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Le changement climatique menace l’économie du Kazakhstan

BRUXELLES-ASTANA : UN NOUVEAU PONT CLIMATIQUE ? - Le Kazakhstan est confronté à une crise climatique due à la hausse des températures et aux menaces écologiques. Le réchauffement de l'Asie centrale est deux fois plus rapide que celui de la planète, ce qui présente des risques pour l'agriculture et la société. Il est urgent d'agir, en mettant l'accent sur la durabilité et la collaboration mondiale.

Altyn Emel Route
Le parc national d'Altyn Emel au Kazakhstan. Photo : Konstantin Blondeau / Novastan.

BRUXELLES-ASTANA : UN NOUVEAU PONT CLIMATIQUE ? – Le Kazakhstan est confronté à une crise climatique due à la hausse des températures et aux menaces écologiques. Le réchauffement de l’Asie centrale est deux fois plus rapide que celui de la planète, ce qui présente des risques pour l’agriculture et la société. Il est urgent d’agir, en mettant l’accent sur la durabilité et la collaboration mondiale.

Comment les implications économiques, sociales et géopolitiques du changement climatique se manifestent-elles en Asie centrale ? Quels sont les cas d’urgence qui nécessitent une action immédiate ? Les mesures d’atténuation sont-elles suffisantes ? Pour répondre à ces questions, Novastan lance « Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? », une série d’articles consacrés au changement climatique au Kazakhstan, un projet fondé par Konstantin Blondeau-Mikhaïlov et Camille Ramecourt.

Alors que le changement climatique menace le développement de tous les pays d’Asie centrale, cette série se concentrera sur le Kazakhstan. En mettant en lumière les dimensions économiques, sociales et géopolitiques du changement climatique, Novastan cherche à fournir une compréhension globale des défis auxquels la République du Kazakhstan est confrontée, tout en soulignant les stratégies efficaces pour faire face à ces menaces.

Tous les articles de la série sont disponibles ici.

Le changement climatique vu du Kazakhstan

La géographie unique du Kazakhstan présente une riche diversité, avec des chaînes de montagnes imposantes comme le Tian-Shan et l’Altaï, de vastes steppes, des steppes boisées, et des climats allant des zones semi-arides aux zones désertiques. Le Kazakhstan a la particularité d’être le plus grand pays enclavé au monde.

Les conclusions de l‘Organisation météorologique mondiale (OMM) viennent toutefois troubler ce tableau. L’année dernière, la planète s’est globalement réchauffée de 1,40 °C par rapport à la moyenne de l’ère préindustrielle, marquant ainsi les neuf dernières années comme les plus chaudes de l’histoire.

Les enjeux sont encore plus importants en Asie centrale. Les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), relayés par le Fonds monétaire international (FMI), affirment que le phénomène de réchauffement dans cette région se produit à un rythme deux fois plus rapide. Les conséquences du changement climatique, autrefois des théories abstraites, sont désormais des expériences palpables, visibles à travers le prisme des saisons kazakhes et des fluctuations significatives des températures moyennes.

Hausse des températures, sécheresse et fonte des glaciers

Depuis 1991, le pays a connu une hausse notable de ses températures moyennes, de l’ordre de 1°C. Depuis le milieu du XXème siècle, le mercure a grimpé de près de 2°C, un chiffre supérieur à la moyenne mondiale.

Cet écart par rapport à la norme suscite de vives mises en garde. L’Accord de Paris de 2015 visait à limiter l’augmentation de la température à 1,5 – 2°C, mais les tendances actuelles suggèrent un risque de dépassement de ces objectifs.

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Les conséquences pour le Kazakhstan sont considérables : il faut s’attendre à des températures plus extrêmes. Ainsi, la saison estivale connaîtra des vagues de chaleur plus fréquentes et plus fortes, comme celles qui ont déjà frappé en juillet dernier, avec des températures dépassant les 40°C dans plusieurs régions, selon l’agence nationale Kazgidromet. Il y a eu une nette tendance au réchauffement au cours des dernières années, huit des dix années les plus chaudes étant postérieures aux années 2000 au Kazakhstan.

Une terre vulnérable aux effets du changement climatique

Les vastes étendues de déserts et de steppes, qui représentent plus de 80 % de la superficie totale du Kazakhstan selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), rendent le pays particulièrement vulnérable aux impacts profonds du changement climatique. Avec l’augmentation des températures, le spectre des sécheresses sévères se profile, et l’escalade prévue de leur fréquence devrait entraîner une cascade d’effets néfastes, notamment des risques accrus de dégradation des sols et de désertification.

Ces phénomènes, exacerbés par le changement climatique, risquent de déclencher une série de défis, dont l’agriculture fera les frais. Le Kazakhstan, plus grand exportateur de produits agricoles d’Asie centrale, s’apprête à subir d’importantes pertes de rendement des cultures pluviales, ce qui suscite des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire mondiale.

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L’un des dangers les plus imminents découlant du changement climatique est la multiplication des occurrences de coulées de boue, une menace directe même pour Almaty, la plus grande ville du pays. Ce risque souligne le besoin pressant de stratégies globales de réduction des risques de catastrophes pour protéger non seulement les centres urbains, mais aussi les communautés rurales.

Les ramifications des défis induits par le changement climatique vont au-delà des préoccupations environnementales immédiates pour s’étendre au tissu social. Si la production agricole du Kazakhstan faiblit, les effets devraient se faire sentir en raison de son rôle important en tant que grand exportateur de denrées alimentaires. Cette vulnérabilité souligne l’importance de la collaboration internationale et du soutien aux mesures d’adaptation.

Des préoccupations relatives aux terres et aux sols

Les effets anticipés du changement climatique sont sur le point d’influencer la qualité des terres et des sols au Kazakhstan par le biais de divers mécanismes perceptibles. L’état défavorable de certaines zones terrestres entraîne déjà des coûts importants pour le pays.

Selon une estimation des Nations unies, la dégradation des pâturages a entraîné à elle seule des dommages considérables, estimés à 963 millions de dollars (891 millions d’euros). L’érosion des terres arables et la salinité des sols ont également contribué aux pertes économiques, avec des dommages estimés à 779 millions de dollars (721 millions d’euros) et 375 millions de dollars (347 millions d’euros), respectivement.

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Ces défis environnementaux n’ont pas que des implications monétaires. En 2013, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estimait que 23,5 % de la population du Kazakhstan résidait dans des zones caractérisées par la dégradation des sols. Ces statistiques mettent en évidence non seulement le coût économique, mais aussi l’impact sociétal des altérations induites par le climat sur les terres et les sols du pays, composant un sombre tableau pour les communautés déjà marginalisées et appauvries du Kazakhstan.

Les ressources en eau menacées

L’eau est probablement le nœud du problème, car elle révèle la vulnérabilité multiforme du pays, qui s’étend à l’agriculture, à la santé humaine et au développement socio-économique. Pour compliquer encore les choses, la République du Kazakhstan dépend fortement des fleuves transfrontaliers comme le Syr-Daria, l’Amou-Daria et l’Irtych, 44 % du débit des fleuves kazakhs provenant des pays voisins selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, où la gestion de l’eau était centralisée, les risques de conflits liés à l’eau sont importants.

À l’heure où le PNUD signale que le niveau de du fleuve Oural a été divisé par trois au cours des 15 dernières années, il est essentiel de comprendre les effets en cascade du changement climatique sur les ressources en eau du Kazakhstan. Les principaux fleuves, lacs et réservoirs constituent les principales sources d’eau du pays.

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La plupart des flux d’eau proviennent de bassins supérieurs situés dans des régions montagneuses, ce qui rend les niveaux d’eau de surface très sensibles aux changements dans la couverture de neige et de glace, selon la Commission économique pour l’Europe et les Nations unies (UNECE).

Une altération significative des précipitations attendue

Des années consécutives de sécheresse ont déjà eu un impact visible sur les masses d’eau : l’été dernier, le réservoir de Kirov au Kirghizstan, dont dépend aussi le Kazakhstan, a fait la une des journaux, comme le décrivait alors le média kirghiz 24.kg. Le niveau de l’eau était 83 % plus bas qu’à la même époque en 2022. Une situation attribuée à la faible disponibilité de l’eau dans la rivière Talas qui alimente le réservoir.

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Avec l’augmentation des températures, ce phénomène risque de devenir la norme, mettant en péril la sécurité de l’eau. Si la fonte accélérée des glaciers peut être perçue comme un remède temporaire aux pénuries d’eau, elle jouera en réalité un rôle critique dans la disponibilité des ressources en eau dans les années à venir et conduira à des catastrophes, telles que des inondations et des coulées de boue. Le PNUD prévoit en effet que les glaciers auront disparu avant la fin du siècle, ce qui entraînera une diminution à long terme du débit des cours d’eau.

Pour ne rien arranger, une modification du régime des précipitations est également attendue. Les pluies sont généralement assez rares au Kazakhstan, où les niveaux de précipitations se situent en moyenne entre 14 et 30 millimètres par mois selon la Banque mondiale. Toutefois, les périodes sans pluie s’allongent, avec des conséquences déjà visibles dans les régions du Nord et du Sud-Est, selon la Banque asiatique de développement.

Des conséquences redoutables pour l’agriculture

La multiplication et l’intensification de ces phénomènes mettent en péril la sécurité de l’eau et pourraient avoir des conséquences redoutables pour l’agriculture et l’élevage. Une situation d’autant plus grave qu’elle menace la sécurité alimentaire et met en péril 1,2 million d’emplois, rapporte le Programme de développement économique résilient au climat (CRED).

L’agriculture est un secteur économique clé pour le Kazakhstan, grand producteur de blé. Les terres cultivées couvrant environ 81 % de la superficie du pays, l’agriculture représente 5 % de son PIB. Cependant, en raison du climat aride et semi-désertique, l’eau, fournie par un système d’irrigation souvent obsolète, est cruciale pour la survie de l’agriculture.

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À titre d’exemple, plus d’un quart de la région méridionale de Djamboul dépend directement des réseaux d’irrigation, l’eau provenant des rivières transfrontalières Tchou et Talas. Pas moins de 3 millions de personnes au Kazakhstan et au Kirghizstan dépendent de ces rivières pour vivre. La sécheresse de l’été 2023 a mis en lumière la vulnérabilité de l’agriculture kazakhe, avec la perte d’environ 4 000 hectares de cultures à cause de la chaleur.

Le pays est actuellement très dépendant de la bonne volonté de ses voisins. L’accord de partage de l’eau entre le Kazakhstan et le Kirghizstan apparaît aujourd’hui insuffisant et génère des tensions entre les agriculteurs de part et d’autre de la frontière, comme le décrit Radio Azattyq, la branche kirghize du média américain Radio Free Europe. D’où la nécessité pour l’agriculture kazakhe de s’adapter et de mettre en œuvre une utilisation durable de l’eau.

L’énergie : un élément majeur de l’économie

L’autre grand secteur économique est celui des ressources naturelles, et plus particulièrement des combustibles fossiles. Comme plusieurs pays voisins, le Kazakhstan voit son économie alimentée par l’industrie pétrolière et gazière, générant 17 % du PIB en 2020. Une partie de sa production est vendue à des partenaires économiques, alors que le pays, comme ses voisins d’Asie centrale, n’arrive pas à satisfaire ses besoins nationaux, ce qui fait du pays un grand exportateur d’énergie, notamment vers la Russie (principalement en charbon), la Chine (principalement en gaz) et l’UE (principalement en produits pétroliers).

Au niveau national, les énergies les plus consommées et les plus produites sont le pétrole, le gaz et le charbon, tandis que le système électrique du Kazakhstan est dominé par le charbon, qui représentait près de 60 % de la capacité installée.

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Mais en 2021, le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a lancé un ambitieux plan d’écologisation de l’énergie et, en février 2023, le gouvernement kazakh a adopté sa stratégie visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060.

L’économie est-elle prête à décarboner le secteur de l’énergie ?

Dans le rapport de 2022 sur le climat et le développement au Kazakhstan, la Banque mondiale a souligné le caractère de plus en plus évident des avantages liés à la transition énergétique. Dans un contexte mondial où le rythme de la décarbonation s’accélère et où les prix du pétrole connaissent une baisse, affectant négativement les exportations et les recettes budgétaires du Kazakhstan, le rapport prévoit une baisse potentielle de 1,6 % du PIB d’ici 2050 en l’absence de transition énergétique au Kazakhstan.

Un aspect essentiel souligné dans le rapport est la nécessité de décarboner le système énergétique, qui englobe l’électricité, le chauffage, les transports et l’industrie. Ce secteur contribue à plus de 80 % des émissions du Kazakhstan, ce qui le rend crucial pour atteindre les contributions déterminées au niveau national (CDN) pour 2030 et les objectifs de zéro net pour 2060. Le rapport souligne qu’une évolution proactive vers la décarbonation dans ces domaines clés est fondamentale pour atteindre les objectifs environnementaux et de durabilité définis.

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La portée de cette série d’articles étant la compréhension de l’action européenne dans le domaine du climat, une question demeure. Alors que le monde a encore besoin d’énergie et que le Kazakhstan en a, quelle est la probabilité que le pays réduise sa production d’énergie fossile et augmente ses investissements dans les énergies renouvelables ? Comment l’UE y participe ou y participera-t-elle ?

« Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? » est une série d’articles consacrés au changement climatique au Kazakhstan. Tous les articles de la série sont disponibles ici. Ce projet a été fondé par Camille Ramecourt et Konstantin Blondeau-Mikhaïlov.

Pauline Ferraz
Konstantin Blondeau-Mikhaïlov
Rédacteurs pour Novastan

Relu par Elise Medina

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Commentaire (1)

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Vincent Gélinas, 2024-07-1

Beau tour d’horizon hélas peu encourageant.

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