Parallèlement au projet des « Nouvelles routes de la Soie », la Chine multiplie les investissements chez ses voisins centrasiatiques. En quête de financements pour de coûteux projets, le Kazakhstan voit une opportunité dans l’intérêt que lui porte Pékin. Pourquoi la Chine investit-elle aussi massivement au Kazakhstan ? Tentative de réponse.
Novastan reprend ici et traduit un article publié initialement le 8 octobre 2019 par le média kazakh Vlast.kz.
Après l’Union européenne, arrivant largement en tête des investisseurs étrangers au Kazakhstan, la Chine continue d’investir massivement dans le pays le plus vaste d’Asie centrale. D’après les annonces du président Kassym-Jomart Tokaïev au début du mois de septembre 2019, le volume des investissements chinois depuis l’indépendance a atteint les 20 milliards de dollars (18,44 milliards d’euros) – sur les 300 milliards de dollars (276,6 milliards d’euros) d’investissements étrangers au total.
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En dépit de la défiance d’une partie de la population face à l’engagement de Pékin dans leur économie, les autorités kazakhes souhaitent encore développer ces investissements.
Investissements d’État
Au sens strict, il n’est pas correct de parler d’investissements chinois. Premièrement parce que le terme d’investissement implique une prise de risque. Or, dans le cas chinois, la majeure partie de ces investissements sont l’initiative de l’État, via ses entreprises publiques. Le risque est donc porté et assuré par l’État chinois lui-même.
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De plus, la plupart de ces investissements sont en réalité des prêts et des crédits commerciaux. Ils sont donc sujets à remboursement. C’est le cas par exemple du prêt destiné à construire le réseau de transport de Nur-Sultan, la capitale kazakhe. L’État kazakh se porte garant de la bonne réalisation du chantier. Des accords publics existent concernant l’octroi de prêts chinois, mais il y a peu d’investissements issus de sociétés privées et d’hommes d’affaires chinois.
Autre facteur d’importance : les crédits commerciaux accordés par la Chine concernent essentiellement les secteurs qui présentent un intérêt pour l’économie chinoise, à savoir la construction d’infrastructures exploitables dans le cadre du programme des « Nouvelles routes de la Soie », le méga projet d’infrastructure souhaitant relier la Chine à l’Europe par le rail, ou l’extraction et l’exportation de matières premières, telles que les métaux ou le pétrole, du Kazakhstan vers la Chine. On peut donc dire que l’État chinois accorde un vif intérêt au Kazakhstan, et non le secteur privé.
La Chine intéressée par les matières premières kazakhes
La proximité géographique est naturellement l’atout du Kazakhstan aux yeux de Pékin, dont le principal intérêt est de s’assurer un approvisionnement supplémentaire en matières premières.
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On constate également que la Chine accumule des réserves qu’elle acquiert sur les marchés mondiaux et s’assure en retour l’accès des produits chinois aux marchés de ses partenaires. C’était l’un des objectifs de la route commerciale reliant l’ouest de la Chine à l’Europe occidentale.
Attirer les usines de production chinoises
Pour l’heure, la main-d’œuvre est légèrement moins chère au Kazakhstan qu’en Chine, mais la productivité est nettement plus faible. Dès lors, l’implantation d’usines chinoises n’y est pas rentable, comme dans d’autres pays de la région comme le Bangladesh ou l’Indonésie.
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En revanche, si le Kazakhstan parvenait à former une main-d’œuvre très bon marché, les opportunités pourraient se développer. L’emplacement de ses usines importe peu à Pékin, du moment qu’elles produisent beaucoup et coûtent peu.
Des relations bilatérales ambivalentes
Pour les autorités kazakhes, ceci est une opportunité à saisir car, à l’exception de Pékin, la région ne compte aucun investisseur d’envergure. Les États-Unis et l’Europe ont investi dans les années 1990, quand des opportunités et des projets servaient leurs intérêts mais leur potentiel est désormais limité. Handicapée par les sanctions économiques, la Russie ne dispose pas de capitaux propres suffisants pour investir massivement. La voie vers la Chine apparaît donc toute tracée.
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Les relations du Kazakhstan avec la Chine sont néanmoins ambivalentes. Les relations entre États sont très étroites, le Kazakhstan ayant acquis le statut de partenaire stratégique de Pékin, mais les entreprises privées et les populations des deux pays ont très peu de contacts. La question des visas est particulièrement épineuse : les touristes et hommes d’affaires chinois éprouvent les pires difficultés à obtenir des visas kazakhs et doivent donc se tourner vers d’autres pays.
Youna Korosteliova
Journaliste pour Vlast.kz
Traduit du russe par Pierre-François Hubert
Édité par Guillaume Gérard
Relu par Anne Marvau
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