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Comment l’appareil judiciaire discrimine les femmes au Tadjikistan

Au Tadjikistan, aucune femme n'est à l'abri de discriminations au sein du système judiciaire, malgré les lois spécifiquement conçues pour promouvoir l'égalité des sexes dans le pays.

Tribunaux tadjiks femmes
Les femmes tadjikes sont souvent discriminées dans les tribunaux malgré la loi. Illustration : Eda Caglarirma / Human Rights Watch.

Au Tadjikistan, aucune femme n’est à l’abri de discriminations au sein du système judiciaire, malgré les lois spécifiquement conçues pour promouvoir l’égalité des sexes dans le pays.

A l’occasion de la campagne internationale « 16 jours d’action contre la violence de genre », le média tadjik Asia-Plus publie les récits de femmes tadjikes sur les discriminations auxquelles elles sont confrontées.

« Les femmes et les enfants sont les groupes les plus vulnérables dans le système judiciaire du Tadjikistan », déclare la journaliste tadjike Ramziya Mirzobekova, qui a elle-même fait l’expérience d’un procès lorsqu’elle a tenté de procéder au partage de biens acquis au cours de son mariage.

Les femmes et enfants vulnérables dans le système judiciaire tadjik

Dans la région de Khatlon, plus de 80 % des femmes divorcées se retrouvent sans logement après leur divorce et doivent retourner vivre chez leurs parents.

Ces données proviennent de l’évaluation du pays réalisée par la Banque asiatique de développement (BAD) publiée en 2016. Il semble cependant que peu de choses aient changé depuis, d’autant que dans ce même document, les chercheurs de la BAD soulignent qu’au Tadjikistan, « la plupart des obstacles auxquels sont confrontées les femmes sont liés à la coutume et non au système légal ».

Ces discriminations persistent alors même que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, est signée par le Tadjikistan il y a 30 ans, en 1993. Déjà, elle soulignait que les violences faites aux femmes constituaient la première forme d’inégalité de genre.

Des jugements discriminatoires et injustes

Ramziya Mirzobekova partage pleinement ce point de vue, elle qui n’a pas pu obtenir un logement pour elle et sa fille mineure pendant son procès.

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« Mon affaire portait sur le partage des biens acquis pendant mon mariage. Mais dès le début du procès, face à mes exigences, on me demandait : « Combien veux-tu ? Dis donc ! » Pourtant, sur les quatre appartements que possédait mon mari, je n’en ai demandé qu’un seul, pour moi et ma fille : une requête qui semblait irréaliste aux yeux des employés du tribunal », raconte Ramziya Mirzobekova.

Elle se souvient qu’il lui était sans cesse reproché de trop en demander. « Tu aurais dû prendre ce qu’on te donnait ! Si on te donne 1 000 dollars, soit reconnaissante d’avoir obtenu quelque chose », lui répétaient les employés du tribunal. « Mon expérience personnelle m’a convaincue que les femmes et les enfants étaient les plus vulnérables devant les tribunaux », poursuit-elle.

Lire aussi sur Novastan : Contaminer son épouse puis l’accuser : ces femmes tadjikes séropositives face aux discriminations sociales

« Après plusieurs tentatives infructueuses devant les tribunaux, j’ai décidé de me tourner vers l’Assemblée nationale. Je me suis rendue à la réception du président et, dans la file d’attente, je me suis trouvée entourée de femmes qui réclamaient justice. Elles se plaignaient toutes des tribunaux, elles étaient toutes désespérées. Je me sentais tellement offensée pour ces femmes que j’en pleurais ! Leurs histoires étaient toutes les mêmes : un frère a chassé sa sœur de la maison de ses parents parce qu’il devait y vivre, un homme a expulsé sa femme de la maison après un divorce et a refusé de partager ses biens avec elle », raconte-t-elle.

Les tribunaux, obstacles à la justice pour les femmes

Au cours de son procès, Ramziya Mirzobekova s’est constamment sentie victime de préjugés et d’une attitude partiale de la part du personnel du tribunal. Les femmes sont désespérées car leur vie et leur bien-être sont en jeu, mais aussi ceux de leurs enfants. Naturellement, elles craquent. Le personnel du tribunal renvoie alors leur « état émotionnel » à leur condition de femme, raille Ramziya Mirzobekova. Elle n’a pas obtenu justice, malgré la loi.

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Les tribunaux tadjiks n’ont qu’une expérience limitée de l’application des lois nationales et internationales dans les cas de discrimination fondée sur le genre. Par exemple, selon les données de la BAD, alors que plus de 57 % des tribunaux ont examiné des affaires relatives à une violation des droits et libertés des femmes, seuls 11,2 % d’entre eux ont mobilisé les dispositions de la loi gouvernementale sur l’égalité des droits entre hommes et femmes pour protéger les droits des femmes. En comparaison, 19,6 % l’ont fait pour examiner des affaires relatives aux droits des hommes.

Seuls 7 % des tribunaux appliquent les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ce dans les affaires impliquant des femmes et des hommes. La plupart des tribunaux fondent leurs décisions uniquement sur des lois fondamentales telles que le code de la famille, le code pénal et le code du travail, qui ne contiennent que des dispositions limitées en matière de sanction des discriminations.

La rédaction d’Asia-Plus

Traduit du russe par Coline Trystram

Édité par Ella Boulage

Relu par Charlotte Bonin

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