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L’UNESCO choisit Samarcande pour sa première assemblée générale à l’étranger

Pour la première fois en quarante ans, la Conférence générale de l’UNESCO se tient hors de Paris. C’est à Samarcande, du 30 octobre au 13 novembre 2025, que 190 Etats membres représentés se sont réunis pour débattre d’éducation, de culture et de sciences. Un événement hautement symbolique pour l’Ouzbékistan, qui entend s’imposer comme acteur culturel et diplomatique majeur en Asie centrale.

La 43ème session de l'assemblée générale de l'UNESCO s'est déroulée cette année à Samarcande, en Ouzbékistan (illustration).
La 43ème session de l'assemblée générale de l'UNESCO s'est déroulée cette année à Samarcande, en Ouzbékistan (illustration).

Pour la première fois en quarante ans, la Conférence générale de l’UNESCO se tient hors de Paris. C’est à Samarcande, du 30 octobre au 13 novembre 2025, que 190 Etats membres représentés se sont réunis pour débattre d’éducation, de culture et de sciences. Un événement hautement symbolique pour l’Ouzbékistan, qui entend s’imposer comme acteur culturel et diplomatique majeur en Asie centrale.

A l’intérieur du majestueux palais des congrès de Samarcande, espace réservé aux hauts événements internationaux et diplomatiques depuis quelques années en Ouzbékistan, la 43ème session de la Conférence générale de l’UNESCO a réuni la Directrice générale Audrey Azoulay, le président ouzbek Chavkat Mirzioïev, ainsi que plusieurs chefs d’Etat et délégations des 190 pays membres de la convention de l’UNESCO.

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C’est la première fois depuis 1985 que l’organisation onusienne quitte son siège parisien pour un autre lieu, et le choix de Samarcande, joyau timouride des routes de la Soie, n’a rien d’anodin. « Accueillir ce forum à Samarcande témoigne de la confiance des Etats membres de l’UNESCO dans les réformes en cours en Ouzbékistan », a déclaré le président Mirzioïev. Audrey Azoulay a qualifié ce moment d’« historique », estimant que la ville, « carrefour culturel parmi les plus brillants du monde », offrait un cadre unique pour débattre de l’avenir de la connaissance et du patrimoine.

L’Ouzbékistan et l’UNESCO

Les liens entre l’Ouzbékistan et l’organisation débutent formellement en 1990, au crépuscule de
la période soviétique, lorsque la citadelle d’Ichtan Kala au cœur de Khiva est inscrite sur la liste
du patrimoine mondial. Membre à part entière depuis 1993, l’Ouzbékistan, qui accueille un
bureau régional à Tachkent, la capitale, a toujours manifesté une grande importance à sa coopération avec
l’UNESCO.

Mais depuis 2017, son implication s’est accrue. L’année suivante fut adopté entre les autorités ouzbèkes et l’organisation un plan conjoint triennal 2018-2021 qui marqua un approfondissement du partenariat sur la culture, l’éducation et les sciences. C’est dans ce contexte qu’en août 2019, Samarcande accueillit une conférence internationale consacrée à la préservation du patrimoine matériel et immatériel en présence de l’UNESCO et de sa directrice Audrey Azoulay.

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L’enjeu du patrimoine est d’une grande importance pour l’Ouzbékistan qui poursuit une volonté de mieux former des spécialistes locaux sur ces questions dans un souci de valorisation des marqueurs de son patrimoine et de faire décoller le potentiel touristique, secteur phare de développement socio-économique et lié aux enjeux culturels.

L’Ouzbékistan mise sur la culture et le savoir

Depuis son arrivée au pouvoir en 2016, le président Chavkat Mirzioïev a fait de la diplomatie culturelle l’un des piliers de sa politique étrangère. L’accueil de la conférence générale de l’UNESCO s’inscrit dans cette stratégie : projeter une image de pays ouvert, moderne et ancré dans la coopération multilatérale.

Le Régistan, centre historique de Samarcande pendant la conférence générale de l’UNESCO.

A la tribune, le président a proposé plusieurs initiatives ambitieuses : la création d’une plateforme UNESCO pour l’éducation inclusive utilisant l’intelligence artificielle ; un Sommet mondial sur la formation professionnelle pour préparer les jeunes aux métiers de demain ; la Journée internationale du patrimoine documentaire, fixée au 19 novembre ; un Institut international du patrimoine numérique ; une Académie UNESCO pour les femmes leaders et un Forum mondial des femmes chercheuses et artistes à Samarcande ; enfin, la désignation annuelle d’une Capitale écologique de l’UNESCO, récompensant les villes engagées pour la durabilité.

Cet activisme sur la scène culturelle internationale est également soutenue par la fille du président, Saïda Mirzioïeva, devenue cheffe de l’administration présidentielle et impliquée sur les sujets liés à la culture, ainsi que de son bras droit, Gayane Umerova, directrice de la Fondation pour le développement des Arts et de la Culture d’Ouzbékistan.

Samarcande, vitrine et symbole

Samarcande n’a pas été choisie au hasard. Longtemps considérée comme un carrefour des civilisations, la « ville éternelle » incarne à la fois l’héritage de la route de la Soie et les ambitions contemporaines d’un pays en pleine mutation. En y installant la conférence, l’UNESCO déplace symboliquement son centre de gravité vers l’Asie, affirmant que le dialogue culturel mondial ne se limite plus aux capitales occidentales.

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Pour Tachkent, c’est aussi une vitrine de modernisation. Ces dernières années, le pays a renforcé sa collaboration avec l’organisation : inscription du corridor Zarafshan-Karakoum au patrimoine mondial, reconnaissance de traditions immatérielles comme le Shashmaqam, le Lazgi ou le Navrouz, restauration de sites historiques, et création de chaires UNESCO dans les universités.

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L’Ouzbékistan revendique ainsi son rôle de gardien du patrimoine centrasiatique, tout en se positionnant comme un acteur du numérique et de la diplomatie du savoir.

Un tournant géopolitique pour l’Asie centrale

Au-delà de la culture, l’événement révèle un repositionnement géopolitique. En accueillant une conférence mondiale d’une telle ampleur, l’Ouzbékistan revendique ainsi son rôle de gardien du patrimoine centrasiatique, tout en projetant l’image d’une Asie centrale ouverte, stable et connectée.

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Cette vitrine internationale ne masque toutefois pas les défis internes. Le pays reste sous surveillance pour ses pratiques de restauration urbaine parfois contestées, notamment à Samarcande où des quartiers anciens ont été démolis au nom du tourisme patrimonial. Pour de nombreux observateurs, la politique culturelle ouzbèke relève d’un soft power assumé : en promouvant le patrimoine, la musique, la danse et les savoirs, Tachkent cherche à redéfinir l’image de l’Asie centrale dans le monde contemporain.

Par Emma Collet et Darius Riazi,
Rédacteurs pour Novastan

Relu par Charlotte Bonin

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