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Pourquoi la Chine s’intéresse de plus en plus au Kirghizstan

Le média américain Vox s'est intéressé, au cours d’un reportage, au projet chinois baptisé « Une ceinture, une route » visant à retracer une nouvelle route de la soie. Les journalistes américains estiment que cette initiative permettra à Pékin de se poser en superpuissance et de dominer le commerce international en octroyant des prêts à des pays en développement, notamment le Kirghizstan.

Carte Projet Ceinture Route
Carte présentant le projet chinois « Une ceinture, une route »

Le média américain Vox s’est intéressé, au cours d’un reportage, au projet chinois baptisé « Une ceinture, une route » visant à retracer une nouvelle route de la soie. Les journalistes américains estiment que cette initiative permettra à Pékin de se poser en superpuissance et de dominer le commerce international en octroyant des prêts à des pays en développement, notamment le Kirghizstan.

Novastan reprend et traduit un article initialement paru sur Kloop.kg.

Les journalistes du média américain Vox se sont penchés sur le projet chinois « Une ceinture, une route » initié dans plusieurs pays et accordant des subventions et des crédits pour la construction de ports, de lignes ferroviaires et d’autoroutes.

« Cette initiative fait partie intégrante de la stratégie de Pékin qui vise à unifier trois continents et qui concerne donc 60 % de la population mondiale. Il s’agit du projet infrastructurel le plus ambitieux de l’histoire contemporaine », explique-t-on dans le reportage.

Les journalistes de Vox estiment que l’initiative a pour objectif de retracer les itinéraires du commerce mondial et de placer la Chine au centre de la carte économique.

En 2013, le président chinois Xi Jinping a prononcé un discours, lors d’une visite au Kazakhstan, dans lequel il faisait mention de la route de la soie historique, réseau de routes commerciales le long desquelles circulaient déjà en 200 av. J.-C. les marchandises, les idées et la culture depuis la Chine vers l’Europe et le Proche-Orient.

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« Il est nécessaire d’adopter une approche novatrice et de construire ensemble une ceinture économique le long de la route de la soie », avait alors déclaré le dirigeant chinois.

Un mois plus tard, au cours d’une allocution en Indonésie, Xi Jinping aborde à nouveau le sujet, arguant que « toutes les parties doivent collaborer afin d’édifier la route de la soie maritime du XXIème siècle. »

Ces deux déclarations constituent les premières références au projet de Pékin dont le coût est évalué entre 4 et 8 trillions de dollars.

L’initiative se définit par deux éléments principaux : une ceinture économique terrestre et une route de la soie maritime.

Le premier volet comprend six nouveaux corridors permettant de transporter les marchandises depuis et vers la Chine, tels que la ligne de chemin de fer reliant Yiwu à Londres, le gazoduc entre la mer Caspienne et la Chine et le réseau de lignes ferroviaires à grande vitesse prévu en Asie du sud-est.

Le second volet est constitué d’un réseau de ports, depuis la mer de Chine méridionale jusqu’en Afrique, avec le même objectif d’acheminement des marchandises dans les deux sens.

Enfin, le projet comprend également la construction de raffineries, de parcs industriels, de centrales électriques, de mines et de réseaux de communication en fibre optique, le tout afin de faciliter au maximum le commerce entre la Chine et le reste du monde.

« D’après les données rassemblées, plus de 60 États auraient déjà signé l’accord et la liste ne cesse de s’allonger car Pékin présente ce projet comme avantageux pour tous », expliquent les journalistes.

Des risques financiers

Pour obtenir des investissements occidentaux, les pays en développement doivent répondre à de sévères normes économiques et éthiques.

Or, Pékin n’a pas les mêmes prétentions lorsqu’elle investit des milliards de dollars.

« Il est très facile de comprendre pourquoi le projet « Une ceinture, une route » est si populaire parmi les pays moins démocratiques. La Chine conclut des accords avec des États aussi autoritaires que la Biélorussie, l’Azerbaïdjan ou l’Arabie Saoudite, mais aussi avec des régimes militaires comme la Thaïlande et plusieurs pays gangrénés par la corruption », avancent les journalistes de Vox.

De nombreux experts qualifient le projet chinois de « risqué » du fait que Pékin accorde des prêts à des « États peu fiables ». L’ONU a par ailleurs mis en garde sur les risques financiers liés à l’initiative.

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« Il faudra bien que ces pays remboursent les prêts obtenus, mais les conflits et la corruption risquent de compliquer la situation. D’après les dernières estimations, beaucoup de débiteurs de Pékin sont considérés comme vulnérables et pas moins de huit d’entre eux pourraient se retrouver dans l’impossibilité pure et simple de rembourser le prêt accordé », poursuit-on dans le reportage.

Le Kirghizstan, le Tadjikistan, le Pakistan, la Mongolie, le Monténégro, Djibouti, les Maldives et le Laos sont cités dans cette liste.

« En agissant de la sorte, la Chine a trouvé un moyen d’influencer la croissance de sa propre économie. Les petites entreprises chinoises de construction se sont développées à la vitesse de la lumière grâce aux contrats liés à ce projet. Sept des dix plus importantes entreprises de construction au monde sont chinoises », ajoutent les journalistes.

Les experts estiment que, même sans récupérer les fonds investis, la Chine satisfait son ambition stratégique principale : développer son influence.

« L’initiative « Une ceinture, une route » est un formidable moyen de pression mis en place par la Chine pour s’ériger en superpuissance mondiale. En tissant ces liens, le pays prend petit à petit contrôle du commerce mondial », explique-t-on encore dans le reportage.

Qu’en est-il du Kirghizstan ?

Le Kirghizstan a contracté des prêts à la banque publique chinoise Exim Bank à hauteur de 1,7 milliard de dollars, soit plus de 43 % de sa dette extérieure.

L’ampleur de ce prêt pousse les experts du centre d’analyse américain Center for Global Development à considérer le Kirghizstan comme un « danger financier » pour Pékin. Mi-mars, l’ambassadeur chinois Xiao Qinghua avait déclaré que Bichkek n’avait pas d’autre choix que de rembourser ses dettes.

« La Chine a accordé des prêts à des conditions avantageuses. Le Kirghizstan en a clairement tiré profit, de sorte que le remboursement devra être effectué selon les termes du contrat. La Chine ne fera aucune concession », a précisé l’ambassadeur.

Rencontre entre Xi Jinping et Almazbek Atambaïev, ancien président du Kirghizstan

L’un de ces prêts s’élevant à 386 millions de dollars a permis la modernisation de la centrale thermoélectrique de Bichkek. Son remboursement devrait coûter 492,4 millions de dollars au pays.

Le contrat conclu entre le gouvernement kirghiz et Exim Bank prévoit que, en cas de défaut de paiement des prêts ou de leurs intérêts, la Chine se réserve le droit de faire intervenir un arbitrage international.

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« Ni le débiteur ni aucun de ses actifs ne bénéficie d’une immunité ou d’une souveraineté par rapport à un arbitrage, à une plainte, à un recours en justice ou à toute action juridique concernant ses obligations en vertu du présent contrat », précise le document.

D’après ce contrat, tout différend concernant le remboursement des prêts devra être réglé par le Centre d’arbitrage international de Hong Kong, en plein territoire chinois.

Comment rembourser ses dettes ?

Vox cite le Pakistan comme un exemple de pays où la Chine a débuté l’exécution de son projet.

Malgré une économie plutôt morose qui ne pousse pas les investisseurs étrangers à s’y intéresser, le Pakistan a vu Pékin lui proposer en 2011 de construire un port dans le petit village de pêcheurs de Gwadar, relié par une autoroute et une ligne ferroviaire.

Selon le China Daily, la Chine y a investi près de 1,6 milliard de dollars. Vox ajoute que, durant la construction de ce port, le Pakistan avait enregistré le meilleur taux de croissance de son PIB sur les huit dernières années. Le pays loue néanmoins ce port à Pékin pour une durée de 40 ans.

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De même, la Chine a prêté plus d’un milliard de dollars au Sri Lanka pour financer la construction d’un port en eau profonde, lieu d’importance primordiale dans le projet chinois de route de la soie maritime. Il est apparu clairement depuis 2017 que le Sri Lanka ne pourrait rembourser ces prêts à Pékin, si bien que les autorités locales ont décidé de céder pour 99 ans la gestion de ce port à la Chine afin d’éponger la dette.

En 2011, le Tadjikistan a offert plus de 1 000 km² de son territoire dans le Pamir oriental à Pékin lors de la ratification de l’accord de délimitation et de démarcation des frontières séparant les deux États.

Douchanbé n’a pas officiellement reconnu dans ce cadeau un remboursement de dette, mais il est de notoriété publique que le pays dépend financièrement de son voisin chinois. Ainsi, 75 % des actions de la principale entreprise tadjike d’extraction aurifère, Zarafchon, sont entre des mains chinoises.

Aujourd’hui, le Tadjikistan doit encore 1,2 milliard de dollars à la Chine, soit à peine moins de la moitié de sa dette extérieure globale.

Aïsymbat Tokoïev

Traduit du russe par Pierre-François Hubert

Édité par Camille Calandre

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