Davron Radjab est un auteur qui s’intègre dans la tradition poétique ouzbèke. Interviewé par Fergana News, il parle notamment de la vision soufie de l’amitié, de son chat et du kourach, la lutte traditionnelle ouzbèke.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 31 mai 2020 par le média russe spécialisé sur l’Asie centrale Fergana News.
Davron Radjab est né en 1967 à Ourgentch dans la province de Khorezm. Il est l’auteur des recueils Une goutte d’étoile (1995) et Les vents du bonheur (2016). Ses poèmes ont été traduits en anglais, russe et hindi.
Ce poète reste plongé dans ses livres. Il laisse sa marque chez ses élèves, auprès de qui il apprend à son tour. Autant dans la poésie contemporaine qu’ancienne de l’Ouzbékistan, l’idée de la continuité et de l’apprentissage est aussi importante que la tradition du plov matinal.
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Sandjar Ianychev, poète et écrivain, s’est entretenu avec Davron Radjab. Celui-ci a parlé de la définition soufie de l’amitié, de son mentor et des jeunes professeurs, de la guerre et des points communs entre le kourach et la poésie.
Fergana News : Que signifie ton pseudonyme littéraire, Radjab ?
Davron Radjab : Radjab, c’est le prénom de mon grand-père. Je ne connais que peu de choses sur lui. Il est né en 1883 et mort en 1941, bien avant ma naissance. On dit qu’il était un homme à succès. Jusqu’à la révolution, il avait un bout de terre. Il jouait du tanbur (instrument de la famille des luths, répandu en Asie centrale, ndlr).
En plus, il avait beaucoup de livres en arabe et en ancien ouzbek. Souvent, mon grand-père réunissait ses amis sur les bords de l’étang à l’ombre d’un grand platane millénaire, ils chantaient, organisaient des mouchaïras : des joutes poétiques.
Pendant les années de répression, ces réunions ont été interdites. Quant à la maison avec son howz (bassin de jardin dans l’architecture persane, ndlr), mon grand-père en a été exproprié. Pour protéger sa famille et lui-même, il a enterré certains de ses livres précieux.
Quel a été leur sort ?
Hélas, je ne sais pas, je demanderai à mon père… Mais je me souviens de cet arbre, seul et abandonné dans les faubourgs d’Ourgentch. Désormais, un élevage de ver à soie s’y trouve.
Mon père, Djabbar, est diplômé de la faculté d’études ouzbèkes de l’Institut pédagogique d’Ourgenth. Il travaillait la journée comme menuisier et après son travail, il enseignait à l’école du soir. Il écrivait des poèmes qui étaient publiés dans un journal régional.
C’est curieux que le prénom de ton père sonne comme un anagramme de celui de ton grand-père…
Je pense que ce n’est pas un hasard. Pour mon grand-père, cette consonance était importante.
Notre famille est grande : j’ai trois frères et quatre sœurs. Je suis le cadet.
Notre aînée Gavkhar est devenue agronome. Une autre, Zévar, était diplômée de la faculté des langues à l’Institut pédagogique, comme notre père. Elle écrivait aussi des poèmes, même si elle ne les montrait à personne. Elle a quitté ce monde tôt, suite à une maladie grave, toute jeune.
L’amour pour la musique et la lecture est apparu chez mon frère Charif et chez moi dès notre jeune âge. Il y avait une grande bibliothèque et des instruments de musique divers à la maison. La musique ne m’a pas réussi. En revanche, Charif, malgré son métier d’ingénieur, joue parfaitement du roubab (instrument à cordes d’origine perse, ndlr), encore aujourd’hui.
J’aimais bien dessiner, c’est pour cela que j’ai décidé de devenir peintre. En 1982, je suis entré à l’école d’art Pavel Benkov à Tachkent. Mais j’ai fini mon cursus il y a seulement cinq ans : à cause du décès de ma mère, j’ai dû prendre un congé.
Après mon service militaire, j’ai pris le poste de peintre-décorateur dans la bibliothèque régionale de Khorezm. Lors d’une soirée de poésie, j’ai fait connaissance avec le poète Matnazar Abdoulkhakim, c’est là qu’a commencé mon cheminement littéraire.
Qu’en ont pensé tes parents ?
Mon père a été mon premier critique. Un jour, il m’a dit que je marchais sur les pas de Raouf Parfi (considéré comme l’un des auteurs ouzbeks les plus brillants de la fin du XXème siècle, ndlr). Et il m’a montré son recueil Aks sado (Écho, 1970), alors que je n’avais aucune notion sur ce poète. Je ne regardais pas ce qu’il y avait sur l’étagère de mon père, je ne sais pas, j’avais honte… Quelques années plus tard, à Tachkent, j’ai eu l’occasion de parler avec Raouf Parfi. C’était en 1995.
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D’habitude, si on me fait des éloges, je fuis, tout simplement. Mon mentor, Matnazar Abdoulkhakim, n’a jamais vanté mes poèmes lui non plus.
Avant de le rencontrer, je réfléchissais beaucoup à la métrique, je croyais que les poèmes devaient être corrects, lisses. Mais un jour, j’ai montré au poète mon journal manuscrit. Après avoir lu quelques pages, il s’est exclamé que c’était de la véritable poésie. Non pas les poèmes que j’avais tapés scrupuleusement à la machine à écrire, mais ces notes « crues » dans mon journal.
Comment était-ce à l’armée ? Tes commandants savaient-ils que tu étais poète et écrivain ?
Ils savaient seulement que j’étais peintre. Un jour, à l’école, mes camarades de classe ont trouvé mon cahier et se sont moqué de moi. Depuis lors, je cachais mes poèmes dans un endroit sûr, même jusqu’en 1989, quand je les ai publiés dans la revue Yochliq.
Est-ce honteux d’être un poète ?
Jusqu’à ma rencontre avec Matnazar, je n’osais pas parler de moi en tant que poète. Lui-même n’était pas que poète, mais aussi pakhlavan, lutteur de kourach. J’avais besoin d’avoir un tel mentor.
Est-ce que tu t’es déjà bagarré ?
Oui, bien sûr. La toute première fois, en septième classe (l’équivalent de la cinquième française, ndlr), à cause d’une fille. À l’époque, j’étais très faible physiquement. Après cet incident, j’ai tout abandonné pendant un an, y compris l’atelier de peinture, et je me suis mis à m’entraîner.
Au karaté ?
À la boxe.
Y a-t-il un lien entre le kourach et la poésie ?
Peut-être qu’une certaine philosophie les relie. Par exemple, il y avait un poète et lutteur khorezmien, Pakhlavan Makhmoud. Entre autres choses, il a fondé le mouvement soufi Javonmardlik (littéralement « Bravoure de la jeunesse »).
Les principes de base de cet ordre sont la générosité, la clémence, la noblesse et la modestie. Il avait ces qualités lui-même, comme mon maître Matnazar Abdoulkhakim qui, 7 siècles plus tard, a traduit les rubaïs (poèmes lyriques suivant un système métrique défini, ndlr) de Pakhlavan Makhmoud du persan en ouzbek.
Le principe qu’ils prêchaient était d’apporter le bonheur aux gens secrètement, pour que personne n’en devine la source et que Dieu soit remercié. C’est une science à part entière. Demandez plus de détails à Google, je dirais seulement que nous sommes encore trop loin d’accomplir ce principe.
Un jour, je me suis retrouvé avec mon maître chez un de ses amis. Après la pêche, tandis que la soupe de poisson cuisait, nous nous reposions sur les berges de la rivière. Matnazar et son ami lisaient à voix haute les ghazals (poèmes d’amour répandus dans les pays sous influence arabe et perse, ndlr) du recueil d’Alicher Navoï, Hazoyin ul-maoniy (Trésor des sens), puis ils discutaient longuement du sens des mots.
Moi, bien évidemment, j’étais intéressé par ce sujet, mais le sommeil m’a dominé et je me suis endormi. En voyant cela, l’hôte a dit : « Matnazar, pendant que nous discutons, Davron dort, quel irrespect envers le grand poète ! » Alors mon maître a répondu : « L’endroit où est Davron maintenant est beaucoup plus intéressant. »
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Matnazar Abdoulkhakim comprenait les personnes à la vitesse de la lumière, si l’on peut dire les choses ainsi. Il disait qu’un ami, selon les anciens soufis, était un thaumaturge. Matnazar était un tel thaumaturge pour nous. Il a quitté ce monde en 2010. Voici certains de ses vers :
« Je marche dans un verger de cognassiers :
Tous les arbres ont courbé leurs têtes…
Leurs fruits sont devenus orphelins –
Ta main n’en a touché aucun »
Comment définis-tu ta poétique ?
Ce qui m’importe, c’est de capturer un moment et de l’immortaliser sur le papier.
Il est logique d’attendre d’un peintre qu’il sache aussi faire de la poésie, par exemple en tant que pointilliste.
Parfois, il vaut mieux parler peu et écouter davantage le souffle de tout être vivant. La nature même raconte tout. Lorsque le travail du peintre est bon, les gens s’arrêtent et le contemplent. Nous aussi, il nous faut nous arrêter et garder le silence devant ce monde. La parole est capable de tout gâcher.
J’ai compris, tu es un poète taoïste !
Certes, la poésie est l’art des mots. Pourtant, le poète doit éviter un contenu verbal vide. Le poète est un chasseur : il cherche des frissons devant la vie et sa beauté. Pendant qu’on parle, l’instant s’enfuit. L’instant même que le poète romain Horace incitait à capturer.
Carpe diem.
Oui ! Matnazar Abdoulkhakim écrit ainsi dans un ghazal :
« La vie est un tracas mais elle ne dure qu’une seconde :
Qu’elle soit longue ou courte, elle dure une seconde.
Le bonheur s’en va, c’est pour toujours.
Le bonheur arrive, il dure une seconde.
L’attente du bien-aimé dure un siècle,
Et même ce moment passe en une seconde.
L’acte héroïque est une gloire éternelle,
Le temps du héros dure une seconde.
Le Créateur nous a donné la vie éternelle,
Au Soleil et au Ciel, Il n’a donné qu’une seconde.
Le cœur souffre et s’enflamme.
Tout feu se limite à une seconde.
Cher ami, ton atout est la patience :
Le méchant n’a pas même une seconde. »
As-tu consacré des poèmes à des filles ? Les as-tu récités ?
Oh oui ! J’en ai dédié aussi à ma femme, mais elle ne le sait pas.
Comment cela ?
Elle ne lit pas mes poèmes.
Elle ne s’intéresse pas à la littérature ?
Ma femme aime… comment dire exactement… les non-modernistes.
Les traditionalistes ?
Oui, cela se peut. Elle n’aime pas l’incompréhensible. Moi, je suis son reflet, ou plutôt son antireflet, n’est-ce pas ? Moi, au contraire, j’aime tout ce qui est mystérieux. Je ne sais pas si c’est bien ou mal. Cela m’apaise quand il y a une force indéfinissable. Peut-être est-ce indiscret d’en parler : je t’ai dit que mon fils s’appelait Sanjarbek (littéralement « celui qui attaque », ndlr) ?
Non. C’est bien ! Quels espoirs as-tu mis dans ce prénom ?
C’était l’idée de mon père…
Demande-lui s’il te plaît.
Je le ferai. Sanjarbek a déjà 22 ans. Il écrit des poèmes, mais je ne peux pas les lire : il y a trop de fautes d’orthographe (rires). Quant à ma fille, je l’ai nommée Asal, littéralement « miel ». Il y a aussi le chat, Jimmaj, « le petit doigt » en dialecte du Khorezm. Il n’aime pas son prénom.
Qu’est-ce qu’il aime alors ?
Mon clavier. Dès que je m’éloigne de l’ordinateur, il est déjà bien installé dessus. Et il fait semblant de dormir.
Cela veut dire que certains de tes poèmes sont écrits par Jimmaj. Tu peux mettre tout sur son dos.
Parfois, il me semble que seul Jimmaj comprend mes poèmes… Il m’apprend à être observateur. Car même les mots arrivés par hasard ont du sens, sans parler de ceux qu’utilise le poète. Celui qui cherche une perle dans les mots la trouvera obligatoirement. Ne cherche rien d’autre qu’un trésor.
Comme dans ton poème Ne lis pas ce qui n’est pas écrit.
Oui. Dans le sens : ne cherche pas du hasard puisque il n’y en a pas.
Quand tu sors dans la rue et que tu tombes sur quelqu’un, même dans son visage il y a quelque chose de précieux.
Tes poèmes t’ont-ils déjà aidé dans une situation ? Ou, au contraire, ont-ils apporté des désagréments ?
Dans ma prime jeunesse, je suis tombé amoureux d’une fille. Je lui ai écrit une déclaration mais je n’ai pas osé l’envoyer. Quelques années plus tard, j’ai trouvé cette lettre dans un tas de papiers, j’y ai découvert sa photographie. Les mots étaient très simples, mais les sentiments forts. La fille était déjà mariée à cette époque-là.
J’ai froissé ma lettre en la brûlant avec la photo. Quelques années se sont encore écoulées, je suis parti à Tachkent et j’ai écrit ceci :
« Le papier froissé
Est redevenu lisse.
Les lettres inscrites
Sont retournées dans le crayon.
La photographie
S’est envolée de la flamme.
Le feu est redevenu allumette.
La pupille
A ravalé son idée.
Rien,
Rien
Ne s’est passé. »
Il est probable que ce poème m’ait aidé à comprendre ce que sont les sentiments passés, comme ce papier froissé et brûlé : le premier amour et les mots non prononcés.
J’ai une question liée à l’anniversaire du jour de la Victoire. À quel point le thème de la guerre est-il développé dans la poésie ouzbèke ? Dans la poésie russe, à titre d’exemple, il y a beaucoup de poètes combattants ; chez les poètes des générations suivantes, qui n’ont pas participé à la guerre, ce thème est présent comme une blessure persistante qu’il faut « panser de nouveau »…
Une anthologie, Urush, noming uchsin jahonda (Guerre, que ton nom brûle en l’enfer), vient de sortir.
Il y a déjà un message antimilitariste dans le titre ? Ou l’homme qui l’a écrit a envie d’oublier la guerre mais n’y arrive pas ?
« Je ne veux même pas entendre ton nom », quelque chose dans ce genre-là.
Que représente-t-elle, cette guerre, pour la génération contemporaine des poètes ?
Je crois que le poète ne peut jamais ignorer l’injustice et le mal. Et cette guerre-là était un très grand mal qui a touché quasiment chacun d’entre nous.
Quelqu’un de ta famille a participé à la guerre ?
Oui, le frère de mon grand-père, Mukhammad Rakhim. Il n’est pas revenu, il a péri quelque part en Europe. Quant au grand-père dont je t’ai parlé, Radjab, il est mort l’année où la guerre a commencé. Je connais cette période par ma grand-mère Aïjan.
Par exemple, elle racontait que le peuple avait été contraint de donner tous ses bijoux, son or et ce qu’on appelait le « tank soliq », c’est-à-dire l’impôt de guerre. L’État achetait du matériel aux États-Unis avec tout cet or. Ma grand-mère a donné tous ses bijoux traditionnels, y compris le cadeau de mon grand-père : un tillaqoch, un très joli diadème. J’ai l’impression que ce tillaqoch n’est pas arrivé jusqu’en Amérique.
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Mon autre grand-père, du côté de ma mère, Salaï Khodja, était brigadier du kolkhoze, c’est pour cela qu’il n’a pas été mobilisé et est resté ouvrier pour contribuer à l’effort de guerre. Il fallait que quelqu’un travaille dans les champs, récolte du coton et du blé. Mon grand-père savait tout sur l’agriculture, il s’occupait aussi de la melonnière. Les melons de Khorezm étaient très appréciés sur le front.
Khodja… Il a fait le hajj ?
Non, c’est un titre qui se transmet de père en fils. Il se peut que son père ait fait le hajj.
Salaï était très sévère, tout le monde avait peur de lui. On craignait de lui serrer la main : ses mains étaient puissantes comme un étau. Un jour, il a tabassé un ouvrier parce qu’il renâclait à la besogne : il se cachait quelque part et dormait, mais pendant le déjeuner il réapparaissait pour manger avec les autres.
Mon grand-père lui a mis un coup de fouet. Ensuite, un vol a été constaté dans l’entrepôt et mon grand-père a été arrêté suite à la dénonciation de ce fainéant, mais, heureusement, il a été innocenté et un mois plus tard il est revenu dans le kolkhoze à son poste habituel.
Dans notre famille, il n’y avait pas de déserteurs, seulement des musiciens et des pakhlavans (rires).
Mon grand-père ne tenait pas en place, il avait de l’énergie ! Il est décédé en 1980, je me souviens bien de lui. Il disait « rien ne s’obtient gratuitement ! » J’ai commencé à travailler à partir de la 8ème classe (équivalent de la quatrième française, ndlr), de ce fait je connaissais la valeur du pain. Je me rappelle aussi le goût de ses melons. Il cultivait des variétés de melons qui n’existent plus. Si le jus tachait une chemise blanche, il ne se lavait pas, c’était comme un vernis incolore.
Jusqu’à ses derniers jours, il vivait avec ma grand-mère à la campagne près de l’aéroport d’Ourgentch. Je passais toutes mes vacances dans leur maison.
Ils sont tous dans le même cimetière : Salaï, ma grand-mère Aïcha, ma mère Anabibi. Les Boeing s’envolent à côté, ne les laissant pas reposer tranquillement.
Qu’est-ce que tu en penses, où vit mieux le poète : dans une grande ville ou dans la nature ?
Après avoir été admis en 2001 aux cours supérieurs de littérature auprès de l’Union des écrivains de l’Ouzbékistan, je suis resté vivre à Tachkent. Je souhaitais revenir à Ourgentch, mais mon mentor Matnazar Abdoulkhakim avait dit : « Davron, reste dans la capitale, même si cela sera difficile. Quel que soit l’endroit où vit le poète, il reste dans ses livres ».
Quelles sont les difficultés que tu as vécues ?
Les difficultés ? Je n’ai jamais aspiré à une vie de luxe, donc je n’ai pas remarqué les vicissitudes. J’ai connu un salaire modeste, des foyers de travailleurs, des coins que je louais.
Actuellement, j’habite dans la banlieue de Tachkent, dans le quartier de Qibraï, dans mon appartement de deux pièces.
Décris, s’il te plaît, ton entourage proche : qui sont tes amis, qui lis-tu ?
Pour moi, un bon poète est un précepteur, un ami, un frère. Je connais beaucoup de poètes éminents, de ceux que je lis et que je n’arrêterai pas de lire, d’Alicher Navoï à Alexandre Pouchkine, de Raouf Parfi à Evguéni Evtouchenko.
Parmi les poètes contemporains, je lis Sirojiddin Sayyid, Ikrom Atamourad, Bakhrom Rouzimoukhammad, Gouzal Begim, Babour Elmourad. Je respecte également nos poètes russes : Raïsa Krapaneï, Nikolaï Iline, Bakha Akhmédov, Vika Osadtchenko, Natalia Beloïedova… J’ai traduit leurs poèmes en ouzbek. J’aimerais bien un jour éditer un livre bilingue de mes traductions.
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Pour moi, découvrir un nouveau poète est comme découvrir une nouvelle école, un nouveau mentor, car les jeunes n’ont pas oublié comment faire passer le cours du temps par leur cœur.
J’ai lu quelque part que tu étais « conseiller littéraire pour le travail avec la jeunesse ». Comment se passent tes consultations ?
À côté de la revue Jahon adabiyoti (Littérature mondiale) où je travaille, un cercle a été créé : les très jeunes poètes viennent me voir, nous analysons leur poèmes, je recommande certains d’entre eux pour l’édition, …
Y a-t-il une recommandation universelle pour les jeunes talents ?
Si un peintre ne touche pas son pinceau pendant trois jours, il n’est plus peintre. Pour ne pas perdre la forme, le sportif s’entraîne chaque jour. Et que fait le poète ? Je rappelle l’expression d’un écrivain d’Amérique latine : « Jeunes poètes, pleurez davantage ».
Propos recueillis par Sandjar Inychev
Journaliste pour Fergana News
Traduit du russe par Talgat Abdrakhmanov
Édité par Paulinon Vanackère
Relu par Anne Marvau
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