Au Tadjikistan, nombre de pratiques traditionnelles ont été héritées de l’Union soviétique. Certaines sont inchangées, d’autres évoluent et s’adaptent au contexte. Ces nouvelles traditions révèlent une réalité plus large : la nécessité de conjuguer l’influence du passé avec la société d’aujourd’hui.
Au cœur du Tadjikistan, les traditions soviétiques résonnent jusqu’à aujourd’hui. Bien que certaines aient changé de nom, l’essence de ces coutumes demeure, dans une continuité culturelle entre les époques.
Pourtant, selon le média tadjik Asia-Plus, alors que les mariages ou les fêtes nationales subsistent, un sentiment de vide se fait ressentir. La cérémonie du Nouvel An, jadis flamboyante, suscite aujourd’hui des débats. Elle implique un phénomène plus large, celui d’un écart qui se creuse entre les aspirations contemporaines et le patrimoine culturel hérité.
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Les mariés étaient tenus de déposer des fleurs au monument du dirigeant ou sur les tombes communes pour montrer leur respect envers les héros de la nation. À Douchanbé, avant l’effondrement de l’Union soviétique, le cortège des mariés quittait généralement la ville pour se diriger vers les gorges de Varzob. Le soir, tout le monde attendait le mariage Komsomol qui ne se déroulait que rarement sans alcool.
Beaucoup de ces traditions ont été préservées au Tadjikistan. La cérémonie d’officialisation du mariage a toujours lieu de manière solennelle dans les Palais du Mariage, suivie du dépôt de fleurs au monument, souvent celui du fondateur de l’État samanide. Aujourd’hui, plutôt que de partir en-dehors de la ville, les jeunes mariés choisissent souvent une promenade vers des sites tels que le jardin botanique ou la forteresse de Gissar.
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Le mariage se déroule ensuite le soir venu dans le respect habituel des traditions. Cependant, l’alcool se fait presque invisible sur les tables et le nombre d’invités est limité. En conséquence, les bagarres qui avaient souvent lieu une fois l’ivresse et la soirée avancées se raréfient elles aussi.
Évolution des traditions communautaires : des Subbotniks à Hashar
Le travail bénévole au service de la société pendant les week-ends a émergé au début du régime soviétique. Traditionnellement, les Subbotniks (samedis communistes, ndlr) étaient organisés en avril pour célébrer la naissance de Lénine. L’image emblématique du chef du prolétariat transportant une bûche lors d’un Subbotnik à Moscou, immortalisée sur des photos et des tableaux d’artistes soviétiques, servait d’exemple à suivre pour tous les citoyens de l’Union soviétique. Ce jour-là, dans les entreprises du pays, les travailleurs s’engageaient gratuitement, et les médias soviétiques rendaient compte des succès laborieux sans précédent de la fête du Travail.
De cette pratique émanait un enthousiasme révolutionnaire. À la fin de l’existence de l’URSS, elle est devenue une obligation, et elle existe toujours aujourd’hui. Cependant, au Tadjikistan, cette notion a cédé la place à la tradition orientale du Hashar. Elle débute fin février avec la plantation d’arbres. Le président du pays lui-même participe activement à ces événements.
Aires géographiques : un abandon partiel des dénominations soviétiques
Dans l’Union soviétique, la rue principale de presque toutes les villes, villages, centres régionaux et provinciaux portait le nom de Lénine. Au Tadjikistan, la ville de Khodjent se nommait également Léninabad. Aussi, de nombreuses villes, régions, kolkhozes et sovkhozes portaient les noms d’autres dirigeants du parti, de héros de la guerre, du travail, de poètes, ou pouvaient être nommés d’après des dates importantes – congrès, anniversaires de la révolution, de la Victoire du 9 mai, etc.
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Au Tadjikistan, cette tradition est respectée, mais avec des changements. Progressivement, tous ces noms disparaissent de la carte de la république s’ils ne sont pas tadjiks. De nos jours, les noms de lieux les plus populaires sont Istiklol (indépendance), Vahdat (unité), Somoni, Dusti (amitié), Guliston (jardin de fleurs).
Il y a une spécificité pour les noms en milieu rural. Aux côtés des noms mentionnés ci-dessus, il y est tout à fait possible de rencontrer des jamoats (groupement de villes, ndlr) et des villages portant les noms de présidents de kolkhozes, de brigadiers, etc.
Célébrations nationales : évolution des jours de fête soviétiques
En URSS, toutes les grandes fêtes étaient célébrées avec éclat : la journée internationale des femmes, la journée internationale des travailleurs, le jour de la Victoire de 1945 ou encore le jour de la Révolution d’Octobre.
Les Tadjiks n’ont jamais considéré le 8 mars comme la journée de la lutte des femmes pour leurs droits. C’était plutôt l’occasion pour les hommes d’offrir des fleurs et de dire des mots affectueux à leurs femmes et à leurs collègues de travail. Ce jour a persisté au Tadjikistan comme congé, devenant la fête des mères.
Le 23 février, jour de l’armée et de la marine, la coutume voulait que les hommes soient félicités. Au Tadjikistan, cette date n’a pas été supprimée, conservant son essence militaire, mais elle a été rebaptisée « Jour du défenseur de la patrie. »
Cette fête a été perçue pendant de nombreuses années sur le territoire de l’ex-URSS comme étant simplement la journée de l’homme. Il semble que cette tradition se poursuive à l’avenir car, pour les femmes tadjikes, complimenter son bien-aimé le 23 février serait un bon équivalent au 8 mars.
Pour la journée de la Victoire du 9 mai (un jour plus tard qu’en Occident du fait du décalage horaire lors de la signature de l’armistice, ndlr), rien n’a changé. Elle continue d’être célébrée avec les anciens pays soviétiques.
Puisque le 1er mai, fête du printemps qui était très appréciée, n’est plus un jour de congé, les Tadjiks célèbrent à présent Norouz (Nouvel An du calendrier persan, ndlr). Cette fête est célébrée en mars pendant quatre jours d’affilée.
Symboles, slogans et drapeaux
En URSS, une grande importance était accordée à la représentation de l’État. Elle était présente presque partout, mais le plus souvent à travers des drapeaux et diplômes. Ceux qui avaient prouvé de quelque manière que ce soit leur utilité à la société se voyaient remettre des drapeaux honorifiques, des diplômes ou des certificats. Les vainqueurs des compétitions socialistes, représentant les meilleurs collectifs de travail, obtenaient un drapeau rouge.
Des slogans tels que « Les plans du parti sont les plans du peuple », « Le plan quinquennal en trois ans », « Donnons l’exécution anticipée du plan ! » ou des citations de déclarations des leaders gouvernementaux étaient communément visibles sur des bannières.
Cette tradition est encore observable dans de nombreux pays de l’ancien bloc socialiste. Chez les Tadjiks, des affiches sont mises en avant avec des citations des discours du président du pays, Emomali Rahmon.
Une autre tradition héritée de l’URSS est l’amour du drapeau étatique. Lors des fêtes nationales, il était souvent hissé sur les bâtiments d’organisations gouvernementales et sociales, et fièrement brandi par les défenseurs du communisme.
Dans le Tadjikistan actuel, une grande importance est encore accordée à ce symbole d’État. En novembre 2009, une loi a été adoptée stipulant que le 29 novembre serait célébré chaque année comme le Jour du drapeau. Le 30 août 2011, à Douchanbé, un mât de drapeau de 165 mètres a été inauguré. Il a été inscrit dans le Livre Guinness des records comme le plus haut du monde jusqu’en 2014.
Les films du Nouvel an
À cette liste s’ajoute le jour de l’an, bien que cette fête soit considérée par beaucoup comme étrangère au Tadjikistan et suscite le débat.
Au Tadjikistan, le Nouvel An a été célébré pour la première fois en 1936, dans le contexte de la nouvelle Constitution soviétique et sur initiative du Komsomol. Onze ans plus tard, le jour de l’an est devenu un jour férié.
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Comme dans le reste de l’Union soviétique, l’odeur du sapin, les mandarines, la table de fête avec la salade Olivier, les émissions de télévision du Nouvel An jusqu’au petit matin sont devenus les principaux attributs du Nouvel An. À partir de 1964, Goluboy Ogonok (Little Blue Light, programme télévisé qui invite des artistes russes, ndlr) est devenu inévitable, et à partir de 1976, le film L’ironie du sort (téléfilm culte du Nouvel An soviétique, ndlr) également.
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En 2023, pas d’arbre de Noël en ville. Toutes les festivités ont été annulées en raison de la pandémie. Néanmoins, les maisons restent décorées avec un sapin, des cadeaux et des sucreries sont offerts, la salade Olivier est préparée, et il doit absolument y avoir des mandarines. Dernier ajout non hérité des traditions soviétiques, du champagne est mis sur la table.
La rédaction d’Asia-Plus
Traduit du russe par Macha Toustou
Édité par Coraline Grondin
Relu par Elise Medina
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