Les femmes ne sont pas assez représentées dans le secteur des finances du Tadjikistan. Cela s’explique notamment par le regard conservateur de la société et par une éducation limitée. Les mécanismes du marché du travail existants ne fonctionnent pas correctement, ce qui créé des barrières dans le développement professionnel des femmes.
Malgré les tendances mondiales, les femmes ont toujours du mal à faire carrière dans le secteur financier du Tadjikistan. Pourtant, un certain nombre de recherches ont montré que les femmes cadres ne sont pas moins efficaces que les hommes. D’après la recherche 360-degree reviews, les femmes dépassent les hommes dans 17 domaines sur 19 en termes de qualités qui distinguent les meilleurs leaders.
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Les statistiques sur la quantité de femmes dans le secteur financier n’existent pas. Néanmoins, en 2021, d’après l’Association nationale des femmes travailleuses du Tadjikistan, les femmes n’occupaient que 21,2 % des places parmi les entrepreneurs, 19,9 % parmi les personnes morales, 12,1 % parmi les figures juridiques et 22,1 % parmi les propriétés fermières. Parmi la population du Tadjikistan de 16 ans et plus, seulement 1,6 % des femmes occupent une activité d’entrepreneur, contre 5,8 % pour les hommes.
Les femmes du Tadjikistan sont sous-représentées dans le domaine de la finance
Le secteur de la banque joue un rôle considérable dans l’économie du pays. Malheureusement, au Tadjikistan, seulement quelques femmes se trouvent à des postes de responsabilité dans les banques. Il existe des données statistiques sur la quantité de femmes occupant des postes de responsables dans les organismes financiers sur le site de la Banque nationale du Tadjikistan. Une analyse personnelle des données des ressources publiques montre que seules deux des 17 banques du Tadjikistan sont dirigées par des femmes. De plus, les conseils d’observation ne comptent des femmes que dans cinq banques.
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Les employeurs sont prêts à donner du travail à des candidates et ils voient les femmes comme d’éventuelles salariées. Néanmoins, les femmes qualifiées, celles qui possèdent l’éducation nécessaire et les compétences appropriées, sont pour le moment en nombre insuffisant. Par conséquent, les employeurs sont obligés de recruter des hommes.
Les raisons de ce manque de cadres parmi les femmes sont nombreuses. Les principales sont le manque d’études supérieurs, le manque d’éducation financière, et une vision conservatrice du rôle des femmes qui ne leur permet pas de construire leurs carrières.
Quelques données en Asie centrale
Dans le classement de l’Index global de l’écart des genres 2022, le Tadjikistan occupe la 144ème place. Sa note est de 0,663 sur 1.
En Asie centrale, le classement montre que le progrès commun est de 69,1 %, ce qui reste inchangé par rapport à l’année 2021. A cette vitesse, il faudra 151 années pour réduire l’écart. En 2022, l’Asie centrale était classée quatrième parmi huit régions, soit après l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Amérique latine et les Caraïbes.
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L’Asie centrale se trouve presque au niveau de l’égalité des genres en ce qui concerne l’éducation. Cependant, par rapport aux autres pays d’Asie centrale, l’indice est moins bon au Tadjikistan pour l’admission dans les établissements d’études secondaires et supérieures.
La disparition de l’écart entre les genres dans le secteur financier du pays et l’assurance d’un accès égal pour les femmes apportera un avantage économique significatif. De plus, la diminution de l’écart entre les genres permettra de fortifier le système bancaire et d’apporter une hausse économique. Les statistiques confirment que les emprunteuses couvrent leurs crédits mieux que les hommes. Au Tadjikistan, seulement 20 % des emprunteurs sont des femmes.
Les avantages du travail des femmes
Pour le gouvernement, il est avantageux que les femmes fassent carrière. Dans les familles où les deux conjoints travaillent, les revenus augmentent et ils paient plus d’impôts. Grâce à l’introduction des femmes sur le marché du travail en Europe du Sud et en Asie centrale, le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 23 % dans la région.
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Les femmes qui voulaient faire carrière dans le secteur financier ont presque toujours fait face à des restrictions. Ce qui, dans le détail, se manifeste fortement dans les situations instables et critiques, comme durant la pandémie de la Covid-19.
Les entrepreneuses sont plus vulnérables que les hommes face aux difficultés économiques de façon générale, et la pandémie a accentué cette tendance. Quand les femmes travaillent moins et ont moins de ressources, il leur est plus difficile de garder une solvabilité. Les conséquences financières de la crise ont déjà démontré la nécessité d’aider les entrepreneuses à acquérir de la stabilité.
Des inégalités chroniques
Les femmes ont moins de temps pour réagir efficacement et avec succès à la crise car elles ont d’importantes responsabilités familiales. Il n’existe aucun pays dans le monde où les hommes consacrent plus de temps que les femmes aux obligations familiales. Notamment en Asie centrale, les femmes passent plus de temps que les hommes à faire un travail non rémunéré. Pendant la pandémie, lorsque les écoles fermaient et que la quantité de malades augmentait, c’était précisément aux femmes de prêter leur temps.
Une autre raison qui empêche les femmes de se développer professionnellement et qui les pousse à quitter leur travail est l’écart des salaires selon le sexe. Au Tadjikistan, les hommes gagnent environ 50 % de plus que les femmes, ce qui démontre la sous-estimation du travail féminin.
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Les rapports montrent que la moyenne de la paye mensuelle, quel que soit le métier, est invariablement plus élevée chez les hommes que chez les femmes dans tous les secteurs de l’économie. A l’échelle de toute l’économie, les femmes gagnent 60 % de ce que gagnaient les hommes en 2017 ou 2018.
Des droits constitutionnels
Dans l’article 17 de la Constitution du pays est inscrit le principe selon lequel les hommes et les femmes possèdent les mêmes droits. Pour assurer une telle norme, le gouvernement du Tadjikistan prend un certain nombre de mesures.
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Le Tadjikistan a adopté des lois sur les garanties du gouvernement pour l’égalité hommes-femmes et l’égale possibilité de leur réalisation (2005), puis sur l’égalité et la suppression de toutes formes de discriminations (2022), dans un cadre où la loi garantit l’égalité dans les sphères sociales, politiques et culturelles, ainsi que dans n’importe quelle autre sphère.
Selon un décret du gouvernement tadjik, il a été adopté une stratégie nationale de l’activation du rôle des femmes dans la République du Tadjikistan pour les années 2021-2030 (2021). Le chapitre 4 du décret est consacré au soutien du développement de l’entrepreneuriat féminin.
Un soutien présidentiel plus marqué qu’avant
Le président du pays, Emomali Rahmon, a indiqué à plusieurs reprises dans son discours l’importance du soutien aux femmes. Il a entrepris de multiples stratégies. Par exemple, tous les ans, des quotas sont mis en place pour les filles des régions rurales dans les universités du pays.
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Dans un message au Parlement, le président du pays a souligné à plusieurs reprises qu’il fallait assurer que 30 % des agents du gouvernement soient des femmes, 25 % pour les cadres-dirigeants. Il a précisé qu’il fallait développer et présenter au Parlement du pays dans un délai de trois mois un programme gouvernemental pour l’éducation, la sélection et la répartition de cadres-dirigeants au profit des femmes pour la période 2023-2030.
Néanmoins, malgré une amélioration de la situation, il paraît possible d’aller encore plus loin dans la sphère réglementaire.
Des initiatives à mettre en place
Pour autant, la législation du pays n’a pas entièrement assuré l’égalité des sexes. Et il existe des fossés significatifs dans la mise en place de chances égales pour les jeunes filles et les femmes. Il serait utile de créer une Académie bancaire avec la Banque nationale du Tadjikistan afin de préparer la jeunesse au développement ultérieur du secteur financier, d’augmenter l’instruction dans le domaine des finances et d’inculquer aux jeunes filles les compétences nécessaires pour le travail dans le système bancaire.
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Il serait également adéquat d’ouvrir une École de banquières qui permettrait aux étudiantes de la faculté des finances d’apprendre et d’être préparées au travail dans les organisations financières, après l’obtention du diplôme. Il faudrait mener des campagnes informatives dans toutes les régions du pays avec des cours destinés à différentes couches sociales, dans le but de rehausser le niveau d’éducation financière.
De la même manière, prévenir le harcèlement sur le lieu du travail est primordial, puisqu’il s’agit d’une des causes d’abandon du poste par les femmes.
Il est indispensable de renforcer l’éducation de la population afin que les parents prêtent une attention particulière à l’éducation des filles. Ces dernières années, peu de femmes ont construit une carrière dans le secteur des finances, en particulier aux postes à responsabilité, malgré le fait que le rôle des femmes continue de se développer et de changer progressivement. Les rares femmes qui occupent des postes à responsabilité se sont montrées des leaders responsables et compétentes. Ainsi, il faut attirer plus de femmes à la direction du secteur financier et préparer les jeunes femmes à leur prochain développement dans ce secteur.
Moukhaïo Kamolova
Journaliste pour Cabar
Traduit du russe par Fatimetou Hamoudi
Edité par Lucas Morvan
Relu par Eva Costes
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