Le président de l’Ouzbékistan Chavkat Mirzioïev effectuera une visite en France en octobre prochain. Ce sera le premier voyage officiel du président ouzbek en Europe depuis son entrée en fonction. Qu’est-ce qui pousse le président ouzbek à se rendre en France, un partenaire pourtant négligeable d’un point de vue économique pour l’Ouzbékistan. Avis de deux politologues ouzbeks sur la question.
Novastan reprend et traduit un article initialement publié par Podrobno.uz.
Le président ouzbek Chavkat Mirzioïev s’apprête à effectuer une visite officielle à Paris en octobre prochain. La visite présidentielle se prépare depuis plus d’un an, et ces derniers mois plusieurs délégations ouzbèkes de haut niveau ont visité la France pour la préparer. Selon le politologue ouzbek basé à Washington, Rafael Sattarov, Chavkat Mirzioïev n’a pas choisi par hasard la France pour son premier voyage officiel en Europe.
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« Dans de nombreuses domaines, l’Ouzbékistan ressemble au système français et a imité son modèle. Par exemple, la rédaction de la Constitution de l’Ouzbékistan a pris pour base la constitution de la Vème République française. Le modèle de séparation des pouvoirs est également repris de la Constitution française », décrit Rafael Sattarov. « Pour l’Ouzbékistan, la France a toujours été une source de symbolisme et un modèle. Mais la clé est le fait qu’en ce moment, aux côtés de l’Allemagne, la France est le leader dans l’Union européenne. Pour Tachkent, Paris est l’un de ses principaux bailleurs de fonds et c’est pourquoi le président va en France, tout d’abord pour établir des liens économiques » affirme le politologue.
Des relations encore ténues
Selon Rafael Sattarov, si le gouvernement ouzbek veut changer son image dans l’UE et augmenter le volume des investissements européens, Chavkat Mirzioïev devra établir une relation personnelle de confiance avec Emmanuel Macron. Et ce alors que le volume des investissements réalisés par la France en Ouzbékistan reste faible.
Le politologue rappelle les raisons pour lesquelles les entreprises françaises ne tendent pas à faire des affaires sur le marché ouzbek. « Tout d’abord, le premier repoussoir c’est la distance géographique. Pour l’Europe, nous sommes toujours à la périphérie car les itinéraires logistiques ne sont pas pratiques par rapport à d’autres régions : nous n’avons pas accès aux routes maritimes rapides et pratiques » décrit Rafael Sattarov. « Pour les Européens, la région intéresse sur les questions d’énergie, mais l’Ouzbékistan n’est pas une priorité dans ce domaine. Il est beaucoup plus rentable de coopérer avec le Kazakhstan, le Turkménistan et l’Azerbaïdjan sur ce point », ajoute-t-il.
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« Les pays européens veulent travailler en Ouzbékistan principalement dans le cadre de projets européens. En ce qui concerne les relations commerciales, les pays d’Asie centrale sont peu attractifs car le commerce avec eux est souvent soumis aux caprices de certaines personnes influentes, y compris en Ouzbékistan qui n’a pas la meilleure image sur la scène internationale sur la question des garanties de sécurité pour les investissements », décrit le politologue.
« Présenter » l’Ouzbékistan aux pays européens
L’analyste politique note également que le principe de l’inviolabilité de la propriété privée en Ouzbékistan a déjà été rompu à plusieurs reprises, y compris par rapport aux Européens. « Les Européens ont naturellement une mauvaise image du marché ouzbek après ces incidents. Mais avec l’arrivée au pouvoir de Chavkat Mirzioïev, une fenêtre d’opportunité s’est ouverte, et peut-être que ce problème va bientôt commencer à se résoudre, » veut croire l’expert ouzbek basé à Washington.
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« Le voyage en Europe de Chavkat Mirzioïev va lui permettre de se présenter aux pays européens. A ce jour, le Président de l’Ouzbékistan a rencontré seulement la cheffe des affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne, Federica Mogherini. Depuis il n’y a pas eu de rencontre avec des dirigeants de premiers plans de l’UE », avance le politologue.
La visite en France est un événement historique pour l’Ouzbékistan
De son côté, l’analyste politique ouzbek Sayfiddin Jouraïev replace la prochaine visite en France du président ouzbek dans une suite logique de l’activité de la politique étrangère de l’Ouzbékistan depuis deux ans. « Aujourd’hui, l’Ouzbékistan vit un tournant majeur. Des réformes ont eu lieu dans presque toutes les sphères de la société. Il y a eu des changements sans précédent dans les perspectives, les orientations des valeurs de la population, en particulier des jeunes. Ces processus sont associés aux tendances mondiales », décrit le docteur en sciences politiques. « Dans de telles circonstances, le développement et l’élévation du niveau des relations bilatérales avec les pays développés est non seulement pratique, mais aussi stratégique. Dans ce contexte, la visite en France est historique car c’est la première visite dans un des principaux pays européen », affirme l’analyste.
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Selon Sayfiddin Jouraïev, la relation entre les deux pays depuis la seconde moitié de 2016 et l’arrivée au pouvoir de Chavkat Mirzioïev est devenue plus active. La coopération des producteurs ouzbeks et français dans divers domaines, du tourisme à l’énergie nucléaire, suscite un intérêt mutuel.
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« Les relations des deux pays se renforcent avec la coopération pratique entre les scientifiques, les enseignants, les représentants de la culture et de l’art », poursuit Sayfiddin Jouraïev. « La création du futur Centre culturel français au sein du ministère de la Culture de l’Ouzbékistan en est un exemple. La création des départements de la langue française dans les universités de l’Ouzbékistan, l’augmentation du nombre de cours spécialisés en français dans les écoles et des heures d’enseignement de la langue française ainsi que le développement de matériel pédagogique pour les établissements d’enseignement sont autant de signes de l’activation des relations bilatérales », affirme Sayfiddin Jouraïev.
L’indispensable soutien politique et diplomatique
L’expert estime que tous ces processus, à leur tour, ont besoin du soutien au niveau politique et diplomatique. La discussion et le signature éventuelle de divers accords durant la visite présidentielle dans des domaines tels que l’économie, l’éducation, la culture, la science, ouvrira de nouvelles opportunités pour les deux pays.
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« L’augmentation des exportations non pétrolières depuis l’Ouzbékistan par la France est l’une des tâches principales des autorités ouzbèkes. Le potentiel d’exportation des fruits et légumes et du textile ouzbek vers l’Europe est très important. Cependant nos fabricants ont des difficultés d’accès au marché européen et des négociations sont en cours avec l’Union européenne et, en particulier, avec la France, pour créer un les conditions d’accès à ce marché des produits ouzbeks en montant nos normes au niveau de leurs exigences », a conclu Sayfiddin Jouraïev.
Article traduit du russe par la rédaction
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