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Conquête ou rattachement volontaire ? Comment l’Empire russe est arrivé en Asie centrale

2024 marque les 100 ans de la fondation de la République socialiste soviétique autonome du Tadjikistan, première structure étatique tadjike qui a fait son apparition au sein de l’URSS. À cette occasion, le média Asia-Plus a demandé au docteur en sciences historiques Saïfoullokhi Moullodjon de partager ses réflexions sur le passé de son pays. Le chercheur se penche ici sur la conquête russe du Turkestan et sur ses effets. S’il dénonce la brutalité et l’injustice de la période coloniale, il lui reconnaît quand même un certain nombre de mérites.

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Prise de Tachkent. Peinture de Nikolaï Karazine. Photo : Asia-Plus

2024 marque les 100 ans de la fondation de la République socialiste soviétique autonome du Tadjikistan, première structure étatique tadjike qui a fait son apparition au sein de l’URSS. À cette occasion, le média Asia-Plus a demandé au docteur en sciences historiques Saïfoullokhi Moullodjon de partager ses réflexions sur le passé de son pays. Le chercheur se penche ici sur la conquête russe du Turkestan et sur ses effets. S’il dénonce la brutalité et l’injustice de la période coloniale, il lui reconnaît quand même un certain nombre de mérites.

Au XVIIIème et au XIXème siècles, les pays d’Orient sont conquis les uns après les autres par les grandes puissances européennes. L’Inde et la Chine se retrouvent dans la zone d’influence du Royaume-Uni et de la France, les pays arabes passent progressivement sous la coupe de l’un ou l’autre pays européen, tandis que l’Iran, affaibli, est pratiquement réduit à la condition de semi-colonie.

Situation en Russie et causes de l’invasion de Asie centrale

Même l’Empire ottoman, ancienne puissance épuisée par ses innombrables guerres contre la Russie et l’Occident, n’est plus qu’un pays vulnérable au bord de l’implosion au début du XXème siècle. L’Asie centrale, quant à elle, a du pouvoir pour la dernière fois en s’unissant avec l’Iran et l’Inde au sein de l’empire de Nadir Chah (fondateur de la dynastie Afcharide qui régna entre 1736 et 1747, ndlr). Appauvrie et fragmentée, elle est depuis lors l’une des régions les plus tourmentées du monde. 

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Entrée des forces russes à Samarcande le 8 juin 1868. Peinture de Nikolaï Karazine. Photo : Asia-Plus

Du côté russe, les événements qui se déroulent durant cette période sont difficiles à interpréter. Le pays a perdu la guerre de Crimée (1853-1856) contre son rival tricentenaire, l’Empire ottoman, et connaît une situation tout aussi instable sur le plan domestique : l’insatisfaction grandit au sein de la société russe. Acculé, le tsar Alexandre II est forcé de se mettre à la page des réformes. 

En 1861, le servage est aboli en Russie, et le pays passe à l’étape du capitalisme. L’octroi de la liberté aux paysans donne lieu à un exode rural. Concomitamment, de nombreuses entreprises sont créées, d’où une augmentation de la demande en matières premières. Parmi celles-ci, le coton. Les États-Unis, principal pays exportateur de coton, entament les pages les plus sombres de leur histoire avec la guerre de Sécession (1861-1865) et cessent la production et l’exportation de coton pendant plusieurs années. En même temps, le Royaume-Uni commence ses incursions en Asie centrale avec l’envoi d’ambassadeurs et d’espions. Après la première guerre d’Afghanistan (1838-1842), il décide de prendre les pays avoisinants, l’Inde et la Chine, sous son autorité.

Voici donc en résumé les trois causes fondamentales de la campagne russe en Asie centrale. Premièrement, la Russie tente de compenser sa défaite à la guerre de Crimée par une opération fructueuse hors de ses frontières. Ensuite, elle souhaite couvrir les besoins en coton de son industrie. Enfin, l’Empire russe essaie d’empêcher la Grande-Bretagne de s’emparer de l’Asie centrale et de la confiner à ses frontières. 

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Prise de Tachkent. Peinture de Nikolaï Karazine. Photo : Asia-Plus

Autrement dit, ce sont des facteurs politiques, économiques et sociaux qui poussent la Russie dans la région. Il est patent que parmi ces motifs ne figurent ni le sort de la population locale, ni l’amélioration des conditions de vie des peuples d’Asie centrale, ni l’entrée de cette région dans l’orbite du monde civilisé. Prendre cette réalité en considération est essentiel pour appréhender la présente question et les conséquences qui en découlent.

Sabres indiens contre canons russes

La guerre contre les trois pays d’Asie centrale – les khanats de Kokand et de Khiva ainsi que l’émirat de Boukhara – n’est pas une tâche ardue pour la Russie, qui possède une expérience militaire éprouvée contre des puissances mondiales telles que le Royaume-Uni, la France, l’Autriche et l’Empire ottoman. 

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Les pays d’Asie centrale de cette période sont laissés de côté par le processus mondial d’émergence du capitalisme, de développement de l’industrie et de renforcement des potentiels militaires, et – pis encore – ils se querellent et se font sans cesse la guerre. Borné et étroit d’esprit, le clergé encourage ces luttes intestines en les plaçant sous le signe des guerres saintes et du djihad. Même Ahmadi Donich (1827-1897), considéré comme l’inspirateur du mouvement dit d’Illumination et de Renaissance en Asie centrale, lorsqu’il évoque l’émir Nasrullah, le loue pour sa guerre contre l’Iran musulman et se plaît à dire qu’il a « anéanti l’hérésie chiite. »

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Les khans de Kokand et de Khiva, ainsi que l’émir de Boukhara, équipent leurs troupes dépareillées de sabres, comme à l’époque de Saadi au XIIIème siècle. La réalité de l’Asie centrale de ce temps-là est qu’elle n’a ni dirigeants adéquats, ni armée moderne, ni clergé juste, ni illuminateurs pour condamner la politique antipopulaire répressive de ses monarques. Preuve en sont les travaux d’Ahmadi Donich, le livre de Dimitri Logofet Pays de l’anarchie, les mémoires de l’émir afghan Abdur Rahman Khan et les œuvres de Sadriddin Aïni

« Comme à d’autres périodes de notre histoire, le peuple, épuisé par le despotisme et l’oppression de dirigeants autocratiques, baissait les bras et attendait sagement de savoir ce qui arriverait ensuite et ce que le destin leur réservait. Nous avons laissé quelques dirigeants dénués de valeurs nous diriger et perdre le pays, nos biens ont été saisis et pillés. Et il ne reste plus que nous pour nous en blâmer », explique Saïfoullokhi Moullodjon.

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Les actions militaro-diplomatiques de la Russie contre les États de la région commencent en 1864 avec la prise de Tchimkent (Chymkent depuis 1992, ndlr) et se terminent en 1895 par la signature d’un accord entre la Russie et le Royaume-Uni. Au cours des combats, des milliers de personnes sont tuées et beaucoup se retrouvent sans toit. Le processus de conquête de l’Asie centrale s’accompagne de pillages, de maraude et d’une oppression de masse de la population locale. 

Alors que les troupes russes se préparent à prendre Tachkent, l’émir de Boukhara, plutôt que de conclure une alliance avec Kokand et Khiva pour résister ensemble à leur ennemi commun, envisage de mener une attaque surprise sur un de ces États. Selon Saïfoullokhi Moullodjon, cet élément « illustre bien la stupidité » des dirigeants de l’Asie centrale de l’époque.

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Conquête de Boukhara. Photo : RIA Novosti

La capture de Tachkent, de Khodjent et de Samarcande par l’armée russe cause la mort de milliers de leurs habitants. Ces faits sont établis par des chercheurs russes, notamment dans le livre Histoire de la conquête de l’Asie centrale du lieutenant-général russe Mikhail Terentiev, qui a lui-même pris une part active à ces événements.

« Pendant la guerre, les Russes disposaient d’un avantage militaire complet et ont conquis toute la région en l’espace de 20 ans (1864-1884). En conséquence, des accords de paix ont été signés avec les dirigeants corrompus d’Asie centrale, fixant les intérêts de l’Empire russe en tant que pays victorieux. »

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Plus tard, la Russie conclut un traité avec le Royaume-Uni en vertu duquel la frontière entre les sphères d’influences des deux puissances longe l’Amou-Daria, divisant ainsi les Tadjiks qui vivent des deux côtés du fleuve avec un mur invisible. Il en résulte que ce peuple séparé depuis plus de 100 ans a été influencé par deux puissances avec des systèmes complètement différents. Les marques sur leur vie et sur leur vision du monde sont profondes et s’observent encore aujourd’hui. 

Les conséquences de la conquête

La conquête a pour principale conséquence la perte d’indépendance des pays d’Asie centrale, ce qui constitue « la plus grande tragédie pour les peuples de la région » aux yeux de Saïfoullokhi Moullodjon. L’Asie centrale perd le droit d’établir ses propres relations extérieures avec d’autres pays – musulmans ou non. 

« Les moyens mis en œuvre pour contrôler l’Asie centrale étaient différents de ceux employés en Russie proprement dite. Le système administratif de la région n’était pas du ressort du ministère russe de l’Intérieur, mais du ministère de la Guerre. En d’autres termes, la région était en permanence soumise à un régime d’exception » explique le chercheur.

Boukhara voit la création d’une Agence politique russe, dont le statut change tous les cinq ans, et dont l’ingérence dans les affaires internes et externes va croissant. Avec le temps, une police est également formée dans l’émirat. Si les coûts de son entretien sont initialement partagés, Boukhara commence progressivement à devoir en assumer les frais. 

Un autre effet de la conquête de la région par l’Empire russe est l’immigration de Russes vers l’Asie centrale – comme lors des précédentes conquêtes grecque, turque ou mongole. 

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« L’histoire nous apprend que les Grecs, les Arabes et les Mongols se sont établis dans nos villes, en s’attribuant les meilleures terres et les sources d’eau. Une pareille situation est observée après la conquête russe », explique Saïfoullokhi Moullodjon.

À Saint-Pétersbourg, la voix de certains hommes d’État (notamment celle d’Alexandre Krivochéine, directeur général de l’administration des terres de l’Empire) résonnent dans les couloirs du gouvernement pour « faire de l’Asie centrale une terre entièrement russe en l’espace de 50 ans, la digérer progressivement et faire en sorte que les Russes deviennent majoritaires dans la région par une migration massive. »

L’arrivée massive de populations russes en Asie centrale

C’est à cette fin qu’arrive une véritable caravane de migrants russes issus des quatre coins de l’Empire. À Boukhara, à la Nouvelle-Boukhara (nom porté jusqu’en 1935 par la ville de Kagan, ndlr), à Pattakesar (ancien village voisin de Termez, ndlr), à Termez, à Saraï (actuellement Piandj, ndlr) et à Farab (actuellement Otrar, ndlr), des garnisons font leur apparition, bientôt suivies par l’établissement de colonies russes. 

Avec l’augmentation du nombre de citoyens russes, l’apparition de villages russes et le développement de relations commerciales avec la Russie, les conflits et les querelles entre autochtones et colons deviennent monnaie courante. 

L’intellectuel soviétique Sadriddin Aïni a ainsi écrit : « Dernièrement, non loin des portes de Boukhara, sur la place de la gare, on a ouvert un poste de police russe doté du droit d’opérer à toutes sortes d’action à Boukhara de façon indépendante. Il ne restait plus aux membres du gouvernement de Boukhara et à ses citoyens qu’à se soumettre aux instructions de ce bureau. Après cela, avec la nomination d’un homme du nom de Vilman à la tête de ce poste, la sécurité en ville disparut totalement. Sous prétexte de perquisitions d’armes, il pouvait pénétrer dans chaque foyer et humilier tout un chacun. Il s’entoura d’une clique de voyous et de sycophantes. Ils étaient constamment saouls, ouvertement corrompus et insultaient l’honneur des jeunes gens. »

Plus tard, des postes de police semblables ouvrent dans les autres villes de l’émirat. L’injustice et l’oppression exercées par les nouvelles autorités engendrent de temps à autre des manifestations massives de mécontentement, des hauts fonctionnaires russes ayant été contraints d’intervenir pour empêcher la propagation de démonstrations antirusses dans toute la région. 

Ainsi, la protestation des habitants de Cherabad en 1916 porte un caractère antirusse. Les manifestations commencent sur la base des activités de la compagnie Aïvadj, dont les propriétaires ont indûment pris possession des terres de la population locale. Au début de 1917, le gouverneur général du Turkestan, Alexeï Kouropatkine lui-même, accompagné du chef de l’agence politique russe Alexandre Miller, doit intervenir et tranche en faveur des locaux dans cette affaire. 

Le revers de la médaille

La Russie du XIXème siècle est certes en retard sur des pays comme le Royaume-Uni et la France, mais elle était bien plus développée que Kokand, Khiva et Boukhara. C’est pourquoi le premier accomplissement important de la Russie est de mettre un terme aux guerres intestines entre les gouvernements despotiques d’Asie centrale. Un seul exemple suffit pour comprendre la situation d’avant la conquête. En 50 ans, la ville d’Ouratioube (Istaravchan) est passée de main en main soixante fois et a été saccagée par Boukhara et par Kokand. 

C’est à la conquête russe que l’Asie centrale dut la sûreté de ses routes intérieures. Celles-ci étaient auparavant infestées de brigands contre lesquels les gouvernements corrompus ne pouvaient rien faire. Par exemple, sur la route entre Samarcande et Marguilan sévissaient des nomades kirghiz qui pillaient les caravanes de passage. 

Un autre bienfait de la conquête russe d’après Saïfoullokhi Moullodjon réside dans l’arrivée de la médecine contemporaine dans la région. Les successeurs d’Avicenne n’étaient à l’époque plus à la hauteur de leur tâche, et l’arrivée des Russes constitue un pas en avant en matière de prophylaxie des maladies infectieuses. 

« Un des plus gros projets lancés par les Russes après la conquête de ces terres fut la construction de voies ferroviaires pour relier l’Asie centrale à la Russie. »

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Première gare de Kagan. Photo : livejournal.com

Le chemin de fer de Boukhara se révèle cent fois plus rentable que la voie des caravanes marchandes pour les intérêts économiques et politiques de la région autant que de la Russie. Bien entendu, le but de la construction de ce chemin de fer est de joindre plus rapidement l’Asie centrale et d’accroître le volume de marchandises, principalement au profit de la Russie. Le télégraphe et la poste, qui font défaut à l’Asie centrale, arrivent plus tard dans la région. 

L’abolition de l’esclavage et l’interdiction de la traite d’êtres humains sur le territoire de l’émirat de Boukhara constituent aussi l’une des avancées les plus importantes et les plus positives de la conquête. À ce sujet, le paragraphe cinq du traité entre la Russie et Boukhara du 23 juin 1868 et le second traité signé le 24 septembre 1873 déclarent : « Le phénomène honteux de traite d’êtres humains, contraire au droit humanitaire, devra désormais cesser définitivement à Boukhara. »

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Boukhara après l’invasion de l’armée russe. Photo : military-kz.ucoz.org

En comparant la colonisation russe aux colonisations britannique, française, néerlandaise, espagnole ou belge, force est de constater que les conquérants russes, en raison de leur manque d’expérience dans l’usage des peuples vaincus et dans le traitement des populations locales, se sont conduits « plus humainement » selon Saïfoullokhi Moullodjon. « Les pays européens, contrairement à ce qu’ils professaient, ont permis la traite des esclaves et le génocide des indigènes en Afrique, en Amérique et en Australie, en violation de toutes les valeurs humaines et des normes humanitaires. Ces faits sont restés une tache honteuse dans l’histoire de l’humanité » ajoute le chercheur.

Modalités de la prise de contrôle

Bien que les lois de l’État russe garantissent l’égalité des Russes et des non-Russes dans les questions d’administration et de citoyenneté, la réalité est tout autre : les droits de la population locale sont bafoués par la police et le système judiciaire. L’approche en matière de droit de vote et d’élections à des fonctions publiques ou à d’autres charges, y compris aux organes législatifs, est aussi inégale. En particulier, à l’élection de la délégation à la Douma d’Etat de 1907, les 10 % de la population russe obtiennent autant de députés que les 90 % de non-Russes. Plus tard, ce privilège accordé à la population locale a été aboli. 

L’arrivée des Russes s’accompagne de leur prise de contrôle des ressources en eau de la région. Par exemple, lorsque Samarcande tombe aux mains des Russes, Boukhara, qui reste le centre d’un émirat semi-indépendant, est confrontée à des problèmes d’eau. Ce fait est souligné par Ahmadi Donich et relaté par le journaliste américain George Dobson dans ses mémoires. Parfois, pendant les sécheresses, les Boukhariotes perdent la totalité de leurs récoltes. A la suite d’un partage en 1902, deux tiers de l’eau sont attribués à Samarcande, conquise par les Russes, et seulement un tiers à Boukhara.

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Une autre conséquence de la conquête russe de l’Asie centrale est son impact sur l’environnement culturel et spirituel de la région. Avant l’invasion, l’Empire russe a été en guerre à de nombreuses reprises contre la plus grande puissance du monde islamique, l’Empire ottoman, qu’il considère comme son adversaire, de même que l’islam représente son principal rival dans la région. 

Conséquences culturelles et linguistiques

Certains responsables russes comme Kaufmann et Kryjanovski voient dans la langue et la culture russes un outil efficace pour réduire l’influence de l’islam en faveur de la Russie, tandis que d’autres cherchent à diminuer le poids de cette religion en faisant migrer des orthodoxes en Asie centrale. Le gouverneur général du Turkestan Constantin von Kaufmann fait notamment venir des adeptes de la secte protestante mennonite et les exempte du service militaire et du paiement des impôts. 

L’arrivée des Russes en Asie centrale porte un coup à la langue persane, puisque la plupart des interprètes russes de la région sont des Tatars. Ils ne comprennent donc pas le persan et exigent que la population locale leur parle des langues turciques. Du reste, les tentatives de limiter la portée du persan s’expliquent par le fait qu’il s’agissait de la deuxième langue de l’islam et de la langue de tous les religieux locaux. L’aversion séculaire de la Russie pour l’Iran, qui atteint son paroxysme au XIXème siècle et au début du XXème, a également un impact dans ce domaine. Après 50 ans d’occupation russe, le farsi, qui était la langue de travail avant la conquête, connaît un déclin significatif. 

« La leçon la plus importante à tirer de l’histoire de la conquête par l’Empire russe consiste en ce que, si le peuple veut vivre de façon indépendante et digne, il lui faut constamment cultiver sa vigilance, développer son propre pays, le rendre autosuffisant et résister à la corruption et à l’arbitraire pour ne pas tomber dans les griffes du dragon de l’exploitation nouvelle qui menace le monde entier », conclut Saïfoullokhi Moullodjon.

Saïfoullokhi Moullodjon
Journaliste pour Asia-Plus

Traduit du russe par Adrien Mariéthoz

Édité par Tiphaine Tellier

Relu par Léna Marin

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