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Entre Aral et Caspienne : histoire et archéologie du Turkménistan (1/2)

La richesse de l'héritage archéologique du Turkménistan témoigne du passage de nombreuses dynasties sur le territoire de l'actuelle République indépendante. L'un des sites les plus impressionnants, Merv, a été un centre important du monde musulman pendant plusieurs siècles. Nisa, cité parthe, a quant à elle joué un rôle stratégique pour les successeurs d'Alexandre le Grand.

Gonur depe Turkmenistan
Vue aérienne de Gonur-depe. Photo: CAAN.

La richesse de l’héritage archéologique du Turkménistan témoigne du passage de nombreuses dynasties sur le territoire de l’actuelle République indépendante. L’un des sites les plus impressionnants, Merv, a été un centre important du monde musulman pendant plusieurs siècles. Nisa, cité parthe, a quant à elle joué un rôle stratégique pour les successeurs d’Alexandre le Grand.

Deux mers, la mer d’Aral, aujourd’hui presque éteinte, et la mer Caspienne, délimitent l’espace géographique de la plaine du Touran. Ce grand environnement où vivaient tantôt des nomades, tantôt des sédentaires, où diverses communautés locales se sont mélangées ethniquement et génétiquement, est aussi un lieu de migrations constantes au cours des derniers millénaires.

Des nations modernes en ont émergé, comme les tribus turkmènes qui y erraient au moyen-âge. Ces mêmes tribus turkmènes peuvent être considérées comme les descendantes des civilisations de l’ancien Khorezm, de l’Hyrcanie, de la Margiane, de la Parthie… Ces régions historiques ont fait partie à différentes époques de plusieurs empires du monde antique et médiéval, ont gagné et perdu leur indépendance, mais elles n’étaient en fait que de petites oasis entourées de vastes déserts.

Quelles traces ont-elles laissé à l’intérieur des frontières de l’État contemporain du Turkménistan ? Elles sont certes nombreuses, mais peu connues hors d’un cercle étroit de spécialistes. Seuls trois parcs archéologiques situés sur le territoire de ce pays sont devenus célèbres et ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial au cours de ces dernières années.

Merv

Le fleuve Mourghab, qui descend des basses pentes occidentales de l’Hindou Kouch en Afghanistan et se perd dans les sables du désert du Karakoum, était beaucoup plus abondant dans les temps anciens. Dès le IIIème millénaire avant J.-C., il a donné vie à différentes oasis dans son delta, toujours mouvant au cours du temps.

Selon les époques et les langues en usage, les noms portés par ces oasis ont évolué, mais tous avaient la même racine : Mowru en vieux persan, Margiane en grec ancien, Merv en arabe et Mary, nom actuel de la ville turkmène la plus proche. Un centre probable de ce petit royaume, appelé Gonour-depe dans la toponymie moderne, a également été découvert.

Gonour-depe est le plus grand des plus de 300 sites de l’âge du bronze identifiés dans l’ancien delta du Mourghab. Selon les données archéologiques, il aurait vu le jour en 2 300-2 250 avant J.-C. et aurait été occupé pendant environ 600 à 800 ans.

Victor Sarianidi

La partie centrale des structures monumentales du complexe de Gonour-depe occupait à elle seule environ 25 hectares au moment où les hommes l’ont quitté, au milieu du IIème millénaire avant J.-C. Dix autres hectares sont occupés par la nécropole urbaine. Les objets funéraires et les bijoux des personnes enterrées ici étonnent par leur élégance. Il s’agit d’objets hautement artistiques faits de pierre, de métal, d’ivoire. Et, bien sûr, d’argile qui servait de pâte aux habiles potiers et sculpteurs, lesquels créaient les plus beaux récipients en céramique, ainsi que des figurines des divinités du panthéon païen.

Victor Sarianidi Turkménistan
L’archéologue Victor Sarianidi sur le site de Gonour-depe. Photo: CAAN.

Ces innombrables objets qui ont accompagné la vie des habitants de Gonour-depe sont aujourd’hui exposés dans trois musées turkmènes. Certains d’entre eux ont été envoyés dans trois villes allemandes pour participer à la grande exposition itinérante consacrée à l’art de Margiane. Entre 1974 et 2013, Gonour-depe, Togolok et quelques autres sites de cette oasis ont été fouillés par le professeur Victor Sarianidi, faisant voir les ruines d’un ancien royaume oriental jusqu’alors totalement inconnu.

La vallée de ce fleuve, où la vie urbaine était en plein essor il y a 4 000 ans, est aujourd’hui désertique. Les vestiges découverts par les archéologues sont lentement engloutis par les sables, ou nivelés par les agriculteurs locaux. C’est ainsi que disparaissent l’histoire et ses témoignages inestimables, souvent avant qu’ils n’aient eu le temps d’être explorés par des scientifiques.

Une conservation difficile

Dans le contexte d’une tradition écrite extrêmement rare, des époques entières se sont évanouies dans l’oubli sans laisser aucun souvenir. L’ancienne Merv a été déclarée réserve historique et culturelle d’État en 1988 et inscrite sur la liste du patrimoine mondial en 1999, grâce aux autorités chargées de la préservation des monuments historiques.

Il s’agit d’un exemple de résistance face à l’indifférence des autorités locales et aux velléités entrepreneuriales. Avec le soutien d’organisations internationales et de centres de recherche étrangers, des spécialistes turkmènes mettent en œuvre des projets d’étude et de conservation de certaines structures anciennes et travaillent systématiquement à l’établissement de leur statut public. Ce travail quotidien et nécessaire est complètement différent des campagnes officielles de la fin des années soviétiques, comme la célébration du 2 500ème anniversaire de Merv qui avait été reporté puis annulé.

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Cette ancienneté dite de 2 500 ans est une vulgarisation de l’histoire, reflétant l’idéologie nationaliste des années 1980 et 1990, mais dépourvue de preuves scientifiques exactes.

Il existe des preuves indirectes indiquant que Merv est apparue vers le VIIème siècle avant J.-C. à l’emplacement de l’actuel site d’Erk-Kala qui domine toute la région. Mais la ville n’était alors que l’un des nombreux lieux habités, loin d’être le plus grand et le plus important. Elle était cependant destinée à devenir avec le temps un centre politique important, puis une puissante citadelle sous les Achéménides. Après la campagne d’Alexandre le Grand, elle fut même appelée Alexandrie de Margiane.

Les conquêtes de Gengis Khan

Erk-Kala, le noyau bâti le plus ancien de Merv, est de forme ovale. Il a été rejoint plus tard, sur son côté ouest, par une ville carrée hellénistique, Antioche de Margiane (aujourd’hui Gyaur-Kala). La ville a continué à se développer sous les Parthes et les Sassanides. Progressivement, sur ce site, une couche archéologique culturelle de 12 mètres s’est accumulée.

Erk-Kala Turkménistan
Erk-Kala. Photo: CAAN.

Après la conquête arabe, la forteresse Soultan-Kala, la Merv des périodes abbasside et tahiride, capitale seldjoukide du XIème siècle, se développe plus à l’ouest, à proximité de la ville initiale.

Le désastre frappe à l’été 1222, lorsque Merv est soumise par les Mongols menés par Gengis Khan. Au début du XVème siècle, un fils de Tamerlan, Chahrokh, tente de faire revivre la ville qui est désormais presque inhabitée. Pour cela, il fait construire la forteresse Abdoullah Khan-Kala à deux kilomètres au sud de Soultan-Kala.

Ainsi, au cours du siècle, la trace des bâtiments de Merv a dérivé en suivant le retrait des eaux, laissant presque partout des ruines recouvertes par des strates postérieures, ce qui facilite aujourd’hui grandement le travail des archéologues. Mais avant que cette ville nomade et mobile dans l’espace ne s’arrête à jamais pour devenir une réserve muséale, elle a connu une histoire mouvementée faite d’ascensions et de chutes de royaumes et de dynasties, d’innombrables guerres et destructions, mais aussi de création, de renaissance de la vie après les bouleversements sociaux les plus aigus.

L’époque seldjoukide

La périphérie occidentale de Gyaur-Kala est devenue le centre de Merv à l’époque seldjoukide. Elle a été fondée par le légendaire Abu Muslim al-Khurasani, chef du mouvement abbasside au Khorassan, d’où son nom. Il a conduit les partisans abbassides à Merv en 748 pour proclamer une nouvelle dynastie et a rapidement vaincu les Omeyyades. S’installant à Merv, il déplace le siège du gouvernement de l’ancienne ville et en construit un nouveau à l’endroit où se développera plus tard Soultan-Kala.

Le palais d’Abu Muslim, connu sous le nom de Dar al-Imara et construit vers 750, était un bâtiment « prétentieux » selon le géographe arabe Istakhri. Celui-ci a pu l’observer un siècle et demi après sa construction : il comprenait un auditorium à coupole, quatre iwans et une cour. Cette fusion des formes architecturales sassanides a défini pendant des siècles le caractère de l’architecture islamique dans cette partie du monde, non seulement civile, mais aussi religieuse.

Les premières grandes structures qui accueillent aujourd’hui les visiteurs de la réserve sont les deux ruines des châteaux d’argile de la grande et la petite Kyz-Kala, qui forment la Forteresse de la vierge. Il existe diverses spéculations sur l’âge de ces habitations de géants. Le chercheur britannique Hugh N. Kennedy a récemment étayé l’hypothèse selon laquelle elles pourraient bien être des structures tahirides. La présence d’un mihrab (une niche architecturale qui indique la direction de La Mecque, ndlr) dans l’un des locaux de la grande Kyz-Kala indique par ailleurs manifestement que le bâtiment a été construit à l’époque des Arabes.

Kyz Kala Turkménistan
La forteresse Kyz-Kala. Photo: CAAN.

Les châteaux d’argile ondulés sont typiques de l’architecture d’Asie centrale : ils sont nombreux non seulement à Merv et dans ses environs, mais aussi dans le Khorezm. Présents à Boukhara et à Termez, ils sont totalement absents en Iran. Il est clair qu’il s’agit d’un type architectural purement local qui remonte au passé préislamique et qui a été reproduit au moins jusqu’au XIIème siècle. Un exemple frappant en est Rabati Malik, la résidence steppique des Qarakhanides dans l’oasis de Boukhara.

Une des plus grandes villes du monde musulman

Les Xème et XIème siècles ont été une ère d’essor culturel sans précédent, lorsque les meilleurs esprits du monde musulman, poètes, peintres et architectes ont afflué à Merv. Il suffit de mentionner Omar Khayyam et Fakhreddine Assad Gorgani, l’auteur de l’épopée romantique Vis et Ramin, qui y ont vécu pendant de nombreuses années.

Il y a exactement 1 000 ans, Merv est devenue la plus grande ville d’Asie centrale et l’une des plus grandes du monde musulman : avec ses faubourgs, elle couvrait une superficie de 1 800 hectares et comptait 150 000 habitants. La plupart des villes comptaient à l’époque entre 2 000 et 5 000 habitants. Presque tous les kilomètres, il s’y trouve des traces d’un passé lointain.

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Autour de la métropole, depuis l’époque parthe, il existe un réseau dense de villes et de riches domaines isolés. Parfois, les vestiges de la ville elle-même ne se distinguent que difficilement du conglomérat de villages tentaculaires. Au Xème siècle, les citadins représentaient 40 % de la population totale de l’oasis, selon les estimations.

Un mausolée immense

Sous le sultan Malik Chah Ier, à la fin du XIème siècle, le mur brut du ribat, la partie centrale carrée de la forteresse Soultan-Kala, a été construit, ou largement reconstruit. Environ 200 tours semi-circulaires ont été placées le long des murs. Le mausolée du sultan Ahmad Sanjar a été construit au plus tard en 1152, presque à l’endroit où se trouvait le palais d’Abu Muslim. Il faisait partie d’un ensemble de grandes structures royales qui s’élevaient au centre de Soultan-Kala.

Il s’y trouvait un palais seldjoukide et une mosquée, dont le mausolée d’Ahmad Sanjar jouxtait directement l’une des façades. Le manque de données factuelles ne permet pas de reconstituer l’image de l’ensemble et de déterminer la place du mausolée. Cependant, de nombreux témoignages de contemporains indiquent son rôle dominant.

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« Un dôme de couleur bleue s’élève au-dessus de lui, qui est visible à une distance d’une journée de voyage », écrit Yaqout al-Rumi au XIIIe siècle. « Le plus grand édifice du monde », renchérit Rashid al-Din au XIVème siècle. « L’un des plus grands édifices des royaumes de l’univers, si solide qu’aucun dommage ne peut le toucher », conclut al-Isfizari au XVème siècle.

Une architecture en avance sur son temps

Même dans son état actuel, le mausolée du sultan Ahmad Sanjar est impressionnant : c’est un énorme cube couronné d’un dôme de 17,28 mètres de diamètre. La coupole extérieure, couverte de tuiles, n’a pas survécu, mais a été reconstruite sans parement en 2004. La hauteur de l’espace sous la coupole de la salle est de 36 mètres.

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La conception des arcs de décharge et de la double coque du dôme précède d’un siècle et demi l’idée des constructeurs du mausolée d’Oldjaïtou à Soltaniyeh, dans le nord-ouest de l’Iran, et de trois siècles celle de Filippo Brunelleschi, le créateur du dôme de la célèbre cathédrale florentine de Santa Maria del Fiore. Selon les chercheurs, le mausolée d’Ahmad Sanjar est l’incarnation la plus mature et la plus monumentale du thème de la tombe centrale, qui a évolué dans la construction du Khorassan au cours des X-XIIèmes siècles.

Une virtuosité architecturale

La petite mosquée commémorative de Muhammad ibn-Zaïd, construite dans les faubourgs en 1112-1113, témoigne du haut niveau architectural de Merv. Un autre monument du premier quart du XIIème siècle lui est stylistiquement similaire, il est appelé Khoudaïnazar Ovliya. Il appartient également à la catégorie des mausolées centrés sans portail, dont la décoration est basée sur les qualités texturées de la brique brûlée.

Mosquée Muhammed ibn Zaïd Turkménistan
La mosquée Muhammad ibn-Zaïd. Photo: CAAN.

Le monument a fait l’objet d’une restauration en 2022, grâce à un financement du Fonds des ambassadeurs américains pour la préservation culturelle.

Mosquée Talhatan-baba Turkménistan
La mosquée Talhatan-baba. Photo: CAAN.

La mosquée Talhatan-baba a été construite vers 1095 dans un petit village à 30 kilomètres à l’ouest de Merv. C’est une expression classique des réalisations architecturales et artistiques de l’époque seldjoukide. Le bâtiment est entièrement fait de briques brûlées. Sur toutes les façades et à l’intérieur se trouve une maçonnerie ornementale virtuose de briques appariées avec des arcs et d’autres insertions figuratives. Cette homogénéité de la décoration intérieure et extérieure donne l’impression d’une intégrité exceptionnelle du bâtiment.

Les forteresses parthes de Nisa

Nisa est située dans la banlieue ouest d’Achgabat. Cet ensemble s’est distingué il y a quelque 22 siècles comme sanctuaire royal pour les descendants d’Arsace Ier de Parthie, les fondateurs du puissant empire parthe. Il se compose de deux impressionnantes forteresses, appelées Könenousaï (Vieille Nisa) et Täzenusaï (Nouvelle Nisa) en turkmène.

Toute la zone qui les sépare était autrefois occupée par une ville médiévale, mais elle a été complètement ensevelie au XXème siècle par le lotissement moderne du village de Baguir. Les deux forteresses s’élèvent sur des massifs escarpés près d’une petite rivière, presque au pied de l’un des contreforts de la chaîne de montagnes Kopet-Dag.

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Une plaine fertile s’étend depuis l’élévation naturelle, sur laquelle elles ont été fondées, et plus loin le désert de Karakoum est visible. La beauté du paysage, observée depuis la crête des hauts murs de la forteresse de l’ancienne Nisa, a été quelque peu amoindrie par les gratte-ciels d’Achgabat. Les forteresses de Nisa sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial en tant que monuments historiques, mais aussi dans la catégorie des paysages culturels.

La première réserve historique et culturelle d’Etat du Turkménistan, établie en 1980, a gagné une certaine reconnaissance internationale dès ses premières années d’activité. Au fil des années, l’administration a fait tout son possible pour préserver l’environnement naturel et historique de la zone du monument, tâche difficile étant donné la proximité des zones résidentielles et des terres agricoles de Baguir.

Les successeurs d’Alexandre le Grand

Au IVème siècle avant J.-C., l’empire achéménide s’effondre sous les coups des armées gréco-macédoniennes. Sous les Séleucides – les successeurs d’Alexandre le Grand – les États indépendants de Bactriane, de Parthie et du Khorezm se forment. Leur développement a connu une histoire dynamique et mouvementée, bien décrite dans les ouvrages des auteurs anciens.

Les progrès les plus appréciables ont été réalisés par la Parthie, qui a existé pendant près de 600 ans et est devenue un rival redoutable de Rome dès le Ier siècle après J.-C. Elle correspond approximativement au territoire de la province moderne d’Ahal au Turkménistan et de la province nord-iranienne du Khorassan.

Nisa Turkménistan
Le site archéologique de Nisa. Photo: CAAN.

C’est là que la tribu des Parnes est devenue une importante union de nomades vivant dans le désert du Karakoum, au plus tôt en 247 avant J.-C. Ensuite, menée par son chef Arsace Ier, elle s’empare de la Parthava, soit la Parthie du Nord.

Le gouverneur grec de cette satrapie (région, ndlr) séleucide est assassiné, tandis qu’Arsace Ier se déclare roi de la Parthie indépendante de l’empire séleucide. À peu près à la même époque, la ville de Parfavnisa est fondée comme centre administratif et économique.

La forteresse de Mithridate

La ville correspond au site de la Nouvelle Nisa, entourée d’une enceinte fortifiée. A la périphérie du faubourg s’élevait une forteresse royale, aujourd’hui appelée Vieille Nisa. Grâce aux documents écrits qui y ont été trouvés lors de fouilles, le nom exact de cette forteresse a été établi : Mithradatkirt, forteresse de Mithridate.

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Un coup d’œil à l’intérieur du château révèle les ruines des bâtiments qui s’y trouvaient. Il s’agit tout d’abord du complexe dont le noyau est le bâtiment de la tour. C’est sans aucun doute de l’élément le plus dominant de tout le complexe, qui mesure au moins 15 mètres de haut. Ses façades étaient décorées à la fois de formes purement architecturales, en particulier les pilastres en briques brûlées avec un ordre de style corinthien, et de peintures murales polychromes qui contenaient des scènes de bataille, selon les fragments qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui.

Lors des fouilles, de nombreux éléments de décorations architecturales y ont été découverts : des restes de chapiteaux, des dalles décoratives, des merlons et d’autres éléments en terre cuite, qui étaient largement utilisés pour décorer les façades et les intérieurs. Des statues d’argile brisées représentant des personnages en pied, beaucoup plus grands que nature, portant des vêtements parthes ou des armures militaires, ont également été découvertes.

L’influence zoroastrienne

Sur la base d’une analyse approfondie de tous les matériaux archéologiques obtenus, ainsi qu’en comparant les bâtiments de Nisa avec d’autres monuments architecturaux de l’époque parthe en Asie centrale, en Iran, en Afghanistan et en Syrie, la plupart des chercheurs ont tendance à supposer que les principaux bâtiments de l’ancienne Nisa étaient associés aux cultes zoroastriens, qui comprenaient des aspects héroïques.

En d’autres termes, il existait une tradition de vénération des rois déifiés et des héros devenus célèbres lors des batailles. Les cultes dynastiques de l’Orient hellénistique et, en particulier, les idées d’autorité consacrée du souverain ne sont pas tant le résultat d’un emprunt aux Grecs, mais se sont formés à la suite du développement de systèmes idéologiques locaux basés sur l’Avesta (livre sacré du zoroastrisme, ndlr).

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Cependant, contrairement à Mithradatkirt, où les ruines de la période antique ont été à peine recouvertes par des strates ultérieures, Nisa a existé en tant que citadelle urbaine pendant de nombreux siècles après la chute des Parthes. En 651, Nisa fait partie du califat arabe, et son histoire marque dès lors une époque étroitement liée à l’établissement et à la diffusion de l’islam.

Déjà aux IXème et Xème siècles, tous les signes de prospérité y étaient présents, comme l’ont écrit de nombreux voyageurs et géographes de l’époque. Le développement de la ville s’est poursuivi jusqu’en 1220. Nisa, comme d’autres grandes villes d’Asie centrale, a subi une catastrophe générale : un siège de plusieurs jours et la destruction par les troupes de Gengis Khan.

Des expéditions de chercheurs

L’étude scientifique de Nisa a débuté en 1930 grâce à Alexander Marouchtchenko, un pionnier de l’archéologie turkmène. Il a réussi à établir l’âge réel de Nisa et à identifier les endroits où se trouvaient les temples parthes. En 1946, l’Expédition du complexe archéologique du Sud-Turkménistan (YuTAKE) a été créée et dirigée par l’académicien Mikhaïl Masson. Les résultats de son travail à Nisa ont été une succession de découvertes scientifiques majeures.

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À l’automne 1948, les archéologues ont découvert toute une collection de désormais célèbres rhytons, de grands récipients en forme de corne fabriqués à partir de défenses d’éléphant et enrichis de sculptures, de dorures et d’incrustations de pierres précieuses. La YuTAKE a fouillé presque tous les bâtiments actuellement connus de la Nouvelle et de l’Ancienne Nisa et a reconstruit l’histoire culturelle de la Parthie du Nord.

Des recherches plus approfondies sur les forteresses parthes de Nisa ont été menées par Viktor Pilipko de l’Institut archéologique entre 1979 et 2019. Parallèlement, l’expédition italienne du Centre de fouilles archéologiques de Turin, dirigée par le professeur Antonio Invernizzi puis par son successeur Carlo Lippolis, y a opéré de 1991 à 2019, réalisant également des travaux d’étude et de conservation des monuments parthes en Irak, au Liban, en Jordanie et en Syrie.

La deuxième partie de l’article est disponible ici.

Rouslan Mouradov
Journaliste pour Central Asian Analytical Network

Traduit du russe par Delphine Millard

Edité par Paulinon Vanackère

Relu par Helene Witkowski

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