Au Kirghizstan, où à ce jour aucune loi ne protège les victimes de harcèlement, la société civile réclame depuis longtemps des actions concrètes pour mettre fin à l’impunité. A petits pas, mais sûrement, les initiatives se multiplient.
C’est une première du genre au Kirghizstan. Les 2 et 3 décembre dernier, 25 conducteurs du réseau de taxis collectifs de Bichkek ont reçu une formation de sensibilisation à la prévention contre le harcèlement sexuel dans les transports publics. La formation a été organisée et dispensée par la Child’s Rights Defenders League (CRDL), une fondation publique kirghize fondée en 2008 par Nazgoul Tourdoubekova, qui a pour but la promotion et la protection des droits des enfants au Kirghizstan.
Soutenue financièrement par l’Ambassade des Etats-Unis au Kirghizstan et en partenariat avec le Département des transports de la mairie de Bichkek, l’initiative s’inscrit dans le cadre d’un programme de huit mois lancé en octobre dernier, le Harassment-free marshrutkas (marchroutka sans harcèlement).
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Des flots de témoignages
Les victimes sont habituellement confrontées à l’indifférence et à la passivité des témoins, des conducteurs, mais aussi des autorités lorsqu’elles souhaitent déposer plainte, relaye le média kirghiz Kaktus Media. Elles n’ont souvent que les réseaux sociaux pour être entendues et partager leurs témoignages, ainsi que les enregistrements qu’elles peuvent réaliser avec leur téléphone portable. En 2019, Kaktus Media rapportait les témoignages de jeunes victimes, ainsi que les recommandations d’un avocat et d’un psychologue sur la marche à suivre en cas d’agression.
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En 2021, la blogueuse kirghize Aziza Mourzachova recueillait sur son compte Instagram plus d’une centaine de témoignages de victimes de harcèlements, dont des expériences de harcèlement dans les transports. En novembre 2022, l’activiste Albina Douïchenbieva avait présenté au Département des transports de la mairie de Bichkek un projet visant à sécuriser les transports publics pour les jeunes, filles et garçons, rapportait Kaktus Media. « J’ai appris que non seulement les filles sont confrontées à ce problème, mais aussi les garçons qui, le plus souvent, n’en parlent pas« , précisait Albina Douïchenbieva.
Des progrès lents…
Le harcèlement désigne tout comportement indésirable et inapproprié, raisonnablement perçu comme insultant ou humiliant envers une autre personne. Sa banalisation affecte la santé mentale des victimes, entraînant notamment une perte de confiance en soi, et la multiplication de stratégies d’évitement, voire d’isolement social ou d’effacement. Ces comportements influencent la façon de fréquenter l’espace public et contribuent dès lors à déséquilibrer le partage de cet espace entre les hommes et les femmes.
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Lors des 16 jours d’action contre la violence fondée sur le genre, qui se sont déroulés entre le 25 novembre et le 10 décembre derniers, et dans le cadre de l’initiative Spotlight, conjointe entre l’Union européenne et les Nations Unies, en partenariat avec les mairies de Bichkek et d’Och, des affiches dénonçant le harcèlement dans les transports ont été placardées dans les bus et les trolleybus, rapporte Kaktus Media. Leurs slogans ? « Etre confronté au harcèlement est effrayant » et « Arrêtons le violeur ensemble. »
…mais réels
« J’ai déjà été témoin de tels cas à maintes reprises, mais je ne savais pas comment aider. Après la formation, mon attitude à l’égard de ce problème a changé, j’ai commencé à regarder le problème lié à la sécurité des femmes et des enfants passagers d’une manière différente« , confie Nourlan Cheïchenalievitch, conducteur de ligne à Bichkek, après les deux jours de formation.
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En février prochain, la CRDL organisera sur deux jours un hackathon réunissant des conducteurs et des usagers, notamment des femmes et des filles, mais également des militants de la société civile et des développeurs informatiques afin d’élaborer et de mettre en place des solutions innovantes pour sensibiliser l’opinion publique et lutter contre ce type de harcèlement, comme par exemple une application mobile permettant aux victimes et témoins d’alerter et de témoigner.
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Le 16 septembre 2022, la République kirghize a approuvée la Stratégie nationale pour parvenir à l’égalité des sexes d’ici 2030, ainsi qu’un Plan national d’action pour la période 2022-2024. Selon l’indice Women, Peace and Security 2023/24, le Kirghizstan est reconnu comme étant le pays d’Asie centrale le plus dangereux pour les femmes, occupant le 95ème rang sur 177 pays.
Eléonore Darasse
Rédactrice pour Novastan
Relu par Emma Jerome
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