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Le ballet, un art pour la vie : portrait de la ballerine Aïguerim Atakosova

À 25 ans, la ballerine Aïguerim Atakosova, originaire de Bichkek, compte plus de neuf ans de scène. Mais la carrière de danseuse, entre cours et travail acharné, est dure. Portrait.Novastan reprend et traduit un article publié le 7 juillet 2021 par notre version allemande. Le rideau s’ouvre, les applaudissements montent. Presque tous les sièges du théâtre national d’opéra et de ballet d’Almaty sont occupés. Aïguerim Atakosova attend son entrée. Elle doit exécuter une danse de Don Quichotte, son ballet préféré. L’attente se fait longue mais, malgré le trac, elle se sent confiante. Elle s’est préparée toute une année et connaît chaque pas par cœur. Allegro ! C’est son tour. Gracieuse et souriante, elle entre en scène, puis, soudainement, réalise avec effroi qu’elle a tout oublié. La ballerine commence à improviser et essaie de se souvenir, en vain. Sa danse n’était pas celle de Don Quichotte, mais seul un spectateur averti pouvait le deviner. « C’était si palpitant, j’avais 16 ans et m’étais déjà produite sur les scènes de plusieurs villes. Une année entière de préparation pour ce morceau, juste pour tout oublier. J’en ai pleuré pendant une semaine », se souvient Aïguerim Atakosova, 25 ans à présent, avec un sourire chaleureux.

Ballet Bichkek Aigerim Atakosova
La danseuse Aïgerim Atakosova à l'opéra de Bichkek.

À 25 ans, la ballerine Aïguerim Atakosova, originaire de Bichkek, compte plus de neuf ans de scène. Mais la carrière de danseuse, entre cours et travail acharné, est dure. Portrait.Novastan reprend et traduit un article publié le 7 juillet 2021 par notre version allemande. Le rideau s’ouvre, les applaudissements montent. Presque tous les sièges du théâtre national d’opéra et de ballet d’Almaty sont occupés. Aïguerim Atakosova attend son entrée. Elle doit exécuter une danse de Don Quichotte, son ballet préféré. L’attente se fait longue mais, malgré le trac, elle se sent confiante. Elle s’est préparée toute une année et connaît chaque pas par cœur. Allegro ! C’est son tour. Gracieuse et souriante, elle entre en scène, puis, soudainement, réalise avec effroi qu’elle a tout oublié. La ballerine commence à improviser et essaie de se souvenir, en vain. Sa danse n’était pas celle de Don Quichotte, mais seul un spectateur averti pouvait le deviner. « C’était si palpitant, j’avais 16 ans et m’étais déjà produite sur les scènes de plusieurs villes. Une année entière de préparation pour ce morceau, juste pour tout oublier. J’en ai pleuré pendant une semaine », se souvient Aïguerim Atakosova, 25 ans à présent, avec un sourire chaleureux.

À l’origine, Aïguerim Atakosova n’avait pas prévu de devenir ballerine, mais à huit ans, sa mère l’a emmenée à la GRS (gymnastique rythmique et sportive). « C’était en fait le rêve inabouti de ma mère. Elle aimait l’acrobatie et avait toujours voulu danser au cirque », explique-t-elle dans la lumineuse pièce du studio de danse, dont chaque mur est bordé de miroirs.

Le ballet au Kirghizstan

C’est ainsi qu’elle arrive petit à petit au métier de ballerine. Son apprentissage progresse avec de petites apparitions et une grande inspiration. À 11 ans, Aïguerim Atakosova entre à l’école chorégraphique de Bichkek, nommée d’après le danseur de ballet kirghiz Cholponbek Bazarbaïev, Chevalier des Arts de l’URSS. Aïguerim Atakosova conclut huit ans de formation avec un diplôme d’études secondaires spécialisées en arts du ballet. Au cours de ses études, elle a eu chaque année la possibilité de se rendre en tournée à travers la Communauté des États indépendants (CEI). C’est dans ce contexte qu’a eu lieu la représentation de Don Quichotte à Almaty.

Ballet Bichkek Aigerim Atakosova
La ballerine Aïguerim Atakosova rêve de devenir chorégraphe.

Le théâtre professionnel est arrivé au Kirghizstan avec l’Union soviétique. Le premier studio de musique et de comédie a été fondé à Frounzé (aujourd’hui Bichkek) en 1926. Le bâtiment actuel du théâtre national d’opéra et de ballet du Kirghizstan date de 1955, comme l’explique la page web de l’institution. Dans la seconde moitié du XXème siècle, le théâtre constituait, d’après le journal étudiant Limon.kg, un « laboratoire de la chorégraphie soviétique » particulièrement actif qui a permis à plusieurs célébrités du ballet comme Cholponbek Bazarbaïev ou Boubousara Beïchenalieva de se révéler. Lire aussi sur Novastan : Destruction du bâtiment où vivait la ballerine Malika Sabirova : quel avenir pour les mosaïques soviétiques ? Le ballet a continué à se développer après la fin de l’Union soviétique, bien que les moyens disponibles aient été sensiblement réduits. Le théâtre de Bichkek a cessé ses tournées après une période difficile. Tous les arts en général ont souffert de l’indépendance : les possibilités de développement et leur importance dans la société ont diminué avec la réduction des financements étatiques.

Partir à l’étranger pour sa carrière

« On peut dire aujourd’hui que les arts du théâtre sont dans le fond du panier », remarque Aïguerim Atakosova avec une tristesse lisible dans ses profonds yeux bruns. En raison des faibles salaires, beaucoup d’artistes de ballet partent ou se voient « obligés de s’adapter à l’économie de marché », ajoute-t-elle. Les danseurs de l’opéra national gagnent au mieux 9 000 soms (environ 90 euros) par mois. Depuis l’indépendance, la valeur accordée à l’art a diminué dans le pays. Cela explique aussi le fait que certains danseurs particulièrement talentueux partent à l’étranger. Eldiyar Daniyarov, après des passages au Kazakhstan et en Russie, travaille au Ballet Atlantique du Canada. Plusieurs autres danseurs kirghiz de premier plan travaillent à l’Astana Ballet fondé en 2012 à Nur-Sultan, où ils peuvent, d’après Limon.kg, espérer des revenus notablement supérieurs. « Ou encore Talant Osmonov. Il était maître de ballet dans notre théâtre. Lorsqu’il travaillait ici, il a essayé d’élargir le répertoire et d’apporter des nouveautés. Mais il n’a pas été soutenu et a déménagé en Turquie avec son épouse, la ballerine Gulaï Sadybakasova, pour travailler dans un théâtre là-bas », explique Aïguerim Atakosova.

Ballerine, maman, et…

Aujourd’hui, Aïguerim Atakosova n’est pas que ballerine, épouse et mère ; elle donne aussi des cours pour des studios privés, travaille pour l’entreprise de ses beaux-parents et prépare un second diplôme à l’Académie d’Économie et de Finances de Bichkek. « À cause de la pandémie, la crèche de notre fille Akylaï est fermée, elle doit donc toujours être chez moi. Et j’ai un emploi du temps très chargé : de 8h00 à 12h00 les groupes du matin puis le travail au bureau. Pendant qu’Akylaï dort, je vérifie les commentaires en ligne puis nous allons aux cours du soir », raconte la ballerine. Sur scène, Aïguerim Atakosova privilégie le ballet traditionnel plutôt que les danses à la mode. Lorsqu’elle était encore célibataire, elle enseignait également le ballet classique. Désormais, par manque de temps, elle se limite au stretching, qui ne nécessite pas de préparer des danses comme le ballet moderne. « Mais aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours volontiers mis des danses en scène. J’en ai chorégraphié pour moi et d’autres élèves et y ai trouvé beaucoup de satisfaction », affirme-t-elle. Lire aussi sur Novastan : L’Opéra de Bichkek de nouveau opérationnel Aïguerim Atakosova déplore aussi le manque de danseurs masculins au Kirghizstan. Alors que les ballerines sont perçues de manière plutôt positive dans le pays, la situation de leurs confrères est beaucoup plus difficile. Beaucoup considèrent le métier comme étant exclusivement féminin ; ils rejettent les danseurs et se moquent de leurs collants. Les parents n’inscrivent donc que très rarement leurs fils à des cours de ballet.

L’art ne meurt jamais

Cela a des conséquences sur les représentations. En Asie centrale, le ballet est essentiellement dansé par des jeunes femmes. « Si les gens savaient la force que demande aux hommes le ballet, ils ne riraient pas et ne le verraient pas comme un métier « de fillette » », estime Aïguerim Atakosova. Le danseur moyen pèse ainsi 70 kilos et peut tenir en l’air une partenaire de 45 kilos sur une main tendue. « Nous ne sommes aujourd’hui pas assez mûrs mentalement et culturellement pour comprendre cela. Mais je crois que cela peut changer », ajoute-t-elle.

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Malgré tout, pour la ballerine, le ballet peut avoir de très bonnes perspectives au Kirghizstan. Certes, il stagne actuellement car que le répertoire n’a pas évolué depuis l’Union soviétique, mais avec la direction d’un jeune maître de ballet dynamique, comme Talant Osmonov en son temps, il pourrait à tout moment reprendre son développement. « C’est parfois difficile de croire que quelque chose pourrait changer pour l’art dans notre pays, mais le ballet est un art, et l’art ne meurt jamais. Il sera toujours d’actualité », affirme Aïguerim Atakosova. Elle poursuit toujours son rêve de devenir chorégraphe. Elle pratiquerait volontiers des danses actuelles également, ce qui paraît toutefois quasi-impossible avec un répertoire figé depuis plusieurs années. Alors Aïguerim Atakosova réfléchit aussi à tenter sa chance ailleurs : « Je pense souvent à partir dans un autre pays pour m’accomplir dans mon métier. »

Sezim Arynova Rédactrice pour Novastan à Bichkek

Traduit de l’allemand par Joseph Glad

Édité par Manuia Heinrich

Relu par Élise Piedfort

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