Au Kirghizstan, enlever une jeune fille pour l’épouser est une pratique encore répandue, malgré son interdiction. Cet enlèvement, que certains considèrent comme traditionnel, porte le nom d’ala-kachuu. Aziza Abdirassoulova, défenseuse des droits de l’Homme, vient en aide aux victimes, pour les encourager à porter plainte et faire évoluer la situation.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 15 août 2020 par le média kirghiz 24.kg.
Bien que ce soit interdit par la loi kirghize, les victimes d’ala-kachuu sont encore nombreuses. Cette pratique, qui consiste à enlever une jeune fille pour l’épouser, est encore répandue car les ravisseurs ne sont que rarement punis. En effet, la plupart des familles préfèrent laisser le mariage avoir lieu plutôt que d’aller à l’encontre des traditions. Le média kirghiz 24.kg revient sur huit histoires très médiatisées d’ala-kachuu.
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En août 2020, un homme responsable d’une tentative d’enlèvement manquée sur une jeune fille a été condamné à deux mois de détention. La victime de cette pratique a failli se suicider. Aziza Abdirassoulova, responsable de la Fondation de défense des droits de l’Homme Kylym Shamy, a aidé à prévenir la tragédie.
Le silence contre un bélier
L’homme de 38 ans, trois fois divorcé, avait décidé d’enlever la jeune fille de 21 ans. Il a été aidé dans sa tentative par la sœur et un proche parent de la jeune fille. La victime a été emmenée dans le district de Tüp, dans le nord-est du pays. Les proches de la victime ont commencé à rédiger des messages en son nom, indiquant que la jeune fille acceptait de se marier et demandait leur bénédiction. Les ravisseurs ont caché aux parents la localisation de leur fille. L’agresseur a finalement été arrêté, mais les parents de celui-ci se sont mis à faire pression sur la jeune fille et ont proposé à la famille un bélier en échange d’une contre-déclaration de la victime. Le principal suspect a tout de même été placé en garde à vue, tandis que les deux complices ont été assignés à résidence.
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La jeune fille enlevée et ses proches ont l’intention d’obtenir une décision de justice équitable et sont aidés par la Fondation Kylym Shamy. Selon les défenseurs des droits de l’Homme, la justice est souvent indulgente à l’égard des crimes liés à l’enlèvement de jeunes filles pour les contraindre à se marier. Les ravisseurs échappent le plus souvent à la responsabilité pénale ou sont condamnés à une peine avec sursis.
Des enlèvements qui aboutissent parfois à des meurtres
Même la tragédie de Bouroulaï Tourdalieva n’a rien changé. La jeune fille de 19 ans a été assassinée en mai 2018. Le responsable du meurtre de la jeune fille, qui a eu lieu dans le bâtiment même du département régional des Affaires intérieures, a écopé de 20 ans de prison. En juin de la même année, une jeune fille de 18 ans a été enlevée dans la capitale, Bichkek. La victime n’avait jamais rencontré son ravisseur. Lorsque la police l’a localisée, à Naryn, dans l’est du pays, elle avait déjà été violée. Au cours du procès, les parents de l’accusé ont offert aux parents de la victime 400 000 soms (4 140 euros) pour qu’ils rédigent une contre-déclaration.
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Le tribunal a alors acquitté le jeune homme pour le chef d’accusation de viol, mais l’a condamné à une peine avec sursis pour enlèvement.
La clémence des tribunaux
En avril 2019, une jeune fille de 16 ans a disparu à Och, dans le sud du Kirghizstan. Les parents ont immédiatement fait une déclaration à la police. La jeune fille avait été enlevée par un garçon de 20 ans. Cependant, une fois retrouvée, la victime a déclaré aux policiers qu’elle connaissait son fiancé, qu’elle avait eu des relations sexuelles avec lui et qu’elle avait délibérément décidé de l’épouser. Dans le district de Leïlek, dans le sud-ouest du pays, une autre mineure a été victime d’ala-kachuu, enlevée par un homme de 22 ans.
Mais en septembre 2019, le tribunal l’a relâché avec un an de contrôle judiciaire. Le tribunal a indiqué que la victime était elle-même montée dans la voiture de l’accusé sans le connaître. L’homme avait considéré cela comme un consentement et l’avait emmenée dans un village voisin. Les parents du ravisseur les attendaient déjà dans la maison. L’accusé a été reconnu coupable, mais il a affirmé avoir renvoyé la victime chez elle car elle refusait de se marier avec lui.
Des enlèvements de mineures
En janvier 2020, trois hommes ont été condamnés à Bichkek pour enlèvement sur mineure. Les accusés ont été condamnés à la peine minimale de deux ans et demi d’emprisonnement.
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La jeune fille travaillait dans un café de restauration rapide. Elle ne connaissait pas son agresseur. Le jeune homme et ses amis l’ont forcée à entrer dans une voiture et l’ont emmenée à Talas, dans l’ouest du pays. En chemin, ils ont appris que la jeune fille n’avait que 17 ans. De plus, ses parents avaient appelé la police. Les ravisseurs l’ont alors ramenée chez elle. Au tribunal, l’homme a plaidé coupable, mais en expliquant que la jeune fille lui avait menti sur son âge, en affirmant avoir 21 ans.
Exiger une punition
À Och, un étudiant est en cours de procès après avoir enlevé et tenté de forcer une jeune fille de 20 ans à l’épouser . La victime a été emmenée de force dans une voiture dans le centre-ville, près d’un supermarché. Selon les données préliminaires, la victime connaissait son agresseur, mais ne souhaitait pas l’épouser. Sa mère a adressé une plainte à la police. Par la suite, les forces de l’ordre ont arrêté deux suspects. Le ravisseur a été écroué dans un centre de détention. La défense de l’accusé a requis la relaxe en résidence surveillée, motivant cela par le fait que l’agresseur est toujours étudiant. Cependant, la gravité du crime a poussé le tribunal à garder le jeune homme en détention.
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Le procès des ravisseurs d’une habitante de Bichkek, âgée de 28 ans, se poursuit. La jeune fille avait été invitée par des amis au bord du lac Issyk-Koul pour des vacances, mais avait été emmenée à la place dans la maison d’un inconnu dans le village de Djeti-Ogouz, qui a voulu la contraindre à se marier avec lui. Lorsque la victime a refusé, elle a été brutalement battue. La victime était orpheline. Le crime avait été facilité par des femmes de son entourage qui l’avaient emmenée à Issyk-Koul. La jeune femme s’est adressée à l’Association des centres de crise, où elle a reçu une assistance juridique et psychologique. En raison du stress vécu, elle est désormais victime de tremblements, et un traitement sérieux est nécessaire.
Les histoires derrière les chiffres
En 2019, les condamnations pour ala-kachuu ont été renforcées au Kirghizstan. Pourtant, la situation a peu changé. Chaque année, des centaines de jeunes filles sont enlevées et forcées à se marier. Victimes d’intimidations, de viols et le plus souvent rejetées par leurs proches, elles sont souvent obligées de rester avec leur ravisseur. Peu d’entre elles décident de demander de l’aide aux forces de l’ordre ou aux défenseurs des droits de l’Homme.
Selon des données récentes, une Kirghize sur quatre âgée de 15 à 49 ans a subi des violences physiques. 4 % des femmes ont été victimes de violences sexuelles, 14 % de violences émotionnelles ou psychologiques. Toutes les affaires pénales ne se retrouvent pas au tribunal, car des dizaines sont abandonnées pour diverses raisons au cours de l’enquête : pression des parents et de la société, le qu’en-dira-t-on, pour rédiger une contre-déclaration, compensations versées, etc. Les ravisseurs ne sont dès lors que quelques-uns à être condamnés à la sanction qu’ils méritent.
Aïda Djoumachova
Journaliste pour 24.kg
Traduit du russe par Pierre-François Hubert
Édité par Paulinon Vanackère
Relu par Swann Herrenschneider
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