La pauvreté reste un problème au Kirghizstan. Quels événements et décisions historiques ont conduit à cette situation ? De quel type de changement le soi-disant « îlot démocratique d’Asie centrale » a-t-il besoin pour s’affirmer sur le marché mondial ou pour pouvoir générer suffisamment d’emplois dans le pays ?
D’après les prévisions de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) kirghiz devrait atteindre 7 % par an en 2023 et en 2024. Un chiffre remarquable pour ce petit pays d’Asie centrale, qui reste toutefois l’un des plus pauvres au monde, avec un tiers de sa population vivant avec moins de 67 euros par mois. Les mauvaises décisions du gouvernement, la corruption endémique, la dépendance aux pays étrangers sont autant de raisons qui empêchent le pays de s’extraire de la pauvreté.
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Un problème ancré dans l’histoire
Après avoir obtenu son indépendance en 1991, le Kirghizstan a été confronté à une série de problèmes liés à son retard technologique, ce qui a rendu le pays insignifiant aux yeux des marchés mondiaux. De surcroît, le pays a souffert d’un manque criant de devises étrangères, l’empêchant de pourvoir aux besoins de sa société.
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En 1991, le premier président, Askar Akaïev, avait décidé de privatiser la majorité des usines du pays. Pour garantir à l’État des rentrées d’argent, il a fait vendre un grand nombre d’entreprises kirghizes au rabais. En conséquence, le pays a perdu jusqu’à 80 % de la valeur réelle des actifs vendus. De plus, la privatisation a conduit à une fuite des capitaux hors du Kirghizstan.
En 2003, Askar Akaïev a conclu un contrat extrêmement défavorable avec la compagnie canadienne extractrice d’or Centerra Gold, qui prévoyait que seuls 33 % de l’or vendu reviendrait au Kirghizstan. La partie kirghize a perdu le contrôle du gisement Koumtor, et la région fait face à des problèmes environnementaux.
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Pendant son mandat, Askar Akaïev aurait contribué à l’augmentation de la corruption dans les institutions gouvernementales, à l’explosion de la criminalité et, par conséquent, au chômage dans le pays. Tous ces éléments ont conduit à la vague de manifestations et à la révolution des tulipes de 2005 qui l’ont forcé à quitter le pays. Depuis, aucun président ni aucun gouvernement élus n’ont réussi à améliorer la situation.
Un dépendance internationale
La République du Kirghizstan est devenue très dépendante de la Russie, de la Chine et, dans une moindre mesure, du Kazakhstan. Sur une population de 7 millions, environ 1 million de citoyens kirghiz travaillent en Russie et transfèrent de l’argent vers leur pays d’origine. Cet argent représente une grande part du budget du pays. Néanmoins, cette dépendance à l’émigration économique profite tout autant à la Russie qu’au Kirghizstan. Premièrement, la Russie dispose d’un levier très puissant pour promouvoir des idées pro-russes au Kirghizstan. C’est en partie pourquoi les politiques kirghizes s’alignent sur les positions de Moscou, considérant la Russie comme un partenaire stratégique clé.
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Deuxièmement, la plus grande partie de la population en âge de travailler, mais aussi en mesure de protester, se trouve hors des frontières du pays. Cela pousse le gouvernement kirghiz à délaisser la problématique de l’emploi local. Dans les faits, le retour de Russie de la majorité des migrants économiques kirghiz lors de la pandémie du Covid-19 a contribué au renversement du pouvoir en 2020.
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Le Kirghizstan est également dépendant des prêts financiers chinois. La Chine est le principal prêteur du pays. Avec environ 43 % du PIB d’après le ministère des Finances du Kirghizstan, soit 1,8 milliards d’euros au 31 Mai 2022, la dette envers la Chine représente une part considérable de la dette nationale. Une telle dépendance rend le Kirghizstan vulnérable aux pressions politiques chinoises.
Un frein structurel
Le Kirghizstan entretient des relations particulièrement bonnes avec le Kazakhstan. En témoignent, par exemple, les transferts d’eau issus du réservoir de Toktogoul vers le Kazakhstan pour satisfaire les besoins de l’agriculture kazakhe. Cela entraîne parfois des baisses de production hydroélectrique et, par voie de conséquence, certaines industries du pays se voient privées d’électricité. Environ 300 000 migrants économiques kirghiz sont employés au Kazakhstan. Ils transfèrent leurs revenus vers le Kirghizstan, ce qui soulage considérablement l’économie kirghize, mais le gouvernement dépense inefficacement les impôts perçus et ne cherche pas à stimuler la création d’emplois locaux.
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Actuellement, le Kirghizstan n’est pas en mesure de développer une industrie nationale et d’être compétitif sur le marché mondial. Le népotisme des autorités et la corruption endémique parmi les fonctionnaires accentuent le phénomène. Les investisseurs étrangers rechignent à investir au Kirghizstan, craignant les nationalisations et l’instabilité politique. Le gouvernement kirghiz n’aspire pas à faire revenir les migrants économiques au pays. Il laisse le pays sous la perfusion des revenus de la migration et à la merci de puissances étrangères.
Malgré le qualificatif d’îlot de démocratie centrasiatique, aucune des institutions politiques n’a réussi à s’affranchir des pressions de tierces personnes ou de l’étranger. Ce sont la formation d’un gouvernement impartial et l’éradication du népotisme et de la corruption, bien installés dans les esprits, qui permettront au pays de sortir de la pauvreté.
Cherzod Babakoulov
Rédacteur pour Novastan
Traduit du russe par Arnaud Behr
Edité par Lucas Morvan
Relu par Elise Medina
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