Les effets des sanctions contre la Russie se font déjà ressentir au Tadjikistan. L’économie de cette ex-république soviétique d’Asie centrale a stagné pendant des années, et beaucoup de Tadjiks ont migré en Russie pour y trouver du travail. L’instabilité qui découle de la guerre en Ukraine a des répercussions sur pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne au Tadjikistan.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 6 avril 2022 par notre version anglaise.
À Douchanbé, capitale du Tadjikistan, le coût de la vie augmente. Comme le souligne le média américain Eurasianet, le Tadjikistan est économiquement dépendant de la Russie, et beaucoup de familles comptent sur les virements de leurs proches travaillant en Russie. Selon les données de la Banque Mondiale, la part des virements de travailleurs tadjiks en Russie vers leurs familles représente 26,7 % du produit intérieur brut (PIB) du Tadjikistan en 2020, ce qui place la république au rang de troisième pays le plus dépendant du monde.
Soutenez Novastan, le media associatif d’Asie centrale
En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média en anglais, français et allemand spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !
Avec la mise en place de sanctions contre la Russie suite au conflit en cours en Ukraine, et la nette hausse du dollar, presque tout est devenu plus cher ces dernières semaines.
Des frais difficiles à payer
Ferouza, professeure dans une université privée, a confié à Novastan les impacts qu’a la hausse du dollar sur les prix pour sa famille. «J’ai dû payer les frais de scolarité pour mon fils, il y a quelques jours. Aujourd’hui, le somoni est tellement bas face au dollar : c’est comme si je payais 100 dollars (91,95 euros) de plus comparé aux frais précédents», explique-t-elle.
Les frais pour les écoles internationales peuvent généralement être payés en dollars ou en somonis, la monnaie tadjike, mais les prix sont pour la plupart définis par le dollar.
Lire aussi sur Novastan : L’UEE démunie face aux sanctions contre la Russie et la Biélorussie
«J’ai voulu payer en dollars mais quand je suis allée à la banque, ils m’ont dit qu’ils n’étaient plus autorisés à effectuer des règlements en dollars. Je leur ai expliqué que c’était pour payer les frais de scolarité de mon fils mais ils m’ont répondu : “Non, nous pouvons uniquement vous donner des dollars avec une autorisation du directeur de la banque, et seulement si votre compte est en dollars.” Il y avait d’autres clients avec le même problème », ajoute-t-elle.
Envoyer de l’argent à la maison devient plus cher
Généralement, les Tadjiks choisissent d’échanger leur argent sur le marché noir plutôt qu’à la banque. « Vous pouvez trouver un meilleur taux si vous faites jouer la concurrence, mais c’est dangereux», explique à Novastan Nagina, employée de bureau dans le Haut-Badakhchan, dans l’Est du Tadjikistan.
« Mes enfants vivent à Moscou et d’habitude nous n’avons pas besoin qu’ils nous envoient de l’argent. Mais si c’est nécessaire, maintenant c’est plus avantageux de trouver quelqu’un qui voyage de Russie jusqu’au Tadjikistan, plutôt que d’utiliser les banques», dit-elle. Quand les virements sont envoyés de Russie, ils partent en roubles et arrivent en somonis. À cause de la dépréciation du rouble qui fait suite aux sanctions, les personnes travaillant en Russie doivent payer un supplément pour refléter l’évolution des prix et garantir le même nombre de somonis. C’est alors plus simple et moins cher d’envoyer des dollars en liquide avec quelqu’un qui voyage.
Lire aussi sur Novastan : La difficile situation des migrants tadjiks installés en Russie
Cette situation instable n’a rien de nouveau, souligne Nagina. « Nous avons de l’expérience. Pendant les crises financières, c’était pareil, donc on sait comment se préparer. On fait des provisions alimentaires, d’huile ou de farine, qui se conservent longtemps. On ne sait pas quand les prix vont encore changer, alors on doit être prêt », explique-t-elle.
L’insécurité alimentaire est déjà un problème majeur au Tadjikistan avec près de 27 % de la population vivant avec 1,90 dollars (1,73 euros) ou moins par jour, selon l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Alors que de nombreuses familles ont reçu un paiement unique de 500 somonis (35,01 euros) pendant la pandémie du Covid-19, le gouvernement tadjik n’a pas encore annoncé comment il réagira à la hausse des prix actuelle.
Les prix dépendent grandement du dollar
« Pour moi, ça a un impact sur mes dépenses quotidiennes bien sûr, et un peu sur mon entreprise », explique Alicher, un intermédiaire en importation, à Novastan. «Les gens achètent moins. Par exemple, regardez cette coque d’iPhone. Avant, elle était à 10 somonis (0,70 euros). Maintenant, elle en coûte 16 (1,12 euros)», dit-il.
Tout autour de la capitale, les commerces ont augmenté leurs prix, reflétant le nouveau coût de la vie. Une portion de plov, le plat national du Tadjikistan, coûte normalement 16 somonis (1,12 euros). Son prix atteint maintenant 20 somonis (1,39 euros). Plus parlant, le prix du pétrole du fournisseur russe Gazprom est passé de 10,30 somonis par litre (0,72 euros) à 12 somonis (0,84 euros). « Tout ici est connecté au prix du dollar. Le dollar est tout au Tadjikistan », conclut Alicher.
Fiona Katherine Smith Rédactrice pour Novastan à Douchanbé
Traduit de l’anglais par Jérémie Patot
Édité par Paulinon Vanackère
Relu par Emma Jerome
Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !