Au Tadjikistan, le gouvernement a mis en place une Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique. Adoptée en 2019, elle s’étend jusqu’à l’horizon 2030.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 10 décembre 2020 par le média tadjik Asia Plus.
La question du changement climatique et de ses incidences négatives sur l’environnement et les conditions de vie de la population a été abordée par le président Emomalii Rahmon lors de la conférence « L’eau au service du développement durable pour les années 2018-2028 », qui s’est tenue en juin 2018.
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Au cours de son intervention, le président tadjik a noté que, d’après des observations effectuées pendant de nombreuses années, les changements climatiques jouent un rôle de plus en plus important sur l’environnement et la situation socio-économique au Tadjikistan et en Asie centrale.
« Selon ces observations, la température moyenne annuelle de l’air au Tadjikistan a augmenté d’un degré au cours des 60 dernières années. De plus, la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes se sont accrues », a décrit Emomalii Rahmon. « Ces facteurs provoquent des catastrophes naturelles, telles que des inondations, des coulées de boue, des avalanches et des glissements de terrain qui causent chaque année des dommages considérables à la population et à l’économie du pays. Nous avons également perdu au cours des dernières décennies près de 1 000 glaciers, petits et moyens », a continué le président tadjik.
Une stratégie nationale
En conséquence, le pays a adopté en 2019 la « Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique du Tadjikistan pour 2030 ».Cette stratégie souligne que le Tadjikistan occupe la première place des pays les plus vulnérables au changement climatique parmi les pays d’Europe et d’Asie centrale, selon l’indice simplifié de vulnérabilité au changement climatique. Selon ce critère, expliqué par l’institut Ferdi, le Tadjikistan est un pays particulièrement exposé en raison de sa faible capacité d’adaptation. L’aggravation de problèmes existants et l’apparition de nouveaux risques, liés au changement climatique, constitueront des barrières à la réalisation de ses objectifs prioritaires de développement.
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Ces risques, de même que les mesures d’adaptation destinées à en limiter les conséquences pour la population et les secteurs clés de l’économie, constituent des éléments importants de la stratégie nationale tadjike.
Selon les données de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, l’augmentation moyenne de la température risque d’atteindre 1,9 °C d’ici à 2050. « Cela aura des incidences dans tous les domaines. Par exemple, le changement climatique, responsable de la fonte inattendue et soudaine des glaciers, augmente le risque d’inondations, de coulées de boues et d’avalanches », décrit la stratégie nationale. « Les épisodes de sécheresse, les inondations et les phénomènes climatiques extrêmes aggravent les problèmes de pauvreté du fait de la destruction des récoltes et de la perte de revenus et accentuent le processus de migration. La population est obligée d’émigrer à la recherche de travail », explique le texte.
Le Tadjikistan est le plus vulnérable en Asie centrale
Le changement climatique s’observe dans le monde entier. En comparaison avec les autres pays d’Asie centrale, le Tadjikistan n’est pas un grand émetteur de gaz à effet de serre : il occupe la 132ème place. Dans la région, le Kazakhstan est le pays le plus émetteur, à la 23ème place, suivi de l’Ouzbékistan à la 38ème place et, bien plus loin, du Kirghizstan à la 116ème place. Néanmoins, le Tadjikistan est considéré comme le pays le plus vulnérable à l’échelle régionale.
Pour prévenir une augmentation de la température de la planète au-delà de la norme fixée, une réduction des émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère est nécessaire. Différents États dans le monde, dont le Tadjikistan, prennent des mesures : s’engager à maintenir la concentration de gaz carbonique à un niveau qui ne présente pas de danger pour l’environnement. À cette fin, un accord est intervenu il y a cinq ans au cours de la Conférence de Paris sur le climat, dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies, portant sur des mesures juridiques destinées à réduire les émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère à partir de 2020.
Le Tadjikistan est l’un des 196 États à avoir signé l’Accord de Paris, le 22 avril 2016 au siège des Nations unies, ratifié le 13 février 2017. Les États signataires de l’Accord de Paris sont convenus d’adopter un nouveau modèle de développement économique économe en carbone, en renonçant progressivement aux technologies traditionnelles d’extraction, de transformation et d’utilisation des énergies fossiles au profit des technologies dites « vertes ».
Avec la pandémie de coronavirus, certaines émissions ont été réduites au Tadjikistan. « Le Covid-19 a des répercussions non seulement sur la vie de millions de personnes, mais aussi sur l’environnement. La réduction des déplacements s’est traduite par une réduction des émissions de CO² », a estimé Dilovarcho Doustzoda, directeur de l’Agence hydrométéorologique et représentant permanent du Tadjikistan auprès de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). « Comme le confirment les spécialistes, la qualité de l’air dans certaines régions s’est également améliorée. La mise à l’arrêt de nombreux sites de production, du secteur de l’aviation et d’autres moyens de transport a réduit la pollution atmosphérique. Mais nous devons nous demander si cet effet favorable sera durable à long terme », a décrit l’expert.
La fonte des glaciers et ses répercussions
Depuis longtemps, les climatologues tirent la sonnette d’alarme à propos de la rapidité de la fonte des glaciers au Tadjikistan. Environ 30 % de la calotte glaciaire a disparu depuis 1930 ; actuellement, elle fond à un rythme annuel oscillant entre 0,5 % et 0,8 %. Le glacier Fedtchenko, le plus grand du Tadjikistan, d’un volume de 144 kilomètres cubes, a régressé d’un kilomètre et a perdu environ cinq kilomètres cubes de glace depuis le début du XXème siècle. Selon les experts, le Tadjikistan compte plus de 13 000 glaciers, pour un volume total de 850 kilomètres cubes.
D’ici à 2050, ce chiffre pourrait se réduire de moitié : si des mesures ne sont pas prises dans l’immédiat, une partie des glaciers du Tadjikistan pourrait disparaître complètement. La fonte des glaciers augmentera le risque d’inondations soudaines dues à des ruptures de lacs glaciaires. D’un point de vue économique, les pertes seraient importantes, notamment dans les campagnes, où vit plus de 60 % de la population. Des pertes significatives frapperaient le secteur agricole à la suite de coulées de boues fréquentes et de la sécheresse qui s’ensuivrait. La baisse des rendements agricoles entraînerait une baisse du niveau de vie. C’est pourquoi les mesures d’adaptation prises par le gouvernement tadjik sont importantes et viennent à un moment décisif.
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La question du changement climatique au Tadjikistan et de ses conséquences concerne directement tous les pays d’Asie centrale. En effet, c’est au Tadjikistan que se forme une part importante des ressources hydriques d’Asie centrale : la fonte des glaciers dans le pays représente une très grande menace pour la région dans son ensemble. Le changement climatique exerce en effet une influence néfaste sur la production d’énergie hydraulique, sur l’approvisionnement en eau et l’irrigation.
Des actions de sensibilisation de la population
En octobre dernier, une initiative intitulée : « Mois d’action pour le développement du climat vert » a été lancée pendant un mois, du 24 octobre 2020 au 21 novembre 2020. Elle a été mise en œuvre conjointement par le Comité de protection de l’environnement auprès du gouvernement du Tadjikistan et l’Agence de coopération allemande Giz. Dans ce cadre, différents évènements ont eu lieu en ligne.
Selon les organisateurs, ce mois d’action visait à sensibiliser le public afin qu’il appréhende les problématiques environnementales, d’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et le changement climatique dans le monde entier. Ce dernier aggrave les conséquences de la dégradation de l’environnement au Tadjikistan et touche de nombreux aspects de son économie.
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Toutes ces actions ont pour objectif de sensibiliser la population au thème de l’environnement. Les évènements ont eu lieu en ligne, ce qui a élargi leur auditoire, les organisateurs étant ainsi à même de porter l’information à un plus grand nombre de personnes.
Le mois d’action a permis également de sensibiliser au caractère intersectoriel du changement climatique, de pousser à un changement de comportement et d’inciter les gens à lutter contre le réchauffement climatique. Les évènements en ligne comportaient des tâches à accomplir, des concours artistiques, des « victorines » ou tournois, des débats d’étudiants, une série de podcasts et des cours donnés par des spécialistes.
Cette initiative s’est achevée le 20 novembre 2020 par une discussion sous forme de panel, à laquelle ont participé des représentants de structures gouvernementales, de la société civile et de la communauté internationale. Madame Zarafo Kiemzoda Soufildjon, vice-présidente du Comité de protection de l’environnement auprès du gouvernement du Tadjikistan a, au cours de son intervention, relevé l’importance des évènements organisés dans ce cadre, destinés à sensibiliser la population au thème de l’environnement.
Selon la vice-présidente, un programme d’éducation et de formation écologique de la population s’achève en 2020, alors qu’un programme analogue est en préparation pour les années 2021-2025.
L’engagement du Tadjikistan envers la communauté internationale
L’ambassadeur allemand au Tadjikistan, Andreas Prothmann, a déclaré quant à lui que le Tadjikistan était un partenaire important, capable de mettre en œuvre les accords internationaux. « À titre d’exemple, le Tadjikistan a signé la Convention sur la biodiversité biologique, la plus importante parmi les conventions internationales en la matière, et l’emblématique Accord de Paris, conclu au niveau mondial, visant à prévenir les risques liés au changement climatique », a-t-il affirmé.
Il a été noté que, pour assurer des conditions de vie digne aux générations futures, il importait de rendre possible la transition de l’économie tadjike, afin que le pays puisse progresser dans la voie de la durabilité et développer une meilleure résistance aux chocs mondiaux, tels que la pandémie actuelle, de même qu’aux défis posés par le changement climatique.
Traduit du russe par Michel Peetermans
Édité par Laura Sauques
Relu par Anne Marvau
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