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Un sexe fort : quatre femmes racontent leur carrière inspirante en Ouzbékistan

Les femmes ouzbèkes sont peu nombreuses dans le monde des affaires. Mais par leur compétence, certaines accèdent à des postes à responsabilité où elles sont traitées sur un pied d’égalité avec les hommes. Des femmes cadres font part de leur carrière au sein de grandes entreprises ouzbèkes.

Rédigé par :

La rédaction 

Edité par : Claude Foucaud

Traduit par : Léna Marin

Spot

Femmes d'affaires Ouzbékistan
Maria Stroïeva, Dinara Abdijapparova, Elnara Azizova et Sofia Gaïnoutdinova. Photo : Ilya Semendeïev / Spot.

Les femmes ouzbèkes sont peu nombreuses dans le monde des affaires. Mais par leur compétence, certaines accèdent à des postes à responsabilité où elles sont traitées sur un pied d’égalité avec les hommes. Des femmes cadres font part de leur carrière au sein de grandes entreprises ouzbèkes.

Le média ouzbek Spot a décidé de mettre en lumière les carrières très concrètes de femmes occupant des postes à responsabilité en Ouzbékistan.

Il ne s’agit pas de parler de réussite ou d’échec, mais de montrer la vie quotidienne de femmes qui occupent des postes de direction, de découvrir comment les inégalités de genre ont influencé leurs carrières et quels sont leurs rêves.

Madina Rouzmatova, conseillère indépendante en relations publiques et cheffe d’entreprise, autrice de la rubrique « Le Prix de l’échec », enquête sur la place des femmes dans le milieu des affaires. Elle cherche à déterminer la véracité des stéréotypes selon lesquels les postes importants et prestigieux dans les entreprises d’Asie centrale sont exclusivement réservés aux hommes.

Les propos reportés ci-dessous sont ceux des quatre femmes qu’elle a interrogées.

Dinara Abdijaparova, directrice générale chez Uklon Uzbekistan

J’aime me lancer des défis. C’est pourquoi j’ai choisi les start-ups et l’IT (technologie de l’information, ndlr). Je ne divise pas les professions selon qu’elles sont pour les hommes ou pour les femmes. En général, j’ai un attrait pour les tâches difficiles.

J’ai participé à des olympiades en physique et en mathématiques durant ma scolarité, j’ai fait de la programmation à l’université et je travaille maintenant depuis 12 ans dans des start-ups spécialisées dans la logistique. J’étais très souvent l’unique femme dans la pièce, mais jamais celle dont l’opinion n’était pas prise en compte pour cette raison.

Je suis arrivée chez Uklon Uzbekistan en cherchant de nouveaux défis, en me demandant si j’étais capable de prendre des parts de marché au concurrent dominant. Dès les premières réunions, j’ai compris que nous avions les mêmes valeurs avec l’entreprise et leurs principes de travail m’ont plu.

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Au cours de ma carrière, une seule question véritablement sexiste m’a été posée. Une fois, quelque chose de drôle s’est produit lorsque j’étais dans un ministère. On m’a demandé si je savais préparer un bechbarmak (un plat kazakh, Dinara Abdijaparova est née et a grandi au Kazakhstan, ndlr) et ils ont été sous le choc lorsque j’ai dit que je ne savais pas cuisiner.

« J’ai l’impression de pouvoir tout faire »

Au poste de directrice générale, je n’ai jamais eu à faire à des discriminations parce que je suis une femme. Pour mes collègues, je suis avant tout une experte. Mais j’ai souvent été confrontée à des stéréotypes de genre avec des coursiers, des chauffeurs de taxi ou des opérateurs d’entrepôt. Cela semblait normal : pourquoi une femme devrait-elle montrer aux hommes ce qu’ils doivent faire ?

Le rêve représente 5 % de la réussite, l’action en représente 95 %. Fermer les yeux pour visualiser, planifier. Puis, après avoir esquissé un plan, il faut tâtonner, prendre de grands risques, travailler, se tromper et recommencer depuis le début, s’efforcer de réussir et cela en permanence. L’essentiel est de ne pas avoir peur d’entreprendre des tâches difficiles, de se fixer des objectifs ambitieux et d’obtenir des résultats.

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Je suis une femme très ambitieuse et j’ai toujours voulu avoir du succès. J’ai l’impression de pouvoir tout faire. Par exemple, depuis mon enfance, je rêvais de créer une décacorne (une start-up valant plus de 10 milliards de dollars, soit 9,2 milliards d’euros, ndlr) et d’être la première femme d’Asie centrale à entrer au NASDAQ (bourse américaine regroupant des entreprises du secteur technologique, ndlr). Ce rêve m’a menée à une carrière internationale de dirigeante d’entreprise et j’espère ouvrir la mienne un jour.

L’éducation et la mentalité sont deux raisons pour lesquelles les femmes sont si peu présentes dans les affaires en Asie centrale. En général, elles grandissent dans des familles où les hommes ont le rôle de chef pendant qu’elles doivent assurer celui de mère et d’épouse. C’est le scénario le plus courant. Qu’on le veuille ou non, nous reproduisons ce que nous voyons dans nos familles.

Réussir sa carrière et sa vie privée

Je pense que beaucoup de femmes ont peur de mieux réussir que les hommes autour d’elles parce que ce n’est pas accepté. Afin de changer cela, il faut montrer plus d’exemples de femmes qui ont réussi à la fois leur carrière, mais aussi leur vie de famille. Il est possible de réussir à faire les deux choses en même temps.

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Aujourd’hui, le bureau d’Uklon est à Tachkent et compte 40 personnes, dont quatre chefs de services qui me sont directement rattachés. Désormais, notre première priorité est la qualité du service et je discute souvent avec les chauffeurs, en premier lieu pour comprendre le fonctionnement de l’entreprise et sortir des rapports, des chiffres.

Il y a des conducteurs « nerveux » avec lesquels je me dispute, qui font jouer les contacts et appellent avec insistance. Souvent, ce sont des personnes que nous avons renvoyées pour fraude ou mauvais service.

Les chauffeurs de taxi sont des personnes aux profils variés. Je me souviens d’un chauffeur qui avait longtemps travaillé en Europe. Il parlait un anglais impeccable et je me suis demandée pourquoi il travaillait en tant que chauffeur. J’ai compris qu’il y avait non seulement des stéréotypes de genre mais aussi professionnels. Il y a aussi très peu de femmes qui conduisent des taxis.

Une éthique de travail

En tant que dirigeante d’entreprise, j’accorde beaucoup d’importance à l’amour du travail et à l’honnêteté. Je m’efforce de construire des relations de confiance avec mon équipe. Je suis sévère mais juste envers mes employés.

Je suis une excellente élève depuis l’enfance et j’ai du mal à accepter mes erreurs. Cela ne fait pas si longtemps que j’ai compris qu’il n’était pas possible d’obtenir des résultats sans de multiples erreurs. Mon expérience en physique et en mathématiques à l’école (en russe, l’école désigne à la fois la primaire, le collège et le lycée, ndlr) m’aide.

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Il n’est pas possible de comprendre une formule sans la résoudre plusieurs fois de manière incorrecte. C’est la même chose dans le monde des start-ups. Il faut se tromper plusieurs fois avant d’obtenir des résultats pertinents. Lorsque je suis face à un échec, j’écris pour moi ce que je peux en tirer et j’avance. Je voudrais conseiller aux jeunes filles qui rêvent d’une grande carrière d’agir et de ne pas avoir peur de se tromper car les erreurs vous rapprochent un peu plus du rêve.

J’admire ceux qui s’engagent dans l’entreprenariat social. Pour moi, cela relève des valeurs, de ce qu’il est important de donner dans la vie et pas seulement de prendre. Moi-même, après avoir vécu plusieurs années à Tachkent, j’aimerais faire quelque chose d’utile pour la société.

Mettre en place des taxis pour handicapés

J’aimerais mettre en place des taxis pour personnes handicapées car j’ai remarqué que c’était un problème. Ceci est d’autant plus important pour moi que mon père est handicapé. À chaque fois qu’il vient ici, nous sommes confrontés à des difficultés au moment où il faut réserver un taxi.

Uklon Ouzbékistan
L’équipe d’Uklon Uzbekistan. Photo : Spot.

Voici à quoi ressemblent mes projets pour l’année : lancer un service de taxis d’entreprise, des livraisons B2B (d’entreprise à entreprise, ndlr), multiplier les parts de marché d’Uklon, visiter 15 nouveaux pays et lire 56 livres. J’aime voyager et j’aimerais aussi consacrer plus de temps à ma famille.

Je connais des dirigeants d’entreprises à Tachkent qui gagnent jusqu’à 25 000 dollars (23 000 euros) par mois. La seule question est de savoir quelle est la taille de l’entreprise, quels sont les problèmes que vous tentez de résoudre pour elle, à combien vous vous estimez et ce que vous pouvez vendre. Lorsque vous êtes un bon élément, que vous tentez de résoudre les problèmes de l’entreprise, les sociétés peuvent et sont prêtes à payer davantage.

Elnara Azizova, directrice marketing pour la banque Ipak Yo’li

Mon parcours dans la banque Ipak Yo’li a commencé avec un des domaines les plus difficiles : les prêts aux entreprises. Dans celui-ci, il y a toujours eu peu de femmes. J’ai eu de très grandes responsabilités, nous avions des projets qui s’élevaient à des dizaines de millions de dollars, nous allions souvent dans des grandes usines, des entreprises d’État.

Dans ce genre de professions, la valeur de l’employé équivaut aux résultats qu’il produit. Je n’ai jamais ressenti de discrimination directe. Je pense que c’est dû au fait que nous étions un département très compétent et que nous donnions les résultats espérés par la banque.

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Les stéréotypes de genre sont arrivés un peu plus tard dans ma carrière, à savoir quand je suis devenue manager. Ne pas attendre de complaisance simplement parce que je suis une femme m’a toujours aidée. Pour moi, ce qui importe, c’est le résultat. Je suis prête à travailler et à prendre des responsabilités sur un pied d’égalité avec des dirigeants d’entreprises masculins.

Une vocation depuis l’enfance

J’ai pleuré lorsque j’ai été déplacée au département du marketing. Au début, lorsque l’on m’a proposé de changer de bureau, je n’avais pas compris que cela allait être quelque chose de radicalement nouveau et que je me lançais un grand défi.

N’étant pas spécialiste en marketing, avant j’utilisais intuitivement des techniques de ce domaine. Mais quand je suis arrivée au marketing j’ai eu l’impression de tout recommencer à zéro. Cela a été compliqué et douloureux. Si quelqu’un à l’époque m’avait dit que je qualifierai plus tard le marketing de « travail de rêve », je ne l’aurais pas cru.

Depuis mon enfance, j’ai toujours dit que je deviendrai cheffe d’entreprise. Mon premier travail a été dans la cour de ma maison. Mon père tenait un magasin et je lui avais demandé de rapporter des bonbons. Je les disposais sur une table et les vendais à mes amis. Par la suite, je leur avais permis de disposer d’autres tables autour et je dirigeais ce petit réseau qui vendait tout ce que les enfants adorent : chewing-gums, bonbons, chocolats, épis de maïs sucrés.

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En Ouzbékistan, les femmes ont peur de s’engager dans les affaires car elles ne sont pas soutenues par leurs familles. Sans ce soutien fondamental, il est impossible d’avoir confiance en son projet.

« J’ai de grandes attentes envers moi-même »

Il arrive parfois d’avoir la peur de ne pas pouvoir tout combiner et gérer en même temps ses responsabilités à la fois en tant qu’employée, manager, mais aussi en tant qu’épouse et mère. C’est une tâche difficile, mais c’est bien qu’il y ait plus d’exemples pour montrer que c’est possible. Pour moi, tout a commencé par le soutien que j’avais à la maison.

Bien que j’ai beaucoup d’empathie, que je paraisse douce et gentille, je suis une manager exigeante. J’ai de grandes attentes envers moi-même. C’est pourquoi je suis toujours focalisée sur le résultat.

Banque Ipak Yo'li
Des employées de la banque Ipak Yo’li. Photo : Spot.

Dans l’ensemble, je vois en pratique que le plus important n’est pas le sexe d’un tel, ni la couleur rose ou bleue du costume d’un autre, mais d’aller directement vers l’objectif visé avec détermination.

Nous devons relever le défi de devenir le leader en matière de service à la clientèle, mais mon équipe et moi-même aimons gravir des montagnes hautes et escarpées. Aujourd’hui, nous nous préparons à introduire de nouveaux produits numériques. Nous avons également pour objectif de créer la meilleure application mobile bancaire, dans le même temps d’augmenter le nombre d’utilisateurs et de couvrir des régions dans lesquelles nous ne sommes pas encore présents.

Des exemples à suivre

Je suis impressionnée par les personnes qui font non seulement beaucoup pour leur entreprise, mais qui développent aussi des marchés entiers. Par exemple, Zafar Khachimov, le créateur de la chaîne de supermarchés Korzinka, est avant tout un industriel, mais aussi la personne qui a fait le plus de choses dans le commerce de détail en Ouzbékistan.

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Je suis des femmes issues de grandes entreprises afin de m’inspirer de leurs histoires. L’une d’entre elles est Yasemin Bedir, présidente de la division Europe de l’Est de Mastercard. Elle a travaillé dans une banque en tant que simple manager, puis dans le commerce de détail et aussi dans le marketing. Aujourd’hui, elle est à la tête d’une région importante et d’un département d’une entreprise mondialement connue.

Apprendre de ses erreurs

Je déteste l’échec et le supporte très mal. En 13 ans de carrière dans la banque, j’ai travaillé de différentes manières, allant de grandes victoires à des luttes difficiles, et notamment avec moi-même. J’ai tout appris par la pratique et de mes erreurs. Dans l’échec, il est important de ne pas baisser les bras.

Auparavant, la peur de rater m’empêchait de me lancer dans quelque chose de nouveau. Je voudrais conseiller aux jeunes filles de ne pas avoir peur de faire le premier pas, même si c’est le plus difficile. Par la suite, les choses sont plus faciles, même au cours des échecs.

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Je ne pense pas qu’il y ait de discriminations salariales explicites. Dans le secteur financier, les femmes managers peuvent gagner jusqu’à 30 millions de soums (2 190 euros). Je connais des cadres du secteur qui sont payés autant que les présidents et les vice-présidents de la fintech (sociétés utilisant la technologie pour innover dans la finance, ndlr) internationale. C’est très stimulant et inspirant.

Maria Stroïeva, directrice marketing pour la chaîne de magasins MCosmetic

Je suis convaincue que ma profession est assez commune et accessible à tout être humain. C’est juste qu’avant il n’y avait pas le concept de « penser plus large ». C’est la mode aujourd’hui de penser « hors des sentiers battus ».

Le marché a évolué, la demande de jeunes cadres qualifiés a augmenté. Seulement, à l’échelle locale, l’éducation était faite à partir de normes que tout le monde comprenait, expliquant qu’une fille devait choisir une profession pour femme qui se combinait à une vie de famille. Il était plus facile de s’intégrer ainsi.

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Seules certaines femmes qui se trouvaient dans d’autres dispositions avaient le courage non seulement de rêver, mais aussi d’agir et dépassaient ces normes. En fait, en général, il n’y a pas de normes, juste des limites dans nos têtes.

J’ai rencontré des personnes différentes sur ma route et, bien sûr, il y a des opinions divergentes sur les femmes et la gestion d’entreprise. Et peu importe à quel point vous voulez penser du bien de ces personnes ou les comparer à vous-même, quelque chose se brise. Selon moi, il y a une règle qui fonctionne bien : ne pas s’abaisser à leur niveau et toujours porter ses idées et sa culture. Pour moi, nous sommes tous égaux et je ne me distingue pas d’après des critères genrés.

Faire un travail d’introspection

Je n’ai jamais rencontré de difficultés au travail. Certes, parfois il peut être difficile de gérer ses émotions. Mais le travail en lui-même m’apporte satisfaction et inspiration. Si le système en lui-même ne plaît pas, si on éprouve des difficultés, alors il faut se retirer du projet, quitter l’entreprise.

Si l’on s’assoit simplement sur sa chaise en disant : « je veux », rien ne se passe. En tant que spécialiste marketing, je suis très favorable à une analyse détaillée et il est nécessaire de se poser des questions honnêtes comme : « Qui suis-je ? Qu’est-ce qui fait ma force ? » Identifier son point fort aide beaucoup.

Au poste de dirigeant, ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont fait un travail d’introspection. Il est très irritant pour les filles de devoir prouver qu’elles font partie des plus forts. C’est pourquoi je me suis imposée une règle stricte, celle de l’action. Rêver est insuffisant. Mais je pense que pour chaque top-manager, il est important de ne pas s’enfermer dans sa zone de confort et de toujours s’efforcer d’apprendre de nouvelles choses, notamment auprès de son équipe.

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En Ouzbékistan, et plus largement en Asie centrale, subsiste un code culturel qui s’applique à toutes les femmes, c’est pourquoi nous sommes si peu dans le milieu des affaires. Les femmes asiatiques, toutes nationalités confondues, vivent dans une organisation sociale historiquement patriarcale. Ce n’est ni bien ni mal, c’est notre histoire.

Un changement en marche

Il nous est difficile, déjà pour nous-mêmes, de reconnaître que nous savons faire beaucoup de choses seules et qu’il n’y a pas besoin d’avoir peur. Il y a beaucoup de doutes, de stéréotypes, de pression extérieure. Mais je constate un changement positif ces cinq dernières années. Aujourd’hui, l’éducation est devenue à la mode, les langues et les opportunités de carrière sont désormais beaucoup plus nombreuses. Il est important de donner le bon exemple.

Je n’ai pas peur des échecs, ni des difficultés. Je m’ennuie rapidement quand je ne me lance aucun défi. J’ai choisi MCosmetic parce que les entretiens y étaient plus difficiles. L’entreprise choisissait méticuleusement le conseil d’administration en plusieurs étapes.

MCosmetic marketing
Des employés de MCosmetic. Photo : Spot.

Bien évidemment, dans le processus, il arrive qu’il y ait des crises, des erreurs, que quelque chose ne colle pas. Récemment, lorsque je travaillais dans les télécommunications, un échec assez important est survenu et mes connaissances en gestion de crise m’ont beaucoup servi. C’est une des premières choses que j’ai apprises, j’ai été formée pour cela. L’analyse est très utile car à force d’analyser le résultat et son processus, on peut anticiper des crises.

L’ambition d’occuper une grande part du marché

Je suis une manager assez sévère, et ce n’est pas que moi qui le dis. Mais sans cela je n’aurais pas pu avoir cette carrière. J’ai sous ma responsabilité cinq secteurs qui constituent une équipe de 20 personnes en marketing.

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Je n’irais certainement pas travailler pour une entreprise qui n’a pas l’ambition d’occuper une grande part du marché. Nous avons beaucoup de projets cette année : nous souhaitons développer l’ensemble du secteur, nous nous voyons comme plus qu’un simple réseau de magasins.

Avec mon équipe, nous avons ouvert en un an seulement un nombre record de magasins, présenté à l’Ouzbékistan des centaines de produits qui n’étaient pas disponibles ici auparavant et même lancé notre propre production de chaussettes de haute qualité faites à partir de coton local.

Je ne ressens pas de discrimination en ce qui concerne le salaire dans les entreprises internationales. Chaque poste correspond à un salaire qui dépend des compétences et des responsabilités attribuées. Le salaire moyen des dirigeants dans les grandes sociétés commence à 60 millions de soums (4 375 euros) et je sais que les plus élevés peuvent dépasser 100 millions de soums (7 300 euros).

Sofia Gaïnoutdinova, directrice des ressources humaines chez Beeline Uzbekistan

J’ai une profession de « femme », comme on dit en Ouzbékistan. Dans les ressources humaines, comme dans le jazz, il y a surtout des femmes (référence au film américain Certains l’aiment chaud avec Marilyn Monroe dont le titre russe est Il n’y a que des femmes dans le jazz, ndlr). Mais les divisions effectuées selon des critères genrés sont toujours liées aux traditions parce que dans la plupart des professions, femmes et hommes peuvent travailler à succès égal.

Il est difficile de le croire mais la discrimination et les stéréotypes de genre existent aussi pour les hommes. Par exemple, il y a cette opinion courante qui dit que dans notre secteur, les hommes ont plus de difficultés car ils manquent d’empathie. Je suis convaincue que c’est absolument faux.

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Si vous aimez créer un environnement propice au développement, mettre en place des programmes de motivation effectifs, construire un écosystème avec tous les employés d’une entreprise, alors cela n’a aucune importance que vous soyez un homme ou une femme.

Je pense qu’une femme sur deux qui occupe un poste de direction a été confrontée à des stéréotypes de genre, et j’en fais partie. Par expérience, je sais que quand tu es professionnelle, que tu tentes toujours d’apprendre davantage et que tu as du succès, alors l’appartenance à un genre n’a aucune importance. Ceci m’a toujours aidée à chaque étape de ma carrière.

Certaines ambitions deviennent des priorités

Toutes les femmes n’ont pas forcément l’envie de devenir manager, mais toutes peuvent le devenir si elles le souhaitent. Il faut toujours être honnête avec soi-même. Par exemple, se demander pourquoi cela nous est nécessaire. Est-ce vraiment important pour soi d’obtenir un tel résultat, qu’est-ce que l’on fera après ?

Ensuite, il faut toujours améliorer ses compétences en matière de management parce qu’il est possible d’obtenir ce poste, mais l’occuper de manière constructive n’est pas évident. Je n’avais pas ce rêve-là.

Enfant, je souhaitais devenir astronaute. Simplement, à un moment donné dans la vie, certaines ambitions sont devenues des priorités. Cela n’a pas été facile de montrer des résultats pertinents, de montrer que je pouvais réussir et que mon équipe était compétente. Mais j’ai réussi.

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En Ouzbékistan persiste le stéréotype selon lequel si une femme s’épanouit dans sa vie professionnelle, alors elle ne peut pas en faire autant dans sa famille. Je suis heureuse de voir qu’aujourd’hui de plus en plus de femmes n’hésitent plus à briser ce stéréotype en traçant leur propre chemin. Mais je pense qu’il n’y a pas encore assez de femmes dans le milieu des affaires parce que ce stéréotype pèse encore sur elles.

Des postes ouverts à tous et toutes

Premièrement, si j’échoue, j’en prends la responsabilité. Je pense à la solution pour surmonter le problème et j’analyse, j’essaie de voir ce qu’il est possible de faire pour obtenir 100 % de résultat positif. Il n’y a pas longtemps, après une erreur importante lors de la préparation d’un grand projet, j’ai compris que je n’avais pas peur de tout recommencer à zéro, d’essayer d’obtenir ce que je n’ai pas eu après plusieurs essais.

Beeline Uzbekistan
Un événement auquel participe l’équipe de Beeline Uzbekistan. Photo : Spot.

Émotionnellement, cela peut être difficile. J’essaie de me concentrer sur la prochaine tentative, je pense aux personnes qui m’ont donné leur confiance pour trouver la solution au problème.

Chez Beeline, personne n’est choisi selon des critères genrés. D’ailleurs, chez nous, des femmes travaillent à des postes à responsabilité dans le domaine technique et en IT. J’aimerais beaucoup en voir plus dans ces professions. Au niveau du siège, nous sommes également ouverts à tout candidat, homme ou femme, pour le poste de président-directeur général.

Pas de discriminations de paie

Je suis une manager objective et juste mais peut-être dure. Il m’était toujours important d’être à un poste de meneuse. Aujourd’hui, je dirige une équipe de 65 employés, avec six cadres intermédiaires qui me rendent directement compte.

Cette année, nous avons un plan grandiose, celui de déménager notre équipe dans des locaux qui s’étendent sur 22 étages. Nous avons comme défi l’organisation d’un nouvel espace de travail confortable et agréable pour travailler, étudier et mener des activités créatives. Nous avons des indicateurs solides concernant la loyauté de notre personnel et nous systématisons, numérisons activement les projets dans notre département afin de rester concentrés et de ne pas perdre de terrain.

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Je sais précisément que dans le domaine des télécommunications, les discriminations concernant la paie sont impossibles. Toutes les compagnies utilisent des systèmes métriques. Chaque poste a un poids et un coût qui ne changent pas selon que l’on soit un homme ou une femme.

Aujourd’hui, la concurrence s’est endurcie pour les postes à haute responsabilité et il est devenu plus facile de recruter des spécialistes étrangers en Ouzbékistan. Grâce à cette tendance, il est agréable de voir que la qualité des candidats locaux est meilleure. En moyenne, dans le secteur des ressources humaines, le salaire d’un manager commence à 40 millions de soums (2 915 euros) nets d’impôts. Il n’y a pas de plafond de verre, selon la taille de l’entreprise, il est possible de gagner plus de 100 millions de soums (7 300 euros).

Madina Rouzmatova
Journaliste pour Spot

Traduit du russe par Léna Marin

Édité par Claude Foucaud

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