L’exposition, prévue en 2021, devrait s’intituler « Carrefour de la route de la Soie ». Elle vise à replacer l’importance de l’Ouzbékistan dans les développements et les rencontres des cultures iranienne, indienne, chinoise et nomade. Yannick Linz, directrice du département islamique du Louvre, décrit plus précisément cet évènement.
Novastan reprend et traduit un article initialement publié dans le magazine papier Le Bulletin économique d’Ouzbékistan dans son numéro spécial sur les relations franco-ouzbèkes daté de septembre 2019.
En 2021, un évènement important est attendu dans l’histoire des relations culturelles entre l’Ouzbékistan et la France. Pour la première fois, des chefs-d’œuvre d’art et des objets rares de l’Ouzbékistan seront exposés au musée du Louvre, à Paris.
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L’objectif : montrer aux visiteurs français mais également au monde entier le grand patrimoine de la route de la Soie. Le Bulletin économique d’Ouzbékistan a interviewé la directrice du département islamique du Louvre, Yannick Linz. Elle dévoile certaines pièces majeures qui viendront au Louvre en 2021 ainsi que les développements de cet évènement de la rentrée culturelle parisienne à venir.
Bulletin économique d’Ouzbékistan : D’où vient l’idée d’organiser l’exposition « Civilisations et culture sur la grande route de la Soie » au Louvre en 2021 ?
Yannick Linz : La première idée à ce sujet est apparue en 2009, lorsque nous avons effectué des fouilles archéologiques à Boukhara. Elle a été formulée concrètement lorsque je dirigeais le département de la culture islamique et que j’avais de réels pouvoirs et possibilités pour la concrétiser. Je voulais vraiment montrer les résultats de nos recherches, car ils présentent un grand intérêt pour l’étude et l’histoire des civilisations anciennes, dont nous avons découvert les artefacts lors de ces fouilles.
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J’ai présenté le projet au président du Louvre, Jean-Luc Martinez qui, après l’avoir approuvé, a proposé de créer un résumé de sa justification et de sa mise en œuvre, ce qui a été une excellente occasion de se rendre en Ouzbékistan pour la première fois en 2015 avec pour mission de visiter les principaux musées du pays. Cependant, il y en a tellement que j’ai dû y retourner en 2016 pour étudier les expositions d’autres musées, à Chakhrisabz, à Samarcande et dans d’autres villes. Au même moment, ma collaboration avec l’archéologue Rocco Rante a permis de commencer à rapproché le musée et les œuvres d’art archéologiques. Fin 2017, après un travail minutieux avec les fonds d’œuvres, nous avons enfin eu une idée générale de ce que pourrait être l’exposition au Louvre. Mais le problème du partenariat subsistait ; avec qui il serait possible d’organiser une étude commune efficace de tous les détails et nuances de la prochaine exposition.
En 2018, Madame Gayane Umerova nous a porté chance dans cette affaire. Grâce à elle nous avons entendu parler du nouveau Fonds pour le développement de la culture et de l’art en Ouzbékistan. C’était une information fantastique pour nous car cela nous disait : « Si vous organisez une telle exposition, nous serons votre partenaire. » Cela a fait passer notre projet au stade actif de sa mise en œuvre, en devenant également le début d’une nouvelle étape de la coopération entre la France et l’Ouzbékistan dans le cadre d’activités de publicité et d’exposition destinées à populariser le patrimoine ancien de la grande route de la Soie.
Parlez-nous du caractère unique et de la signification de la prochaine exposition. Certains experts et les historiens de l’art la considèrent déjà comme un évènement important dans l’histoire des activités d’exposition d’art et d’histoire en Ouzbékistan. Est-ce justifié ?
Le nom actuel de l’exposition, qui n’est pas définitif, est « Carrefour de la route de la Soie ». C’est toujours un titre de travail qui confirme l’idée principale, à savoir présenter d’une part, le patrimoine culturel de l’Ouzbékistan qui a été pendant plusieurs siècles un carrefour important de nombreuses civilisations anciennes – iraniennes, indiennes, chinoises -, et d’autre part la culture distinctive des tribus nomades locales et d’autres qui se sont développées et ont prospéré grâce à cette grande route commerciale. Il est très important pour nous, au Louvre, de montrer l’héritage historique et le rôle de l’Ouzbékistan dans ce processus, car nous travaillons dans le département des arts islamiques.
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Les visiteurs des musées, lorsqu’ils viennent voir les expositions de notre département, pensent toujours que la culture islamique est avant tout une civilisation arabe ou méditerranéenne. Par conséquent, l’exposition, qui se tient pour la première fois au Louvre, a pour but de réfuter les stéréotypes les plus répandus de concepts unilatéraux sur la culture de l’Orient et de montrer la richesse et la diversité de ses traditions. Pour la première fois dans l’histoire des relations franco-ouzbèkes, l’exposition du Louvre montrera à des millions de visiteurs l’importance historique du territoire de l’Ouzbékistan en tant que centre des civilisations de l’Antiquité au monde moderne, au carrefour de la route de la Soie entre la Chine, l’Inde et l’Iran. Ainsi, la démonstration de cet héritage du passé est très importante non seulement pour nous du point de vue culturel et historique, mais également pour le monde entier, car elle aidera à comprendre la fragilité de l’univers dans lequel nous coexistons et nous nous développons depuis l’Antiquité. A cette époque, la route de la Soie était la principale artère circulatoire. On pense que cet évènement contribuera non seulement à la restauration de l’ancienne voie commerciale, mais également à la paix et à la compréhension mutuelle entre les États et les peuples.
Dites-nous comment se déroule le processus de préparation de l’exposition. Quelles en sont les étapes ?
La préparation d’une exposition de cette envergure est un processus long et complexe. La première étape importante pour nous a été un accord formel entre le Fonds ouzbek pour le développement de la culture et de l’art et le musée du Louvre lors de la visite officielle du président ouzbek à Paris (en octobre 2018, ndlr). La deuxième étape, que nous avons débutée il y a deux ans et que nous prévoyons de terminer d’ici la fin de cette année, consiste en la compilation d’une liste d’expositions, car toute activité d’exposition comprend non seulement un design, mais également une description des objets exposés. Autrement dit, sans synopsis et liste d’objets de démonstration, il ne peut y avoir d’exposition.
Pour étudier les œuvres de culture et d’art, les découvertes historiques et archéologiques de la période de développement de la route de la Soie, afin de sélectionner les objets les plus significatifs qui révèlent de manière optimale l’essence et le thème de l’exposition, nous avons dû visiter non seulement tous les musées d’Ouzbékistan, mais également les réserves de collections et de galeries, ainsi que des collections ouzbèkes en dehors de l’Ouzbékistan, principalement en Russie. Pourquoi est-ce si important ? Parce qu’avec l’aide de cette liste, nous pouvons commencer une estimation budgétaire. À la fin de cette année, ayant en main une liste claire de pièces, nous prévoyons de terminer les travaux sur le devis. Pour nous, le budget de démonstration et d’exposition comprend principalement les coûts de transport et d’assurance, la publication d’un catalogue, la publicité, l’utilisation des moyens de communication et autres. Dès que nous aurons constitué et complété l’inventaire des articles, nous pourrons calculer le budget. Ceci est très important pour les deux parties, à la fois pour le Louvre et pour le Fonds ouzbek pour le développement de la culture et de l’art.
Combien d’objets y aura-t-il et de quels musées proviendront-ils ?
A ce jour, la liste comprend 350 objets exposés. Il s’agit du nombre total d’œuvres de musées en Ouzbékistan et au-delà (en Russie, en Angleterre et dans d’autres pays). La partie ouzbèke de cette liste contient environ 250 pièces fournies par le Musée national des beaux-arts et le Musée national d’histoire de Tachkent, l’Institut des beaux-arts, le Musée d’État de Samarcande, le Musée Afrosiab, l’Institut d’archéologie de Samarcande, les musées Chakhrisabz et Boukhara, ainsi que le musée Noukous.
Y aura-t-il des objets uniques dans la liste qui n’ont jamais quitté le territoire de l’Ouzbékistan ?
Oui, et le plus important sera la présentation des peintures murales représentant la scène de la réception de l’ambassadeur d’Afrosiab à Samarcande. C’est le travail de Frantz Grenet, un des principaux spécialistes français de l’archéologie centrasiatique. Il y aura également des fragments de fresques du palais Varakhshi à Tachkent, des anciennes colonies de Dalverzin-Tépé, du Coran de Katta Langar et d’autres chefs-d’œuvre qui n’ont pas d’analogues dans le monde.
Quelle est la valeur de cette exposition du point de vue de la recherche ?
Non seulement du point de vue de la recherche, mais à tous points de vue, il s’agit d’un projet unique, dont l’importance est si grande qu’elle est difficile à évaluer. Nous avons un comité scientifique international, qui comprend des collègues ouzbeks de l’Académie des sciences (les docteurs en sciences Pidaev, Ilyasov), des experts russes des plus grands musées de Moscou et de Saint-Pétersbourg (dont l’Hermitage) et Frantz Grenet, archéologue français, spécialiste de l’histoire de l’Asie centrale.
Ainsi, le professionnalisme de la composition du comité scientifique et le haut niveau de coopération assureront à cet évènement une place digne dans le développement des relations franco-ouzbèkes, tant du point de vue de la recherche que de celui de la culture et de l’histoire.
Comment la sécurité et l’intégrité des objets exposés seront-elles assurées ?
Il y a différentes étapes dans ce processus. En septembre dernier, je suis venue en Ouzbékistan avec cinq spécialistes de la conservation et de la restauration d’objets d’art et de culture. A notre demande, ils ont effectué certains travaux pour étudier et vérifier l’état de tous les objets principaux de la future exposition (peintures, peintures murales et murales, objets rares et autres chefs-d’oeuvre d’art) et ont rédigé un rapport, dans lequel ils proposent des mesures afin de mieux préserver les objets, de les soumettre à des processus de conservation avant leur transport à Paris.
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Nous avons partagé avec le Fonds ouzbek pour le développement de la culture et de l’art les rapports présentés, avec nos propositions, auxquelles nos partenaires ouzbeks ont d’ores et déjà souscrit. Actuellement, des activités de restauration et de conservation sont menées conjointement avec le Fonds. Ainsi, avant le transport des objets exposés et avant le début de l’exposition, les artefacts feront l’objet d’un processus de restauration à la pointe de la technologie. (…)
Pensez-vous que cette exposition permettra à l’Ouzbékistan d’être plus visible et d’attirer plus de touristes ?
Lorsque nous lancerons l’exposition, des millions de visiteurs la verront. Le volume annuel habituel de visiteurs au Louvre est de 12 millions de personnes. L’exposition durera deux à trois mois, ce qui signifie qu’elle sera visitée par environ 3 millions de personnes en moyenne. Mais même sans présence visible, un nombre considérable de personnes en seront informées malgré tout, car il y aura une campagne publicitaire internationale à la télévision, à la radio, sur internet et sur tous les médias possibles.
Cela fera beaucoup de publicité pour cet évènement où il sera toujours mentionné qu’il est organisé avec le Fonds ouzbek pour le développement de la culture et de l’art. Ainsi, ceux qui ne peuvent pas assister à l’exposition pourront la voir à la télévision, en entendre parler à la radio, lire à son sujet dans les journaux et les magazines, non seulement en France, mais également partout dans le monde. Je pense que ce sera une publicité fantastique pour le tourisme en Ouzbékistan.
Propos recueillis par Ekonomicheski Vestnik Uzbekistana, numéro 3-4/2019
Traduit du russe par la rédaction avec l’accord du Bulletin économique d’Ouzbékistan
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