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Qui est Abdul Rachid Dostom, leader des Ouzbeks d’Afghanistan?

Récompensé par la plus haute distinction militaire par le président afghan, Abdul Rachid Dostom est une figure emblématique de la minorité ouzbèke en Afghanistan. Après de multiples allers-retours en dehors du pays, il participe désormais à la politique interne afghane à un haut niveau.

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Abdul Rachid Dostom leader des Ouzbeks d Afghanistan

Récompensé par la plus haute distinction militaire par le président afghan, Abdul Rachid Dostom est une figure emblématique de la minorité ouzbèke en Afghanistan. Après de multiples allers-retours en dehors du pays, il participe désormais à la politique interne afghane à un haut niveau.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 24 mai 2020 par le média ouzbek Kun.uz

Le 17 mai dernier, le Président afghan Ashraf Ghani a accordé la plus haute distinction militaire du pays au célèbre chef de guerre Abdul Rachid Dostom.

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En plus de conférer le rang de maréchal à l’ancien vice-président d’Afghanistan, cela lui garantit un siège au Conseil suprême du gouvernement et au Conseil de sécurité nationale.

Qui est Abdul Rachid Dostom ?

Né en 1954 dans la province de Djôzdjân, dans le nord de l’Afghanistan, Abdul Rachid Dostom a grandi dans une famille de paysans, aux racines turkmène et ouzbèke. Après ses études, il travaille pour une entreprise gazière soviétique, puis, rejoint en 1979 le Parti démocratique populaire d’Afghanistan (PDPA), qui instaure un régime communiste avec le soutien de l’armée soviétique.

L’année suivante, il part étudier à l’Académie militaire de Leningrad, en URSS. Une fois diplômé, il s’engage au sein de l’armée afghane. Il est rapidement nommé commandant de la 53ème division, qui rassemblait les Ouzbeks vivant dans le nord du pays et luttait aux côtés des troupes soviétiques jusqu’à leur retrait d’Afghanistan en 1989 contre les moudjahidines, des groupes armés de la résistance afghane.

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En 1992, Abdul Rachid Dostom prend le contrôle du nord de l’Afghanistan. Cette région, peuplée majoritairement d’Ouzbeks, était alors appelé officieusement « Dostomistan ». Il proclame la ville de Mazar-ê-Charif capitale de l’Afghanistan du Nord, et y installe sa résidence. Il commande alors une armée estimée à 65 000 hommes, équipés d’armes soviétiques.

Suite à l’émergence des Talibans en 1994 et à leur prise de Kaboul en juin 1996, Dostom rejoint « l’Alliance du Nord ». Cette coalition rassemblait des mouvements disparates, telles les forces du gouvernement de Kaboul ainsi que les troupes d’autres chefs de guerres comme Ahmed Shah Massoud, d’ethnie tadjike, et du leader pachtoune Gulbuddin Hekmatyar.

Lorsque les Talibans s’emparent des régions septentrionales de l’Afghanistan, Dostom se résout à s’exiler en Turquie. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis interviennent en Afghanistan et chassent les Talibans. Abdul Rachid Dostom reprend le commandement des forces militaires du nord et combat les Talibans aux côtés des Américains.

En 2004, il se présente à l’élection présidentielle et finit en quatrième position, loin derrière Hamid Karzaï, pachtoune soutenu par Washington. Il est nommé chef d’état-major général des forces armées afghanes.

En 2008, Abdul Rachid Dostom est contraint de se réfugier à nouveau en Turquie, suite à l’agression d’Akbar Akhbar Bai, Président du Conseil des tribus turkmènes. Il regagne l’Afghanistan en 2009, à l’occasion de la présidentielle et reprend intensément l’activité politique. À l’automne de cette même année, il a été réintégré et est devenu chef de l’état-major général du haut commandement des Forces armées afghanes.

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Suite à l’élection d’Ashraf Ghani, représentant l’ethnie majoritaire pachtoune, en 2014, Abdul Rachid Dostom est nommé premier vice-président de l’Afghanistan. Désormais connu pour ses faits de violence, il quitte de nouveau l’Afghanistan pour la Turquie en 2017 suite à sa mise en accusation pour avoir fait séquestré, torturé et violé l’un de ses rivaux.

Abdul Rachid Dostom Afghanistan Ouzbek
Abdul Rachid Dostom

La personnalité d’Abdul Rachid Dostom est également connue du grand public grâce au réalisateur américain Nicolai Fugslig et son film « Horse Soldiers ». Sorti sur les écrans en 2018, ce film est dédié aux événements directement liés aux activités du leader ouzbek. Il raconte les opérations militaires américaines contre le mouvement Taliban après les attentats du 11 septembre. Une attention particulière dans le film est accordée à l’image d’Abdul Rachid Dostom, incarné par le célèbre acteur irano-américain Navid Negaban.

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Au sein de la communauté ouzbèke d’Afghanistan, Abdul Rachid Dostom est tellement populaire que des poésies sont écrites et chantées à son honneur. Peu avare en déclarations percutantes, Abdul Rachid Dostom a affirmé que tant qu’il serait vivant, aucun terroriste en provenance de l’Afghanistan ne franchira les frontières communes avec l’Ouzbékistan et le Turkménistan.

La communauté ouzbèke, pivot du paysage politique afghan

Depuis les années 1990, Abdul Rachid Dostom est considéré comme le leader incontestable de la communauté ouzbèke. Les dirigeants politiques nationaux doivent dès lors composer avec lui pour s’assurer le soutien des Ouzbeks, qui représentent environ 10 % de la population afghane.

Ces derniers participent en effet massivement aux élections, faisant du nord-ouest du pays une région stratégique sur le plan électoral. Cela est renforcé par les difficultés du gouvernement à organiser des élections dans d’autres régions, dominées par les Talibans.

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L’honneur fait à Abdul Rachid Dostom d’être élevé au rang de maréchal, fait extrêmement rare dans l’histoire politique afghane, témoigne de la valeur politique attachée à sa personne et à sa communauté. Plus récemment, il a été au cœur des divergences entre Ashraf Ghani et son principal rival, Abdullah Abdullah. En effet, il a soutenu ce dernier, fils d’une mère tadjike et d’un père pachtoun, après avoir été vice-président d’Ashraf Ghani.

Les Ouzbeks en Afghanistan

Les Ouzbeks constituent l’une des quatre communautés principales en Afghanistan. Selon diverses sources, entre 2,7 et 3,5 millions d’Ouzbeks y sont établis, principalement dans le nord du pays, sur les territoires frontaliers de l’Ouzbékistan, du Turkménistan et du Tadjikistan. Ils vivent également dans le centre du pays. Ils y sont cependant largement minoritaires, la région étant peuplée principalement d’Hazaras, d’obédience chiite.

Néanmoins, en raison de l’absence de recensement récent et exhaustif de la population dans le pays, la plupart des sources sont basées sur des estimations approximatives. Certaines sources rapportent que le nombre d’Ouzbeks en Afghanistan approche des 5 millions.

L’ouzbek est la langue officielle d’une dizaine de provinces d’Afghanistan. Il semblerait également que l’intérêt pour la langue et la culture ouzbèkes gagnent du terrain ces dernières années.

Le soft power ouzbek en Afghanistan

Plus largement, l’influence culturelle ouzbèke en Afghanistan est croissante. Les chaînes de télévisions ouzbèkes y sont très regardées et les productions audiovisuelles s’y vendent en nombre.

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Les Présidents Ashraf Ghani (Afghanistan) et Shavkat Mirzioiev (Ouzbékistan)

Les liens entre l’Ouzbékistan et son voisin méridional s’améliorent depuis la mort du Président ouzbek Islam Karimov en août 2016. En 2014, une première école ouzbèke a d’ailleurs été ouverte en Afghanistan. Avec l’arrivée au pouvoir de Chavkat Mirzioïev en décembre 2016, l’Ouzbékistan s’est impliqué particulièrement dans les négociations entre Talibans et pouvoir central. Un travail reconnu par les Américains après leur accord historique avec les Talibans de mars 2020.

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En 2017, Chavkat Mirzioïev a rencontré son homologue afghan Ashraf Ghani à l’occasion d’un sommet de l’Organisation de coopération islamique dans la capitale kazakhe Astana, devenue Nur-Sultan. A cette occasion, les deux pays ont conclu un accord ayant abouti à la création d’un centre d’éducation situé à Termez et ouvert aux étudiants résidant de l’autre côté de la frontière. Une centaine d’étudiants afghans a déjà obtenu son diplôme de langue et littérature ouzbèke.

Traduit du russe par Youldochbek Saïdov

Edité par Geoffrey Schollaert

Relu par Guilhem Sarraute

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Commentaire (1)

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Tietie007, 2020-12-31

Dostom est l’illustration même de cet état afghan introuvable, miné par les différentes ethnies qui composent ce pays.

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