilité, l’intégrité et la qualité du travail effectué ont fait de lui un client fidèle.

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« Il y a des professionnels à qui tu apportes ta voiture en réparation, mais ils font un travail tel que deux jours plus tard, tu dois de nouveau la conduire au garage. Mais Mavzouna, malgré le fait que le métier de mécanicien soit une profession masculine, est dévouée à la tâche. La qualité de son travail est la meilleure, je lui fais entièrement confiance », raconte Bakhodour Poulotov.

Des femmes en formation de mécanicienne

Ses collègues hommes reconnaissent le talent d’Ousto Mavzouna et la respectent pour son professionnalisme. L’un deux, Amir Atokhoudjaïev, 35 ans, raconte au détour d’une conversation que la mécanicienne a un don de Dieu.

« Elle répare les voitures avec une grande maîtrise et un grand enthousiasme. Et elle n’a pas peur de la difficulté. Elle est dévouée à sa profession. Ce n’est pas n’importe quelle femme qui peut choisir cette profession et s’y tenir », dit-il.

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Actuellement, les clients d’Ousto Mavzouna lui viennent de toutes les villes de la région de Soghd, et même de la capitale Douchanbé. En un an d’activité dans son garage, elle a déjà formé sept jeunes, qui ont continué sur cette voie à l’étranger. À l’heure actuelle, trois jeunes femmes se sont inscrites auprès d’elle pour se former au travail de mécanicienne en tant qu’apprenties.

Ousto Mavzouna prévoit d’étendre son activité et d’enseigner sa profession à d’autres femmes. Elle rêve d’établir un grand atelier où les réparations seront effectuées seulement par des femmes, qui gagneraient ainsi leur vie.

Ougouloï Abdoufattokhzoda et Lola Olimova
Journalistes pour Cabar

Traduit du russe par Mathilde Garnier

Edité par Paulinon Vanackère

Relu par Julien Goutay

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