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Réforme constitutionnelle en Ouzbékistan : le Karakalpakistan proteste pour maintenir son autonomie

Le gouvernement d'Ouzbékistan a présenté un projet de nouvelle Constitution. La remise en question de la souveraineté de la République autonome du Karakalpakistan, dans l'ouest du pays, a déclenché des protestations dans sa capitale, Noukous. Le président ouzbek, Chavkat Mirzioïev, tente de calmer le jeu.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 3 juillet 2022 par notre version allemande. Dans la république autonome du Karakalpakistan, située dans le nord-ouest de l'Ouzbékistan, des manifestations ont récemment eu lieu contre la réforme constitutionnelle proposée par le gouvernement central de Tachkent. Celle-ci prévoit, entre autres, que la région perde son statut autonome. Le 1er juillet 2022, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Noukous, la capitale du Karakalpakistan, pour une manifestation en faveur du maintien du statu quo. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent des manifestations pacifiques ainsi que la mise en place d'un important dispositif policier.

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De nombreux Karakalpaks ont manifesté contre le projet de nouvelle Constitution.

Le gouvernement d’Ouzbékistan a présenté un projet de nouvelle Constitution. La remise en question de la souveraineté de la République autonome du Karakalpakistan, dans l’ouest du pays, a déclenché des protestations dans sa capitale, Noukous. Le président ouzbek, Chavkat Mirzioïev, tente de calmer le jeu.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 3 juillet 2022 par notre version allemande. Dans la république autonome du Karakalpakistan, située dans le nord-ouest de l’Ouzbékistan, des manifestations ont récemment eu lieu contre la réforme constitutionnelle proposée par le gouvernement central de Tachkent. Celle-ci prévoit, entre autres, que la région perde son statut autonome. Le 1er juillet 2022, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Noukous, la capitale du Karakalpakistan, pour une manifestation en faveur du maintien du statu quo. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent des manifestations pacifiques ainsi que la mise en place d’un important dispositif policier.

La ville paralysée

Comme le rapporte un correspondant du média américain Eurasianet depuis Noukous, des quartiers entiers de la ville ont été bouclés par la police en raison des manifestations. Aussi, par mesure de précaution, les magasins, les restaurants et les centres commerciaux ont visiblement été fermés.

Il est difficile d’obtenir des informations en provenance du Karakalpakistan. En effet, les connexions Internet mobiles ont été coupées dans la région dès le 27 juin 2022. C’est aux environs de cette date que des informations sur une possible suppression de l’autonomie ont commencé à circuler. De plus, le réseau Internet fixe a également été coupé par la suite.

Des manifestations pacifiques…

Selon Eurasianet, la situation a commencé à s’envenimer à Noukous le 1er juillet 2022 vers 15 heures. À ce moment, un important groupe de manifestants s’est rassemblé pour réclamer la libération de Daouletmourat Tajimouratov. Ce dernier est un éminent avocat et journaliste citoyen, dont l’arrestation avait été signalée plus tôt. Vers 19 heures, l’avocat et Mourat Kamalov, président du parlement du Karakalpakistan, sont arrivés sur place. Selon l’agence de presse Fergana News, l’homme d’État a déclaré que les autorités avaient autorisé un rassemblement pacifique annoncé par Daouletmourat Tajimouratov pour le 5 juillet 2022. Des témoins oculaires ont déclaré à Eurasianet que la foule n’avait montré aucun signe d’agressivité. Il n’y avait aucun signe de problèmes imminents à ce moment-là. La situation n’a dégénéré que lorsque la police a lancé des fumigènes dans la foule pour des raisons encore inconnues.

…qui se sont rapidement envenimées

Au cours des affrontements, une unité mobile spéciale du ministère de l’Intérieur a utilisé des grenades assourdissantes, des balles en caoutchouc et un canon à eau. Selon Eurasianet, certains manifestants auraient été grièvement ou mortellement blessés. Cependant, ces informations n’ont pas pu être confirmées dans un premier temps. Lire aussi sur Novastan : Après des manifestations au Karakalpakistan, Tachkent fait revenir l’ordre par la force Le 3 juillet, le président ouzbek Chavkat Mirzioïev a déclaré dans un communiqué de presse, selon l’agence de presse Reuters, qu’il y avait eu des morts parmi les civils et les forces de l’ordre, sans toutefois donner de chiffre précis. Un militant des droits de l’Homme en exil, cité par l’agence de presse, parle d’au moins cinq morts confirmés. S’ajoutant à cela, peut-être des dizaines de morts non confirmés, sur la base d’entretiens avec des témoins oculaires. Les autorités ouzbèkes dressent cependant un tableau différent. Le média ouzbek Gazeta.uz cite une déclaration du ministère de l’Intérieur selon lequel « certains citoyens du Karakalpakistan ont organisé une manifestation illégale en raison d’une mauvaise interprétation des réformes constitutionnelles menées dans la République. » L’ordre aurait entre-temps été rétabli. Des sources de Noukous ont également confirmé à Gazeta.uz que les manifestations s’étaient dispersées dans la soirée.

La réforme constitutionnelle à l’origine des protestations

Les protestations au Karakalpakistan ont été déclenchées par le projet de réforme constitutionnelle détaillé que le gouvernement ouzbek a présenté fin juin. Ce projet devait théoriquement être discuté publiquement jusqu’au 4 juillet 2022 et être adopté ultérieurement par référendum. Selon Eurasianet, les changements sont « vendus comme une tentative de rendre l’État plus compatissant et plus démocratique. » Toutefois, le projet a fini par se retourner contre le gouvernement en ce qui concerne le Karakalpakistan.

Le Karakalpakistan perdrait son autonomie

C’est un projet de modification du statut juridique de la République qui est en cause. Actuellement, la constitution de l’Ouzbékistan reconnaît le Karakalpakistan comme « souverain ». De plus, elle lui donne la possibilité de se retirer de l’État ouzbek. Néanmoins, le nouveau projet n’en fait plus mention. Au contraire, il contient même la phrase selon laquelle « la Constitution de la République du Karakalpakistan ne peut pas contredire la Constitution de la République d’Ouzbékistan. » Ce qui peut s’interpréter comme la fin d’une autonomie karakalpake, alors qu’elle dure depuis 1924. Le mécontentement des habitants ne s’est pas fait attendre en retour à cette annonce.

Le président fait marche arrière

En réaction aux évènements de Noukous, le président ouzbek Chavkat Mirzioïev s’est rendu le soir du 2 juillet 2022 dans la capitale karakalpake pour calmer le jeu. A cette occasion, le chef de l’État a déclaré qu’il s’engageait à maintenir le statut d’autonomie. « Compte tenu des caractéristiques ethnoculturelles uniques, des traditions et des valeurs nationales ainsi que du statut juridique particulier de la République du Karakalpakistan, je pense que le projet doit laisser inchangées les normes sur le statut juridique de la République du Karakalpakistan », a déclaré Chavkat Mirzioïev, selon les informations de son service de presse.

Le président ouzbek « à l’écoute »

Lors d’une rencontre avec des représentants du parlement du Karakalpakistan, le président est allé encore plus loin. Ce dernier a décidé de rejeter la responsabilité des affrontements de la veille sur les députés. Pour avancer de tels propos, il s’appuie sur le fait que ce sont eux qui auraient introduit les amendements proposés. « Je suis toujours franc. Pourquoi n’avez-vous pas appelé pour dire que les gens sont malheureux, et ce genre de choses ? Je suis aussi un être humain. Je veux aussi un avenir pour le Karakalpakistan, la paix au Karakalpakistan. Nous avons accompli tellement de travail, pourquoi faut-il le gâcher ? », a demandé le président aux députés. « Le but de la réforme constitutionnelle est uniquement d’améliorer la vie des gens à l’avenir. Mais si les habitants du Karakalpakistan sont mécontents, aucun article ne connaîtra de modifications », a poursuivi le chef de l’Etat.

La carotte et le bâton

Dans l’ensemble, le constat est sans appel : les autorités de Noukous et de Tachkent se sont trompées sur la situation au Karakalpakistan. Le président fournit lui-même un indicateur clair, à la veille des protestations. Le 30 juin 2022, à l’occasion de la Journée de la jeunesse, il s’adressait aux jeunes Karakalpaks et déclarait : « Nous, les deux peuples, ne faisons plus qu’un, nous sommes des parents de sang. » L’abandon des modifications constitutionnelles concernant le Karakalpakistan invoqué par le chef de l’État semble donc être une sorte de carotte. Cependant, la carotte cache derrière elle un bâton brandi de manière menaçante. Ainsi, le matin du 2 juillet 2022, le parlement du Karakalpakistan a publié une déclaration dans laquelle les protestataires sont, au final, considérés comme des criminels. Lire aussi sur Novastan: (In)dépendance : comment vit le Karakalpakistan autonome?« Malgré la politique d’ouverture et de libre expression menée par la République d’Ouzbékistan, un groupe de personnes criminelles a organisé le 1er juillet 2022 dans la ville de Noukous des actions illégales qui se sont traduites par une tentative d’occupation des institutions administratives d’État de la République du Karakalpakistan. […] Des provocateurs, s’appuyant sur les citoyens rassemblés, ont tenté de s’emparer de ces institutions étatiques, divisant ainsi la société et déstabilisant la situation sociopolitique en Ouzbékistan », estiment les membres du parlement dans cette déclaration.

Une situation préoccupante au cœur des discussions

Odiljon Tojiev, vice-président de la Chambre basse d’Ouzbékistan, est allé dans le même sens, comme l’a rapporté Radio Ozodlik, la branche ouzbèke du média américain Radio Free Europe. Selon l’article, le vice-président a souligné que l’ensemble de la société, et non un petit comité, discuterait de la modification de la Constitution. De plus, l’Etat respecterait quoi qu’il arrive l’opinion de ses citoyens.

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Il a également souligné que les ressources de ces provocateurs n’étaient pas les plateformes de discussion qui expriment l’opinion du peuple. « Nous comprenons de plus en plus clairement que cette situation doit être prise plus au sérieux », a déclaré le vice-président du Parlement. Le fait que le président ouzbek ait déclaré par décret un état d’urgence d’un mois au Karakalpakistan, à partir du 3 juillet 2022, montre à quel point la situation est prise au sérieux. Celui-ci comprend entre autres un couvre-feu de 21 heures à sept heures ainsi que des possibilités limitées d’entrer et de sortir de la région. Malgré les promesses du président, le conflit autour de l’autonomie du Karakalpakistan semble loin d’être terminé.

Robin Roth Rédacteur en chef de Novastan Deutsch

Traduit de l’allemand par Marc Gruber

Édité par Chloé Renard

Relu par Emma Jerome

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Commentaires (2)

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Kolya, 2022-07-19

Nous, les Ouzbeks, sommes amis avec le peuple Karakalpak. Notre religion et notre foi sont les mêmes avec eux. Ce sont des gens très ouverts et hospitaliers. Tout le monde sait que cette manifestation était organisée par un ennemi extérieur.

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Name, 2022-07-19

L’Ouzbékistan et le Karakalpakstan ne font qu’un, et différentes nationalités vivent entre eux. Événements passés
organisé par des provocateurs externes.
Les forces destructrices, qui ne voient pas la paix de l’État, causent des différences entre les gens en donnant de fausses idées pour de l’argent. Les peuples ouzbeks Karakalpak vivent en paix depuis l’Antiquité. Les peuples ouzbek et karakalpak ont ​​un président et un président.

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