Ce fromage sec en forme de boule de pierre blanche, commun aux peuples nomades d’Asie centrale, reste très répandu dans la région. Découverte des ingrédients et de l’utilité du kourout, consommé notamment au Kirghizstan.
Novastan reprend et traduit ici un article de 2015, republié le 18 août 2020 par le média russe spécialisé sur l’Asie centrale, Fergana News.
Qui, en Asie centrale, n’aime pas le kourout ? Son nom peut changer (korot chez les Bachkirs, kort chez les Tatars, gurt chez les Turkmènes, qurt chez les Ouzbeks), mais les ingrédients de ce produit laitier fermenté inventé par les peuples nomades restent identiques.
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Sont également identiques les principales légendes sur la façon de le préparer, connues de tous les ressortissants des Républiques d’Asie centrale. L’une d’entre elles veut qu’en tant que nomades, les Kirghiz avaient beaucoup de vaches. Ils ont utilisé leur lait pour produire du quark, un état quasi-solide du lait caillé, afin de les rendre durables. Mais quand il faisait trop chaud, le caillé ne pouvait pas être conservé longtemps. Par conséquent, il a été salé et séché. C’est ainsi que le kourout aurait été inventé.
Les Centrasiatiques se souviennent de ces légendes et rient lorsqu’ils offrent du kourout aux étrangers. Ils racontent, profitent encore une fois des réactions et, en tapant sur l’épaule de l’ami, lui disent : « Mange, mange, c’est très bon pour la santé ! ».
Erbol, de Karabalta, une petite bourgade située à une heure de route de la capitale Bichkek, a 21 ans. Cela fait déjà dix ans qu’il travaille dans la vallée de Suusamyr, située à une altitude entre 2 000 et 3 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, renommée pour son air pur et ses verts pâturages d’été. Erbol fabrique et vend lui-même le kourout. La capacité de production extraordinaire de cet autoentrepreneur va jusqu’à 50 kg de fromage en une journée, alors que c’est un processus particulièrement laborieux.
Le kourout est fabriqué à partir de lait de vache ou de chèvre. Le lait bouilli est ensuite acidifié pour obtenir du qatiq, dont la consistance rappelle celle d’une crème fraîche très grasse. Ensuite, le qatiq est versé dans un sac spécifique, fait de multiples couches de coton à fromage, afin que le liquide puisse s’égoutter à travers celui-ci. Après l’égouttage, dont la durée peut s’étendre jusqu’à 12 heures, le sac contient à présent du suzma, pâte rappelant du fromage blanc, que l’on mélange avec du sel. Le processus de moulage commence alors.
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La pâte est roulée à la main en forme de boules de différentes tailles, puis est mise à sécher quelques jours. Il y a deux types de séchages, après lesquels le volume des boules de kourout diminue de plusieurs fois. Le premier type de séchage se fait au soleil. Avec cette technique, on obtient un kourout très sec, presque en pierre, qui peut se garder pendant des années. Le deuxième type de séchage se fait dans une yourte, ce qui donne du moelleux, de la tendreté, au kourout.
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Il y a de nombreuses sortes de kourout. Le kourout traditionnel est fabriqué en lui ajoutant du piment rouge moulu. Le kourout avec du beurre fondu est également populaire. Il se distingue facilement par son odeur spécifique et sa couleur marron.
La vallée de Suusamyr est un endroit idéal pour une entreprise produisant du kourout. Le troupeau peut pâturer sur le jayloo, le pâturage de montagne, et la vallée est traversée par l’autoroute stratégique reliant Och, la deuxième ville du pays, et Bichkek. En temps normal, des centaines de touristes passent chaque jour, avec autant de chances de vendre du kourout et du koumis, le lait de jument fermenté.
Le troupeau d’Erbol pâture aussi à proximité, ce qui lui procure du suzma en quantité. Les yourtes, où les habitants de la vallée vivent et gardent les produits semi-finis et la production, se dressent sur le bord de la route, comme celles de dizaines d’autres producteurs de kourout et de koumis. Ils vivent tous la moitié de l’année près de l’autoroute, c’est pourquoi des vêtements d’enfants sèchent non loin.
Erbol n’a pas peur de la concurrence. Il est essentiel, raconte le jeune homme, de faire un produit de qualité. Les vendeurs malhonnêtes mêlent de la farine au kourout et le vendent moins cher. Le prix pour une boule de kourout commence à 10 centimes et va jusqu’à 30 centimes, mais une personne expérimentée reconnaîtra immédiatement une contrefaçon et ne regrettera pas les 20 centimes supplémentaires pour une qualité authentique. Certains, appréciant le goût du kourout d’Erbol, en prennent un kg, posant de cinq à six dollars sur la table. Des grossistes viennent de Bichkek et d’Och pour voir Erbol, tant le kourout s’est répandu sur tous les marchés du pays et dans le monde.
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La saison commence en mai et se termine à la fin d’octobre. Pendant cette période, d’après les dires d’Erbol, on peut gagner pas mal d’argent avec le kourout. À tel point que pour ce travail, Erbol n’a pas voulu faire d’études supérieures. Il a gagné de l’argent pour s’acheter une voiture. Il ne reste pas sans rien faire l’hiver non plus : il arrondit ses fins de mois en travaillant comme chauffeur de taxi.
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En dépit du fait qu’au Kirghizstan, depuis quelques temps, le kourout a commencé à être fait industriellement et à être vendu dans de jolis emballages, le kourout « fait à la main » dispose d’une telle popularité que même des contrebandiers des Républiques voisines en exportent des tonnes à l’étranger, tombant de temps à autres sur les garde-frontières.
Le kourout peut être gardé très longtemps et, par ailleurs, il est très nourrissant. C’est précisément pour cela qu’il était aussi répandu parmi les peuples nomades et il a bien des fois été d’une grande aide pendant les longs déplacements.
À présent, le kourout est à la fois une gourmandise, une source naturelle de calcium et un délicieux mets pour accompagner la bière. Les Kirghiz en font aussi une boisson rafraîchissante en le broyant et le délayant dans l’eau. Le kourout est également doté de propriétés médicales. Il supprime les nausées. C’est pourquoi, au Kirghizstan, ceux qui voyagent, notamment avec des enfants en bas âge, prennent toujours ce produit remarquable pour la route.
Ekaterina Ivashchenko
Journaliste pour Fergana News
Traduit du russe par Pauline Clémence Baranov
Édité par Nazira Zhukabayeva
Relu par Aline Cordier Simonneau
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