La question des violences sexistes reste jusqu’à présent un gros problème pour le Tadjikistan, en dépit des lois et mesures prises par le gouvernement. Sont-elles assez efficaces ou faut-il les durcir ?
Selon le Bureau des droits de l’Homme et de l’État de droit, entre 50 et 80 % des femmes et des enfants subissent des violences au Tadjikistan. Selon l’ONU, un tiers des femmes au Tadjikistan a subi des violences de la part de son mari et des membres de sa famille, mais peu d’entre elles appellent à l’aide.
Les violences sexistes se sont profondément implantées dans les structures sociales et culturelles, ainsi que dans les normes et valeurs qui dirigent la société, et sont souvent accompagnées d’une culture de déni et d’invisibilisation.
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L’influence des stéréotypes et des rôles de genre
Les rôles de genre traditionnels demandent des femmes tadjikes qu’elles soient soumises, qu’elles tolèrent la violence et qu’elles corrigent leur comportement pour éviter le jugement de l’entourage et les conflits au sein de la famille.
Dans beaucoup de familles tadjikes, les jeunes femmes n’ont pas le droit d’exprimer leur opinion et de s’opposer aux hommes. Toute action susceptible d’entraîner la colère de l’homme ou de le contrarier peut être accompagnée de lourdes conséquences physiques et économiques ou de violence psychologique.
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De plus, l’accès des femmes à l’éducation dépend aussi des hommes. D’après le rapport national sur la mise en place de la Convention sur l’élimination des discriminations faites aux femmes, les facteurs clefs empêchant l’arrivée à l’égalité des genres au Tadjikistan sont le manque d’opportunités égales et les problèmes d’accès à l’éducation que rencontrent les filles. Ainsi, le faible accès des femmes à l’éducation mène à une augmentation du nombre de mariages précoces.
Selon les données de l’ONU, au Tadjikistan, une femme sur cinq est victime de violences domestiques venant du mari, de la belle-mère ou d’autres membres de la famille. Seulement une femme sur dix demande de l’aide. De plus, beaucoup de femmes n’ont aucun droit de propriété et dépendent économiquement de leurs partenaires, ce qui les oblige à ne pas mettre fin au mariage, même en cas de violence.
Les mesures de prévention contre les violences sexistes
Au Tadjikistan, les violences domestiques ne sont toujours pas une infraction pénale à part. En 2013, le gouvernement a adopté une loi sur « la prévention de la violence dans la famille » qui permet aux victimes de signaler les actes de violence qu’elles ont subi aux forces de l’ordre, bien que ces dernières ne soient pas obligées d’ouvrir une enquête.
Au lieu d’enquêter sur les actes de violence familiale et de poursuivre les coupables, il est souvent recommandé aux victimes de se réconcilier avec leur agresseur. Cependant, selon cette loi, les autorités compétentes peuvent produire une ordonnance de protection contre les auteurs de violences au sein de la famille.
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Cette interdiction peut inclure l’interdiction de toute forme de surveillance, de visite, de négociations et d’autres types de relations qui restreignent les droits et libertés de la victime. Le non-respect des conditions posées par cette interdiction n’entraine pas seulement une amende mais également une arrestation pouvant aller de cinq à 15 jours.
Conformément à l’article 93.1 du Code des infractions administratives de la République du Tadjikistan, la violence au sein de la famille est passible d’une amende de 120 à 200 somonis (10,4 à 17,3 euros). Les victimes peuvent également intenter une action en vertu du code pénal, mais elles ont la charge de prouver qu’elles ont été victimes d’un « préjudice corporel intentionnel ».
Privilégier « la réconciliation »
Dans la pratique, cela signifie que la police exige souvent que les victimes présentent des rapports médicaux attestant de leurs blessures avant même que les agents ne commencent à enquêter, même lorsque des signes de violence sont clairement visibles.
Le 19 juillet 2022, le gouvernement a adopté une loi « sur l’égalité et l’élimination de toutes les formes de discrimination ». En vertu de l’article 4, toute personne au Tadjikistan est égale devant la loi et devant les tribunaux et a droit à une protection effective contre toutes les formes de discrimination.
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Toute personne ou groupe de personnes qui estime avoir fait l’objet d’une discrimination a le droit de saisir les tribunaux et d’autres institutions pour faire valoir ses droits. Néanmoins, les victimes de violences familiales sont souvent privées de soutien et de recours en raison de l’absence d’un cadre juridique interne couvrant tous les aspects de ce problème.
Souvent, la réconciliation et le maintien de l’unité familiale sont une priorité pour les proches et pour les représentants des autorités, y compris la police. La médiation visant à réconcilier les victimes avec leurs agresseurs est envisagée et même promue comme une solution alternative aux poursuites judiciaires et à la protection effective des victimes.
Nodira Satyvaldieva
Journaliste pour Asia-Plus
Traduit du russe par Mathilde Garnier
Edité par Judith Robert
Relu par Léna Marin
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