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Comment le Kazakhstan et l’Union européenne coopèrent sur la question du climat

BRUXELLES-ASTANA : UN NOUVEAU PONT CLIMATIQUE ? - Le Kazakhstan est confronté à une crise climatique due à la hausse des températures et aux menaces écologiques. Le réchauffement de l'Asie centrale est deux fois plus rapide que celui de la planète, ce qui présente des risques pour l'agriculture et la société. Il est urgent d'agir, en mettant l'accent sur la durabilité et la collaboration mondiale.

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Le bazar vert à Almaty. Photo : Konstantin Blondeau-Mikhaïlov / Novastan.

BRUXELLES-ASTANA : UN NOUVEAU PONT CLIMATIQUE ? – Le Kazakhstan est confronté à une crise climatique due à la hausse des températures et aux menaces écologiques. Le réchauffement de l’Asie centrale est deux fois plus rapide que celui de la planète, ce qui présente des risques pour l’agriculture et la société. Il est urgent d’agir, en mettant l’accent sur la durabilité et la collaboration mondiale.

Comment les implications économiques, sociales et géopolitiques du changement climatique se manifestent-elles en Asie centrale ? Quels sont les cas d’urgence qui nécessitent une action immédiate ? Les mesures d’atténuation sont-elles suffisantes ? Pour répondre à ces questions, Novastan lance « Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? », une série d’articles consacrés au changement climatique au Kazakhstan, un projet fondé par Konstantin Blondeau-Mikhaïlov et Camille Ramecourt.

Tous les articles de la série peuvent être trouvés ici.

Un partenariat avancé

Les relations entre l’Union Européenne (UE) et l’Asie centrale sont les plus avancées avec le Kazakhstan. En effet, après le début de leurs relations diplomatiques en 1992, les liens se sont resserrés jusqu’à la mise en place du premier Accord Renforcé de Coopération et de Partenariat (EPCA) avec Astana en 2020. Cette nouvelle génération de partenariats va plus loin que le simple format « commerce et aide au développement » : elle institue une coopération entre les deux partenaires dans des secteurs pertinents à la fois pour le Kazakhstan et pour l’UE.

“L’UE est reconnue comme un partenaire important [par le gouvernement kazakh]”, souligne Johannes Baur, responsable de la coopération à la Délégation européenne à Astana. Les relations, déjà stables, se sont accrues du fait des récentes évolutions géopolitiques. Selon lui, le resserrement des liens est réciproque, le Kazakhstan aspirant à des relations internationales plus équilibrées après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et l’UE souhaitant la stabilité et la sécurité pour la région depuis la prise du pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021.

L’UE a également durement ressenti le besoin d’un approvisionnement en ressources stratégiques plus diversifié en 2022, ce qui l’a naturellement poussée vers un approfondissement des relations avec le Kazakhstan.

Une coopération économique et financière

Les chiffres commerciaux entre l’UE et le Kazakhstan illustrent clairement cette intensification récente des relations. Ainsi, les échanges de biens entre les deux acteurs ont augmenté de 74 % en 2022 par rapport à 2021, atteignant 40,2 milliards d’euros, ce qui peut être associé à la crise énergétique et aux sanctions sur le gaz russe, voire à un schéma de contournement des sanctions contre la Russie.

Ainsi, c’est sans surprise que la coopération économique et financière se trouve parmi les 32 secteurs clés définis par l’EPCA. Toutefois l’accord va plus loin dans l’élargissement des domaines de coopération des deux partenaires, incluant notamment les questions énergétiques, les transports, l’environnement, le changement climatique et l’État de droit.

Lire aussi sur Novastan : « L’adaptation est désormais une priorité »: comment le PNUD aborde le changement climatique au Kazakhstan

Dans le cadre de la stratégie Global Gateway lancée en 2021, deux initiatives de l’Équipe Europe (TEI) pour l’Asie centrale ont été annoncées sur ces sujets en novembre 2023. Les TEI rassemblent les forces d’institutions et d’agences européennes, des États membres, de la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne de reconstruction et de développement, pour travailler sur un sujet considéré comme freinant le développement d’un pays.

L’initiative de l’Équipe Europe sur l’eau, l’énergie et le changement climatique

Une TEI couvre la connectivité digitale et l’autre porte sur les enjeux de l’eau, de l’énergie et du changement climatique dans la région. Selon Johannes Baur, le combat contre le changement climatique est une composante importante de la stratégie extérieure globale de l’UE : l’Asie centrale ne fait pas exception. Pour lui, “nous pensons que beaucoup peut être fait, c’est donc une priorité du programme”.

Ce projet se concentrera sur les enjeux de coopération dans le domaine de l’eau, une coopération renforcée sur les énergies renouvelables et l’amélioration des connexions au réseau pour un meilleur équilibrage du potentiel des renouvelables “qui est élevé”, indique Johannes Baur. Le budget du programme sera complété par des projets des États membres, et par la coopération et l’intégration de ce qui a déjà été réalisé par les Banques européennes d’investissement, et de reconstruction et développement.

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Le changement climatique existe dans l’esprit du public au Kazakhstan et est un enjeu “depuis un moment”, ajoute Johannes Baur. Il est affiché comme une priorité politique, avec le projet d’atteindre la neutralité carbone en 2060, régulièrement mentionné par le président. Cependant, la mise en place effective de mesures fait face à des difficultés. Un des principaux obstacles est le subventionnement des prix de l’énergie dans les anciens pays soviétiques.

Les prix de l’énergie au plus bas possible

En effet, au Kazakhstan demeure un contrat social officieux entre le gouvernement et la population, portant sur le maintien des prix de l’énergie les plus bas possible. Cela n’encourage pas l’efficacité énergétique pour les consommateurs, ni privés ni industriels. Et le problème est d’autant plus urgent que le mix énergétique du pays était basé à presque 100 % sur les énergies fossiles en 2018. Cependant, le problème est aujourd’hui reconnu et mention est faite de prévisions de hausse des tarifs, ce qui engendrera de nouvelles considérations sociales pour les ménages dépendant de cette subvention pour éviter la précarité énergétique.

Cette surconsommation énergétique est également due à des infrastructures anciennes et non rénovées. Dès 2022, suite à une vague de froid et à la défaillance de plusieurs centrales de chauffage, la vieillesse de l’équipement avait été mise en cause, rapporte The Diplomat.

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Beril Ocaklı, chercheuse au Centre d’études sur l’Europe de l’Est et les pays étrangers et à la Humboldt-Universität à Berlin, confirme auprès de Novastan l’opportunité et le besoin du Kazakhstan en matière d’infrastructures. Selon l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), environ 75 % des constructions existantes doivent être réhabilitées, le secteur des transports étant prioritaire.

En outre, la cherhceuse l’associe au rôle que l’UE peut jouer pour assurer une transition climatique juste. Même si c’est l’État kazakh qui est garant de transparence et justice devant ses citoyens, l’UE peut aider à mettre en œuvre des processus démocratiques pour impliquer les communautés dans les projets d’infrastructures pour une répartition plus équitable des bénéfices. Beril Ocakli indique enfin que les annonces de l’UE peuvent être plus élevées que l’investissement effectif. En effet, le cadre d’investissement de l’UE a été rebaptisé Global Gateway, et cela rend la distinction entre les investissements qui sont vraiment nouveaux et ceux qui sont des investissements anciens rebaptisés confuse.

Des actions mises en place avec les acteurs locaux

Avec la protection de l’environnement, l’État de droit est également une priorité globale pour la politique extérieure de l’UE. “Renforcer les droits humains, soutenir le développement démocratique de projets concrets avec la société civile et des ONG” est “dans toutes nos relations un sujet important”, décrit ainsi Johannes Baur. Ainsi, bien que l’UE agisse au Kazakhstan à travers la Stratégie de l’UE sur l’Asie centrale adoptée en 2019, les acteurs locaux jouent également un rôle dans ses actions sur le terrain.

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La Stratégie régionale et le projet du Global Gateway dans la région sont méthodiquement détaillés aux acteurs locaux, explique Johannes Baur. D’abord en exercices de programmation, qui sont ensuite divisés en programmes régionaux et nationaux. Tous les programmes sont consultés par les États bénéficiaires et leurs gouvernements, ainsi que les États membres à Bruxelles.

À ce moment, les acteurs de chaque pays sont appelés pour examiner les propositions, dans ce cas-ci des organisations intéressées dans les relations kazakho-européennes. Enfin, ces programmes sont traduits dans des projets concrets réalisés par la délégation de l’UE, conjointement avec les autorités des gouvernements locaux.

La coopération sur les droits humains

Une procédure spéciale d’appel à propositions existe pour les projets de droits humains. La délégation de l’UE définit certaines priorités thématiques à propos desquelles elle souhaiterait recevoir des propositions de la part des ONG et de la société civile.

“Nous recevons un nombre de requêtes que nous ne pouvons pas toujours suivre, car nous avons des procédures strictes”, explique Johannes Baur, décrivant la procédure d’appel d’offres et le processus de sélection des propositions. Plus la requête est importante, plus longtemps cela prendra de la traiter. “Cependant, nous ne pouvons que nous réjouir de noter le vif intérêt que semble porter la société civile kazakhe à l’action avec l’UE sur le sujet des droits humains – intérêt supérieur à ce que la délégation peut gérer pour l’instant”, ajoute-t-il.

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D’autres priorités de coopération entre l’UE et le Kazakhstan sont les matières premières, l’hydrogène vert et les batteries, qui s’inscrivent dans le Partenariat stratégique signé par les deux parties lors de la COP-27 en 2022. De plus, depuis l’invasion de l’Ukraine, il est clair que la connexion physique entre les deux géographies afin d’assurer une alternative permanente au commerce en dehors du territoire russe est aussi un enjeu stratégique.

« Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? » est une série d’articles consacrés au changement climatique en Asie centrale. Tous les articles de la série sont disponibles ici. Ce projet a été fondé par Camille Ramecourt et Konstantin Blondeau-Mikhaïlov.

Camille Ramecourt
Rédactrice pour Novastan

Relu par Elise Medina

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