Un jour à Vienne, deux à Berlin : avant de se rendre au sommet de l’Organisation du traité de sécurité collective, le chef d’État kirghiz a effectué un voyage officiel en Autriche et en Allemagne.
Les 25 et 26 novembre derniers, Sadyr Japarov a été reçu en visite officielle respectivement en Autriche et en Allemagne. Tant à Vienne qu’à Berlin, le voyage portait principalement sur le thème de la coopération politique et économique.
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En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média européen spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !Première étape : Vienne. Sadyr Japarov a été accueilli dans la capitale autrichienne le 25 novembre dernier par son homologue Alexander Van der Bellen au palais de Hofburg. Les deux chefs d’État ont discuté d’un large éventail de questions ayant trait à la coopération bilatérale, allant du développement des relations économiques et commerciales à la réalisation de projets communs dans les secteurs de l’énergie et des transports, indique le service de presse de la présidence kirghize.
Resserrement des liens avec l’Autriche…
« Nous accordons une grande valeur à nos relations amicales avec l’Autriche et nous efforçons de promouvoir davantage la coopération dans tous les domaines d’intérêt mutuel. J’espère que ma visite et nos négociations d’aujourd’hui contribueront à élever l’ensemble du spectre des relations bilatérales entre nos deux pays à un nouveau niveau en termes de qualité », a souligné Sadyr Japarov.
« Je suis très heureux de nos bons échanges avec le président Japarov et sa délégation. […] Je crois aussi que nous sommes encore loin d’avoir exploité tout le potentiel de nos relations économiques », a déclaré Alexander Van der Bellen à l’issue de l’entretien, relayé par son service de presse. Le président autrichien voit la visite de Sadyr Japarov comme une chance « d’identifier les possibilités concrètes de poursuivre l’intensification de notre coopération. »
Avant de s’envoler pour Berlin dans la soirée, le président kirghiz a rencontré le chancelier fédéral autrichien Karl Nehammer pour évoquer le renforcement du dialogue politique, de la coopération économique et commerciale ainsi que de la mise en œuvre de projets communs. Un programme de coopération entre le ministère kirghiz des Affaires étrangères et le ministère autrichien des Affaires européennes et internationales a notamment été conclu, tout comme d’autres mémorandums d’ordre ministériel, explique la présidence du Kirghizstan.
Le président kirghiz a lancé un appel aux investissements autrichiens, en particulier pour la centrale hydroélectrique Kambarata-1. En outre, il a invité en retour le président autrichien à effectuer une visite au Kirghizstan.
… et avec l’Allemagne
Le matin du 26 novembre dernier, le président fédéral Frank-Walter Steinmeier a reçu Sadyr Japarov au château de Bellevue. D’après le communiqué de presse du bureau présidentiel allemand, la discussion entre les deux chefs d’État a porté sur la situation régionale en Asie centrale, sur la coopération partenariale entre les deux pays ainsi que sur l’état de la société civile.
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Pour sa part, le président Sadyr Japarov a souligné la dynamique positive des dernières années dans le développement du dialogue politique entre le Kirghizstan et l’Allemagne, précise le service de presse du président kirghiz. La signature de l’accord de partenariat et de coopération renforcé de 2024 avec l’Union européenne (UE) ouvre selon lui de nouvelles possibilités d’approfondir encore le dialogue politique et la coopération aussi bien avec l’UE qu’avec l’Allemagne.
Lors de la rencontre en format élargi et en tête-à-tête qui a suivi avec le chancelier fédéral Olaf Scholz, les deux parties ont abordé des thèmes comme la coopération bilatérale et la politique internationale actuelle, révèle la présidence kirghize. Elle a mis l’accent sur les questions économiques, notamment dans le cadre de la transition écologique et de la mise en œuvre de projets d’infrastructure et d’énergie.
Une nouvelle liaison directe ?
Le 27 novembre dernier, Sadyr Japarov s’est tourné vers l’économie allemande. Comme l’avant-veille à Vienne, le président a fait campagne auprès de représentants d’entreprises pour attirer des investissements. « En tant que chef d’État, je m’intéresse à augmenter les investissements en provenance d’Allemagne. […] Pour rester à la page, nous avons besoin de nouvelles technologies allemandes dans différents domaines : l’extraction minière, l’industrie, l’agriculture, les transports et le secteur de l’énergie », a-t-il expliqué dans un communiqué de presse.
La coopération économique entre le Kirghizstan et l’Allemagne est effectivement en plein essor. Trois forums économiques et deux réunions du conseil économique germano-kirghiz ont eu lieu au cours des deux dernières années. Le 26 novembre dernier, 17 documents bilatéraux ont d’ailleurs pu être signés, portant principalement sur l’économie et le commerce, ainsi que sur la collaboration dans l’éducation, indique la présidence kirghize.
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Une entreprise européenne a fait l’objet d’une attention particulière : rencontrant Johan Pelissier, président de la région Europe pour Airbus, Sadyr Japarov a évoqué le projet de location de deux avions Airbus par la compagnie aérienne Asman Airlines afin d’assurer des vols vers l’Europe, relaie le service de presse du président du Kirghizstan. Il s’agit surtout de liaisons directes entre Bichkek et des destinations telles que Paris, Berlin et Londres.
La condition pour cela est toutefois qu’Asman Airlines soit retirée de la liste de sécurité aérienne de l’UE, sur laquelle figurent actuellement toutes les compagnies aériennes kirghizes. Le président s’est pourtant montré confiant à ce sujet, vu le travail de ces dernières années pour « améliorer la sécurité aérienne, introduire des normes internationales et moderniser l’infrastructure, ce qui a nettement augmenté les chances d’une levée des restrictions. »
Un rapprochement avec l’Europe… ou pas
Aussi tentant soit-il d’interpréter la mise en place de lignes aériennes directes comme un rapprochement entre le Kirghizstan et l’Europe, il ne faut pas exagérer la portée de la visite de Sadyr Japarov en Autriche et en Allemagne. Les enjeux sécuritaires découlant de la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan et la nécessité de rechercher de nouveaux partenaires économiques et de nouvelles routes commerciales à la suite de l’invasion russe en Ukraine n’en ont certes pas moins entraîné un regain d’attention sur les pays d’Asie centrale.
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C’est ce que montre, entre autres, le format 5+1 que l’Allemagne a lancé en 2023 et réédité en septembre dernier. La fréquence des entretiens bilatéraux a également augmenté : Olaf Scholz et Sadyr Japarov s’étaient rencontrés pour la dernière fois à l’approche du sommet 5+1 à Astana. Quant au président Frank-Walter Steinmeier, sa dernière visite au Kirghizstan remonte à juin 2023.
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Néanmoins, tout cela ne doit pas faire perdre de vue que les États d’Asie centrale continuent de mener une politique « multivectorielle ». Ils louvoient ainsi entre la Russie et la Chine très présentes dans la région, des puissances d’importance moindre comme la Turquie et l’Iran, mais aussi les États-Unis et les pays européens.
À cet égard, l’Europe peut marquer des points en tant que partenaire commercial, ce qu’elle n’a pas manqué de faire remarquer lors des rencontres à Vienne et surtout à Berlin. Mais pour ce qui est de la position du Kirghizstan en matière de politique de sécurité, le plan de voyage de Sadyr Japarov en dit déjà suffisamment long : de Berlin, il s’est rendu directement à Astana pour participer au sommet de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC).
Robin Roth
Rédacteur pour Novastan Deutsch
Traduit de l’allemand par Adrien Mariéthoz
Édité par Claude Foucaud
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