Le système scolaire ultra-compétitif ainsi que l’anglophonie du sous-continent poussent chaque année des centaines de milliers d’étudiants indiens à continuer leur cursus à l’étranger. En Ouzbékistan, de nombreuses facultés de médecine en accueillent désormais plusieurs milliers, permettant de maintenir un important lien d’échange entre deux régions au lointain passé commun.
Sur les 10 800 étudiants étrangers présents en Ouzbékistan en 2024, plus de 5 700 étaient indiens, selon le média ouzbek Kun. Cela fait désormais de l’Inde le pays le plus représenté parmi les étudiants étrangers dans le pays, loin devant certains des voisins centrasiatiques. Une tendance qui semble partie pour se prolonger, fruit d’une entente politique croissante entre les deux pays et des conditions d’études idéales pour les jeunes indiens.
Particulièrement portés sur les études de médecine et d’ingénierie, ces étudiants sont répartis entre les plus grandes villes comme Tachkent, Andijan, Samarcande, Ferghana, Termez ou encore Ourguentch.
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Pourquoi l’Ouzbékistan a un tel succès auprès des étudiants indiens
Issus d’un système éducatif ultra-compétitif et polyglottes, les étudiants indiens répartis à travers le monde entier ont largement augmenté ces dernières années, dépassant en 2024 même leur voisin chinois dans certains pays comme aux Etats-Unis ou en Allemagne, rapporte India Today. Mais la popularité ouzbèke est le fruit de facteurs à la fois extérieurs et intérieurs, permettant à Tachkent de se positionner en nouveau hub éducatif.
La première raison de cette popularité grandissante se trouve dans l’invasion de l’Ukraine en février 2022, marquant le départ de milliers d’étudiants indiens de la Russie et de l’Ukraine vers l’Asie centrale. Face à cette crise, les étudiants ont pu compter sur l’étroite collaboration des gouvernements indien et ouzbek ainsi que sur le travail d’institutions privées comme la Neo Institute of Medical Sciences, œuvrant à des plans d’urgence permettant leur rapide relocalisation, rapporte NDTV.
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L’université médicale de Samarcande seule est passé d’une centaine d’étudiants indiens inscrit avant 2022 à environ 3 000 en 2023, rapporte Live Mint. Visant à faciliter un accueil adapté, le vice-chancelier de l’université médicale de Samarcande déclarait à cet égard : « Le nombre d’étudiants indiens a augmenté de façon exponentielle et nous prenons les dispositions nécessaires pour que la tendance se poursuive et que les étudiants ne soient pas gênés. »
Ainsi, l’université a engagé plus de 40 enseignants indiens. L’enseignement et l’apprentissage se font uniquement en anglais, « mais nous voulions nous assurer que les étudiants n’aient pas de difficultés à gérer les différences d’accent », ajoute le vice-chancelier.
Du Kirghizstan à l’Ouzbékistan à cause d’agressions racistes
Le gain d’intérêt pour l’Ouzbékistan est aussi en partie dû à la grandissante méfiance des étudiants indiens envers le Kirghizstan voisin. En mai 2024, la capitale Bichkek a été le théâtre de chasses à l’homme visant les étudiants indiens, pakistanais et égyptiens présents dans la capitale.
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Face à cette menace, de nombreux étudiants ont choisi de continuer leur cursus dans un climat plus apaisé et profitant du cadre éducatif de qualité en Ouzbékistan. Si cet incident reste pour le moment isolé, il a cependant mis avant la question de la cohésion sociale face à cet élan de xénophobie.
Incontournable élément à prendre en compte, l’Ouzbékistan bénéficie aussi de l’argument économique. Avec des frais d’inscription aux cursus de MBBS (Bachelor de médecine et de chirurgie) estimés entre 4 000 et 6 000 dollars par an (3 660 à 5 580 euros), l’Ouzbékistan a un avantage de taille par son coût de la vie relativement similaire à celui de l’Inde, loin des standards européens ou nord-américains. Cependant, si les deux pays sont peu éloignés, ils ne bénéficient pour l’instant pas d’un accès aérien mutuel abordable.
Le diplôme ouzbek accepté en Inde
Interrogée par Novastan, Rafika, une étudiante indienne relocalisée de l’Ukraine à Tachkent, raconte son expérience.
« La qualité de l’enseignement est convaincante et les habitants sont très gentils et accueillants. La langue est un défi, mais l’avantage c’est qu’ici, c’est moins cher que les universités privées indiennes. Les systèmes de transport sont bons […] et le diplôme MBBS de l’Ouzbékistan est autorisé en Inde, sans problème », explique-t-elle.
Avis partagé par nombre de ses camarades, la qualité de l’enseignement et la proximité culturelle entre les deux pays est un cocktail efficace pour l’intégration des étudiants dans le pays. « Nous sommes reliés par Babur Shah et nos cultures présentent des similitudes. […] Les Ouzbeks nous considèrent comme des invités », témoigne Kalash, étudiant en quatrième année de médecine à Tachkent, rapporte Kun.
Tout au long de l’année, cette diversité culturelle est également mise en avant au travers des célébrations culturelles communes ou indiennes, comme la récente représentation de danse traditionnelle Nati originaire de l’Himachal Pradesh à l’Université médicale d’Etat de Samarcande.
La procédure d’accession aux université ouzbèkes
Véritable industrie, le processus d’expatriation des étudiants indiens est largement facilité et documenté en ligne, voir délégable à des entreprises spécialisées dans le domaine, moyennant paiement.
Dans le cas ouzbek, l’ambassade indienne à Tachkent diffuse régulièrement des annonces et indications à l’intention des étudiants déjà présents sur place ou intéressés à l’idée de rejoindre le pays. L’essentiel de la procédure à suivre et des documents nécessaires est même disponible sur le site de l’ambassade.
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Interrogée par Novastan, Megavardhini, étudiante en dernière année de MBBS en Ouzbékistan, raconte également son expérience positive, mais qui appelle à la vigilance concernant les procédures administratives.
« L’Ouzbékistan offre une bonne éducation à un prix inférieur à celui des autres pays, c’est la raison pour laquelle j’ai choisi ce pays. J’ai été admise par l’intermédiaire d’un étudiant qui étudiait déjà en Ouzbékistan ; le processus a donc été facile pour moi », raconte-t-elle.
Des fraudes à éviter
Certains de ses amis ont rencontré de nombreux problèmes en donnant de l’argent à des agents frauduleux. Il faut donc s’assurer que la personne qui aide à obtenir une admission dans l’université choisie est une personne fiable.
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« Le coût des frais de scolarité est beaucoup moins élevé que celui des facultés de médecine privées indiennes. Le coût de la vie est d’environ 250 dollars (229 euros, ndlr) par mois, ce qui comprend le transport, la nourriture, l’hébergement, etc. Les gens en Ouzbékistan sont si gentils, ils traitent les Indiens comme des célébrités et ils ont pris des photos avec moi et mes amis », ajoute Megavardhini.
« Mon conseil à un nouvel étudiant indien est de s’assurer que l’université choisie est une université approuvée par la NMC (National Medical Commission), et si vous voulez travailler en Europe, choisissez une université reconnue par l’Organisation mondiale de la santé, c’est obligatoire », conclue-t-elle.
Helmand Gardezi
Rédacteur pour Novastan
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