Langue turcique ancienne, le turkmène admet de nombreux dialectes et a connu différents bouleversements au cours de son histoire. Influencée par le russe pendant la période soviétique, la langue a également emprunté aux langues voisines comme le kazakh, le turc et l’ouzbek. Cependant, depuis l’indépendance, l’Etat turkmène la remet en avant.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 9 septembre 2022 par le média turkmène Orient.
La langue turkmène est, parmi les langues turciques, l’une des plus anciennes. Elle a pris sa forme définitive au début du XXème siècle. Elle appartient au groupe des langues oghouzes et possède des caractéristiques très spécifiques, qui la distinguent des autres langues turciques. Un témoignage de l’ancienneté de la langue turkmène : le mot « etrap », qui désigne une région, dérive probablement du nom des régions de l’ancien royaume achéménide, les satrapies.
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Les possibilités d’enrichissement de son vocabulaire sont presque illimitées : beaucoup de mots qui ont des sonorités similaires dans différentes langues sont très différents en turkmène. Par exemple, si le mot « hélicoptère » se dit « helicopter » en turc et « vertoliot » en ouzbek – comme en russe – il se dit « dikuçar » en turkmène. C’est un phénomène linguistique qui n’est pas nouveau et qui est également caractéristique de certaines autres langues.
Une langue répandue
Pendant longtemps, le destin de la langue turkmène, comme de toute autre langue, a reposé sur ceux qui la parlaient, c’est-à-dire le peuple turkmène. Selon les données officielles, elle serait parlée par sept millions de personnes. Mais les locuteurs sont largement plus nombreux en réalité, du fait que l’ethnie turkmène soit présente dans les pays voisins, leur langue comporte de nombreux dialectes.
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Les migrations des tribus turkmènes, les guerres et les prises de territoires qui en ont résulté ont propagé la langue dans différentes régions d’Asie. Cependant, après l’annexion du territoire historique du Turkménistan par l’Empire russe, la langue turkmène a subi plusieurs influences.
Le turkmène tour à tour soutenu et combattu sous l’URSS
D’une part, quand le pouvoir soviétique s’est constitué, la volonté d’autonomie des peuples de l’ancien empire s’est exacerbée et les communistes ont d’abord soutenu cette tendance. Avec la formation de la République socialiste soviétique turkmène, la langue nationale a acquis le statut de langue officielle, et des manuels scolaires, des ouvrages et des journaux ont pour la première fois été publiés en turkmène. Mais, petit à petit, la politique des langues nationales a commencé à décliner. La langue russe, celle des prolétaires internationaux, est passée au premier plan, et si des textes en turkmène ont continué d’être publiés, le nombre de publications s’est réduit, et la langue, qui utilise l’alphabet latin, a subi la cyrillisation.
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C’est à l’époque soviétique que des documents turkmènes ont été imprimés pour la première fois sur du papier offset. Les œuvres immortelles de Makhtoumkouli, Azadi, Mollanepes et Keminé ont été publiées sous forme de recueils et ont inspiré les lecteurs turkmènes, mais aussi les amateurs de littérature orientale qui en lisaient les traductions. Les bases de la nouvelle grammaire turkmène et de la prononciation littéraire se sont consolidées.
Des emprunts à la langue russe
D’autre part, la langue turkmène s’est enrichie de nombreux emprunts rendus nécessaires pour la science, les œuvres ou simplement le bien-être. La plupart de ces mots ont été « turkménisés », mais des mots d’origine non russe tels que « démocratie », « autonomie », « technologie » et beaucoup d’autres, sont restés des emprunts russes. Pourquoi russes ? Parce qu’ils ont été introduits dans la langue turkmène non pas à partir du mot originel grec ou latin, mais depuis la langue russe. En disparaissant, l’Union soviétique a laissé derrière elle des peuples parlant à la fois le russe et leur langue nationale.
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Avec l’accession du Turkménistan à l’indépendance, le langage littéraire a commencé à renaître et à infiltrer toutes les sphères de la vie : télévision, radio, presse. Parler en turkmène est devenu non seulement plus simple, mais aussi plus pertinent. Le langage littéraire a rapidement atteint son apogée. C’est justement au cours de cette période qu’ont été imprimés de nombreux ouvrages pédagogiques, romans, traductions et manuels.
Différentes prononciations
La langue turkmène comporte plus de 40 dialectes. Elle se caractérise aussi par le fait qu’elle permette d’identifier immédiatement de quelle région du pays vient son interlocuteur, en fonction de la manière dont il prononce tel ou tel mot.
Le dialecte tekin, qui est littéraire, ne contient pas les sonorités « s » ou « z » caractéristiques des habitants des régions de Lebap ou Dachogouz, qui empruntent aux langues d’autres peuples comme aux Turcs, aux Ouzbeks ou encore aux Kazakhs. La norme littéraire des « s » et des « z », en revanche, permet la prononciation dite interdentale, comme en anglais.
Arslan Mamedov
Journaliste pour Orient
Traduit du russe par Juliette Amiranoff
Edité par Paulinon Vanackère
Relu par Emma Jerome
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