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Les djihadistes centrasiatiques sur la ligne de front

Depuis le début de l’année 2017, plusieurs attentats aux répercussions internationales ont mis en lumière des auteurs originaires d’Asie centrale. Le chercheur Ely Karmon, spécialiste de la lutte antiterroriste, fait le point.

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Les djihadistes centrasiatiques ont été nombreux en Syrie et en Irak, laissant derrière eux des familles aujourd'hui rapatriés par les pays d'Asie centrale

Depuis le début de l’année 2017, plusieurs attentats aux répercussions internationales ont mis en lumière des auteurs originaires d’Asie centrale. Le chercheur Ely Karmon, spécialiste de la lutte antiterroriste, fait le point.

Novastan reprend et édite ici un article de recherche publié initialement par Terrorism Analysts.

Depuis le début de l’année 2017, une série d’attaques terroristes djihadistes ont impliqué des citoyens centrasiatiques, principalement d’origine ouzbèke et kirghize. Les dernières attaques notables ont été les explosions d’avril 2017 dans le métro de Saint-Pétersbourg et la course folle d’un camion volé dans la foule à Stockholm en Suède.

Pour Ely Karmon, chercheur principal à l’Institut International pour la Lutte contre le Terrorisme et à l’Institut de Politique et de Stratégie au Centre interdisciplinaire à Herzliya en Israël, ces attaques sont liées.

Saint-Pétersbourg et Stockholm, deux attaques majeures en 2017

De fait, pour le spécialiste du terrorisme international, ces deux attaques sont importantes à étudier conjointement du fait de la présence de Djamaat al-Tawhid wal-Djihad (TWD), un groupe terroriste qui opère en Syrie. Les deux attaques sont pourtant très différentes dans leur exécution.

La première chronologiquement est l’attaque du métro de Saint-Pétersbourg, le 3 avril 2017. Ce jour-là, un engin explosif contenu dans une mallette explose, tuant 15 personnes et en blessant au moins 45 autres. Un deuxième engin explosif a été trouvé et désamorcé. Les autorités kirghizes ont informé que l’auteur présumé, Akbardjon Djalilov, était d’ethnie ouzbèke né dans la ville méridionale d’Och (Vallée de Ferghana, Kirghizstan) mais qu’il était un citoyen de la Fédération de Russie et qu’il y vivait depuis l’âge de 16 ans.

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Le 7 avril 2017, c’est à Stockholm qu’intervient une seconde attaque. Rakhmat Akilov, un homme ouzbek âgé de 39 ans, percute avec un camion volé la foule dans le centre de Stockholm, tuant 5 personnes et en blessant 15. Les artificiers ont trouvé un engin explosif, emballé dans une valise à l’intérieur du camion de bière détourné. On ne sait pas pourquoi l’explosif improvisé n’a pas explosé.

S’exprimant dans un mélange de russe et de suédois, le suspect a avoué le crime dès qu’il a été appréhendé. La résidence suédoise d’Akilov avait été rejetée en 2016, mais selon la police il n’y avait rien pour indiquer qu’il aurait pu avoir l’intention de planifier une attaque. Akilov était connu des policiers et avait posté de la propagande djihadiste du groupe Etat islamique (EI) sur les réseaux sociaux.

Un lien avec un groupe terroriste syrien

Pour ces deux actes terroristes, le groupe syrien TWD est évoqué. Pour les autorités kirghizes, Akbardjon Djalilov pourrait avoir commis l’attaque de Saint-Pétersbourg sous l’influence de ce groupe, qui comprend des centaines d’Ouzbeks, y compris ceux qui vivaient dans la région d’Och au Kirghizstan. Le groupe serait également dirigé par un Ouzbek depuis Alep, en Syrie.

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Le terrain syrien est encore le premier sur lequel les djihadistes centrasiatiques se forment.

En 2016 les services de sécurité kirghiz avaient effectué une opération de grande envergure dans la région contre des militants qui étaient revenus de Syrie et qui étaient en train de recruter activement de nouveaux membres et de préparer des attaques terroristes. La Cour d’Och a interdit le groupe en tant qu’organisation terroriste. Alors, les militants ont rejoint la clandestinité et ont mis en place des opérations de recrutement en ligne.

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Pour ce qui est de l’attaque de Stockholm, les informations d’une radio suédoise ont permis de découvrir sur le média social russe Odnoklassniki des liens entre le terroriste présumé de Stockholm et un réseau autour d’un leader djihadiste, Abou Saloh, qui était recherché par Interpol pour le financement d’un attentat-suicide terroriste en 2016 au Kirghizstan.

Les extrémistes utilisent des comptes sur Odnoklassniki comme « écrans » pour connecter les djihadistes violents et des recrues possibles – en particulier en se concentrant sur les travailleurs migrants centrasiatiques comme Rakhmat Akilov. Selon une source au sein de la police russe, l’organisateur présumé de l’attaque n’est autre qu’Abou Saloh.

En novembre 2015, un groupe de citoyens ouzbeks arrêtés dans la capitale de l’Ouzbékistan, Tachkent, avaient prétendument l’intention d’aller en Syrie pour rejoindre le groupe Djannat Ochiklari (« le paradis aimant ») en Syrie. Le Djannat Ochiklari est un autre nom du Djamaat al-Tawhid wal-Djihad (TWD). Le TWD avait juré allégeance à al-Qaïda et conduit une opération de propagande qui diffusait ses activités en Syrie. Le groupe dispose de 2 sites web, d’une page Facebook et d’une chaîne YouTube où il affiche des vidéos professionnellement conçues avec des séquences de batailles dans lesquelles des militants du TWD se battent, ainsi que les discours du le chef du groupe, Abou Saloh.

La connexion turque

Selon un haut fonctionnaire turc, Akbardjon Djalilov, l’homme du métro de Saint-Pétersbourg, était entré en Turquie à la fin de l’année 2015 et avait ensuite été expulsé vers la Russie en décembre 2016 pour immigration illégale. Alors qu’en Turquie, Djalilov « était considéré comme suspect en raison des liens qu’il avait, aucune mesure n’avait été prise car il n’avait rien fait d’illégal et il n’y avait aucune preuve d’acte répréhensible ».

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Les autorités turques avaient arrêté Rakhmat Akilov, de nationalité ouzbèke, soupçonné d’avoir fauché des piétons avec un camion à Stockholm le 7 avril, alors qu’il essayait de rejoindre les rangs de l’EI en Syrie en 2015. Compte tenu de son statut de réfugié, il avait été renvoyé en Suède. Les autorités ouzbèkes avaient ajouté Rakhmat Akilov à une liste internationale de personnes recherchées fin février, après qu’une affaire pénale fondée sur « l’extrémisme religieux » ait été ouverte contre lui.

Cependant, les racines turques des djihadistes centrasiatiques sont plus profondes et plus larges que les cas de Saint-Pétersbourg et de Stockholm en attestent.

L’attaque de l’aéroport principal d’Istanbul

Le 28 juin 2016, 3 assaillants, armés de fusils AK-47, ont été impliqués dans un échange de tirs avec la sécurité et la police près du point de contrôle de sécurité aux rayons x de l’aéroport Atatürk d’Istanbul, à la suite de quoi au moins 2 des hommes armés se sont fait exploser dans un attentat-suicide, faisant 43 morts et quelques 200 blessés.

Un haut fonctionnaire turc a identifié les 3 kamikazes comme étant des ressortissants de la Russie, de l’Ouzbékistan et du Kirghizstan. 2 kamikazes ont été identifiés comme Vadim Osmanov et Rakhim Boulgarov, tandis que le troisième n’a jamais été nommé. Bien que personne n’ait revendiqué la responsabilité de l’attaque de l’aéroport, le Président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que l’EI était « très probablement » derrière elle.

Rassemblement Panturquisme Istanbul Turquie
Un rassemblement panturc à Istanbul en Turquie

Après l’attaque de l’aéroport, les autorités ont arrêté 42 personnes soupçonnées, tandis que 4 autres restent toujours en fuite. Celles détenues, y compris les suspects originaires de Russie, d’Algérie et de Turquie, doivent passer en jugement en novembre 2017. Les autorités ont déclaré qu’un grand nombre de celles liées à l’attaque sont issues d’Asie centrale ex-soviétique ou de la région nord-caucasienne principalement musulmane de la Russie.

L’enquête sur l’attaque de l’aéroport d’Istanbul a révélé que l’EI a dirigé un centre de formation en Turquie, auquel avait assisté l’assaillant de l’aéroport Vadim Osmanov. Ce centre avait été utilisé pour la formation initiale des combattants étrangers venant en Turquie avant de rejoindre l’EI et aussi pour organiser leur transfert vers la Syrie.

L’attaque de la discothèque Reina d’Istanbul

Contrairement à l’enquête sur l’attaque de l’aéroport d’Istanbul, l’attentat contre la discothèque Reina à Istanbul, le 31 décembre 2016, a fourni des informations importantes sur le large réseau et la profonde implantation des djihadistes centrasiatiques sur le territoire turc. L’attaque avait été menée 8 semaines après que le dirigeant de l’EI Abou Bakr al-Baghdadi ait appelé à une guerre contre la Turquie par un enregistrement audio diffusé le 2 novembre 2016.

Le 16 janvier 2017, après une massive chasse à l’homme, l’assaillant du Reina, Abdoulkadir Macharipov (alias Moukhammed Khorasani), identifié comme ethniquement ouzbek, issu d’une petite ville du Kirghizstan avec une population ouzbèke prédominante, a finalement été capturé vivant à Istanbul. Les enquêtes ont révélé qu’il avait été choisi pour lancer l’attaque par un « cadre opératoire » de l’EI à Raqqa, en Syrie et qu’il avait reçu un soutien logistique et financier à Istanbul de la part d’un large réseau de l’EI opérant clandestinement dans la ville.

Né en 1983, Abdoulkadir  Macharipov a obtenu un diplôme de l’Université d’État de Ferghana en Ouzbékistan avec une spécialisation majeure en physique et une mineure en informatique. Il a été associé à des organisations terroristes djihadistes depuis 2011, selon les informations fournies à Interpol par l’Ouzbékistan, où il était un terroriste connu et sujet à un mandat d’arrêt national. Il parle ouzbek, russe, arabe et chinois. Abdoulkadir  Macharipov a déclaré aux enquêteurs qu’il avait reçu un entraînement militaire dans un camp d’al-Qaïda en Afghanistan après avoir voyagé là-bas en 2010. Plus tard, alors qu’il était au Pakistan, Abdoulkadir  Macharipov est devenu membre de l’EI, après avoir prêté allégeance à Abou-Bakr al-Baghdadi.

La Turquie comme base arrière

Environ un an avant l’attaque du Reina, il avait reçu l’ordre d’un émir de l’EI à Raqqa de se rendre en Turquie pour s’établir lui-même, avec sa femme et ses 2 enfants, à Konya – une ville en plein cœur de la Turquie – et d’y attendre d’autres ordres. Abdoulkadir  Macharipov est arrivé à Konya, au centre de la Turquie, avec sa famille au début de l’année 2016, en assumant le nom d’Ebou Moukhammed Khorasani.

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Konya et la région alentour a souvent été décrite comme une base arrière de l’Etat islamique en Turquie.

La police aurait retrouvé Abdoulkadir Macharipov avec son fils de 4 ans au domicile d’un ami kirghiz dans la ville. Son ami a également été arrêté, ainsi que 3 femmes. Dans l’appartement, la police a trouvé 2 drones aériens, 2 armes de poing, plusieurs cartes SIM de téléphone portable et 197 000 dollars en espèces. Abdoulkadir  Macharipov était censé faire partie d’une cellule dormante à laquelle plusieurs Ouïghours, Syriens et Daguestanais appartenaient également.

Un lien distant avec l’Etat islamique

Selon le témoignage d’ Abdoulkadir Macharipov, il a été dirigé le 25 décembre 2016 sur l’application de messagerie Telegram, par l’Emir de l’EI à Raqqa, Abou Chouhada, responsable des opérations de l’EI en Turquie, pour lancer une attaque pour le réveillon du nouvel an à Istanbul. Abdoulkadir Macharipov a prétendu qu’il lui avait été fourni avant l’attaque un fusil d’assaut AK-47, 6 charges explosives et 3 grenades assourdissantes.

La femme d’Abdoulkadir Macharipov a été arrêtée au cours d’une opération qui a capturé 11 suspects le 12 janvier 2017. Nouroullaeva a déclaré que son mari avait quitté leur logement pour Istanbul 3 jours avant l’attaque et que leur fille et elle avaient alors été transférées vers un « lieu sûr » d’une cellule de l’EI par des membres de l’EI. Il a été révélé plus tard que les autorités russes avaient arrêté Nouroullaeva en 2011 sous l’inculpation d’appartenir à une organisation terroriste.

Le journal turc Hurriyet  a rapporté qu’une cellule d’Ouzbeks de l’EI, opérant dans la région centrale de Konya, avait fourni et pris en charge Abdoulkadir Macharipov. Les combattants ouzbeks ont profondément imprégné l’EI et ont combattu aux côtés des Taliban en Afghanistan.

Des djihadistes d’Asie centrale valorisés par l’EI

Selon des rapports récents, 6 000 militants d’Asie centrale et du Caucase ont déjà été enrôlés dans les rangs de l’EI. Le plus grand groupe radical en Ouzbékistan,  le Djamaat Imam Boukhari a rejoint l’EI en Syrie. Les experts estiment qu’il y a plus d’un millier de militants ouzbeks et tadjiks qui continuent à se battre sous la bannière de l’EI.

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Les combattants provenant d’Asie centrale vers la Syrie, notamment les Ouzbeks, possèdent une vaste expérience pratique de la guerre en raison de leur participation à différents théâtres de guerre, comme l’Afghanistan et le Pakistan. Beaucoup d’entre eux ont entrepris de nombreuses activités aux niveaux local et régional dans le passé. Le Mouvement Islamique d’Ouzbékistan (MIO) a été le plus important groupe centrasiatique actif en Afghanistan et au Pakistan, avant d’être décimé par les Taliban. La plupart des combattants ouzbeks prenant part au djihad en Syrie sont venus de leur pays d’exil, particulièrement de Russie, de Kirghizstan, de Turquie et d’Arabie saoudite.

Les Ouïghours, de plus en plus nombreux sur le front

Un autre élément, qui ne doit pas être sous-estimé, est les djihadistes ouïghours, originaires de la région du Xinjiang en Chine. Rami Abdourrahman, qui dirige l’Observatoire syrien pour les Droits de l’Homme basé en Grande-Bretagne, a déclaré qu’il y avait environ 5 000 combattants chinois en Syrie, qui, avec leurs familles, ajoutaient jusqu’à 20 000 personnes. Li Wei, un expert en terrorisme à l’Institut des Relations Internationales Contemporaines de Chine, estime leur nombre réel bien plus bas, à environ 300 combattants chinois qui apportent avec eux environ 700 membres de leur famille.

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Certains ont rejoint la branche d’al-Qaïda dans le pays, l’ex-Front al-Nosra, d’autres ont prêté allégeance à l’EI et un plus petit nombre a rejoint des factions telles que les islamistes d’Ahrar al-Cham. La majorité des djihadistes chinois sont avec le Parti Islamiste du Turkestan (PIT), une organisation très secrète. Ils sont organisés, endurcis, et ont joué un rôle important dans des offensives au sol contre les forces du régime. Ils sont actifs dans certaines parties d’Idlib et dans la ville stratégique de Djisr al-Choughour, ainsi que dans les montagnes kurdes dans la province occidentale de Lattaquié.

Christina Lin, un expert sur les relations Chine-Moyen-Orient à l’Université SAIS-Johns Hopkins, soutient que des années 1990 à la fin des années 2000, les menaces terroristes en Chine étaient en grande partie localisées dans le Xinjiang et les pays limitrophes, notamment en Afghanistan et au Pakistan. Après que des militants ouïghours basés dans ces deux pays aient commencé à émigrer vers la Syrie en 2012, le Moyen-Orient est devenu le « un front avancé pour la guerre de la Chine contre le terrorisme ». Il y a eu une augmentation des attaques terroristes en Chine (par exemple en 2013 à Pékin et à Kunming et à Urumqi en 2014) dirigées depuis l’étranger.

Lin mentionne l’accord du 14 août 2016 par la Chine de fournir de l’aide humanitaire, une formation militaire et le partage du renseignement avec le gouvernement syrien, comme un déclencheur possible de l’attentat-suicide commis le 30 août à l’ambassade de Chine au Kirghizstan. Selon les autorités de Bichkek, l’attaque terroriste avait été ordonnée par des djihadistes ouïghours en Syrie, financée par l’ex-Front al-Nosra (rebaptisé Front Fatah al-Cham  (FFC), coordonnée depuis la Turquie et réalisée par un membre du PIT.

L’Afghanistan comme nouvelle/ancienne base

Après la disparition de l’EI et la destruction du califat comme entité territoriale, beaucoup de combattants étrangers, notamment ceux du Caucase, d’Asie centrale et du Sud-Est rentreront chez eux ou plus probablement reflueront vers les territoires « libérés » en Afghanistan et les zones tribales du Pakistan – soit un renouveau de la situation des années 1990. Ils essaieront de construire une base territoriale de l’EI mais beaucoup renforceront probablement les rangs d’al-Qaïda dans la région comme de leur allié, les Taliban, qui ont affaibli avec succès les groupes pro-EI qui avaient tenté de les défier dans la région.

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L’Afghanistan est devenue une base de plus en plus importante (image d’illustration).

Le 26 janvier 2015, Abou Mouhammed al-Adnani, porte-parole du chef de l’EI, a déclaré la mise en place de la Wilayat Khorasan, une province de l’EI « englobant l’Afghanistan, le Pakistan et d’autres terres à proximité ». La Wilayat Khorasan a mené une campagne d’expansion et de consolidation dans la région, surtout dans l’est et le sud-est de l’Afghanistan. Le groupe, cependant, a connu plusieurs revers sur le champ de bataille.

Une montée de l’EI inquiétante en Afghanistan

La plus cuisante défaite subie par la Wilayat Khorasan a été l’anéantissement du MIO, qui avait juré allégeance à l’EI en août 2015. En octobre 2015, les Taliban ont créé une unité spéciale composée de militants hautement qualifiés et expérimentés, pour lutter contre l’EI et en décembre 2015 avaient tué des centaines de combattants du MIO à Zaboul, y compris son Emir, Outhman Ghazi. Les militants talibans, les forces de sécurité afghanes et les milices locales sont également en train de reprendre le territoire tenu par la Wilayat Khorasan, dans la Province de Nangarhar le long de la frontière pakistanaise.

La montée de l’EI en Afghanistan pose des problèmes de sécurité graves pour la Russie, selon un communiqué de septembre 2016 signé par Zamir Kaboulov, le Directeur du Département d’Asie centrale et d’Afghanistan au Ministère russe des Affaires étrangères. Kaboulov a déclaré qu’environ 2 500 combattants de l’EI se trouvaient en Afghanistan et que l’organisation était en train de se préparer à s’étendre d’Afghanistan à d’autres pays d’Asie centrale et à la Russie, donnant à Moscou des raisons de s’inquiéter.

Entre 6 000 et 25 000 centrasiatiques en Afghanistan

La province du Khorasan de l’EI se compose principalement d’ex-Talibans mécontents et d’insurgés d’Asie centrale et du Sud, qui représentent les principaux soutiens à l’affiliation à l’EI. Parmi eux, les militants ouzbeks montrent un autoritarisme croissant. Le fils de Takhir Iouldachev, le puissant chef ouzbek du MIO interdit, qui avait été tué dans une attaque de missiles américaine au Pakistan en 2009, est en train de mener des efforts pour aider à étendre l’influence de l’EI en Afghanistan. Selon Anatol Lieven, un expert régional au Campus du Qatar de l’Université de Georgetown, le nombre d’Ouzbeks, de Tadjiks, de Turkmènes et d’autres combattants de l’ex-URSS vivant en Afghanistan varierait de 6 000 à 25 000 hommes, nombre d’entre eux étant mariés à des Afghanes d’une origine ethnique similaire.

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Il est possible que l’implication de combattants étrangers d’Asie centrale dans les attaques en Europe et en Russie soit le résultat d’une conjoncture de facteurs. Le premier est celui d’un grand réservoir de ces djihadistes expérimentés au combat en Syrie, en Irak, en Turquie et en Afghanistan. Vient ensuite la relative facilité de recevoir le statut de demandeur d’asile en Europe et enfin la difficulté des autorités de police de surveiller cette grande masse de djihadistes parlant des langues « étranges ».

L’Afghanistan, nouveau point chaud pour la Russie

La disparition définitive de l’EI, notamment de son assise territoriale, et la pression des diverses forces de la coalition en Irak et en Syrie sur les combattants étrangers survivants les contraindront pour Ely Karmon à fuir vers des États faillis, comme le Yémen et la Libye, mais pour les divers djihadistes centrasiatiques, l’Afghanistan et les zones tribales du Pakistan semblent un refuge plus approprié.

Afghanistan Armée Etats-Unis américaine Intervention
L’armée américaine reste présente en Afghanistan.

A partir de là, ils peuvent se répandre (si ordre d’attaquer) en Europe, principalement en Scandinavie et en Allemagne, en Russie, dans les républiques musulmanes d’Asie centrale, en Chine, en Inde, en Asie du Sud-Est et au-delà.

Pour Ely Karmon, la Russie devra accorder une attention particulière à cette nouvelle/ancienne menace. L’un des graves défis rencontrés par la Russie et ses voisins européens concernés est cependant le problème du partage du renseignement et de la coopération opérationnelle contre un ennemi commun dans les circonstances actuelles à la lumière des tensions créées entre la Russie et l’Occident à la suite des interventions de la Russie en Ukraine et en Syrie et des sanctions contre la Fédération de Russie.

Traduit de l’anglais par David Gaüzère
Edité par Etienne Combier

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