En Ouzbékistan, le district de Bostanlyk est l’une des zones de villégiature les plus recherchées du pays. Bien qu’elle ne soit pas éloignée de la capitale, Tachkent, son état est piteux. Au point que le président lui-même a dû ordonner des réformes et nommer des responsables.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 3 septembre 2020 par le média russe spécialisé sur l’Asie centrale Fergana News.
Le district de Bostanlyk, dans la province de Tachkent, rassemble presque tous les endroits touristiques les plus célèbres et emblématiques de l’Ouzbékistan. Du moins parmi ceux qui sont les plus proches de la capitale.
C’est précisément là, sur les berges des rivières et du lac artificiel Tcharvak, que sont situées les résidences luxueuses des hauts responsables politiques et de l’administration ainsi que les datchas des hommes d’affaires fortunés. Mais il y a aussi de nombreux camps sportifs, des centres de ski alpin et de loisirs, des sanatoriums et des plages appréciées des visiteurs.
Novastan est le seul média européen (en français, en allemand et en anglais) spécialisé sur l'Asie centrale. Entièrement associatif, il fonctionne grâce à votre participation. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de vous ! Vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, en réalisant un don défiscalisé à 66 %, ou en devenant membre actif par ici.
Qui en Ouzbékistan ne connait pas la célèbre chanson Britchmoulla, nommée d’après un village des environs ? Ou Tchimgan, la station de ski devenue si populaire auprès des Russes ?
Un manque d’équipement contrebalancé par les ambitions de l’État
Il y a chaque année plus de touristes, alors que les infrastructures laissent à désirer. Les moyens de communication ne sont pas bons, il n’y a pas de canalisations, les décharges d’ordures s’agrandissent et la pollution atteint les réservoirs d’eau.
De son côté, le président ouzbek, Chavkat Mirzioïev, cherche de toutes ses forces à transformer le district en véritable Mecque du tourisme. Dès 2017, il y a créé une zone touristique à laquelle il a appliqué toutes les conditions des zones économiques franches.
Lire aussi sur Novastan : L’Ouzbékistan veut développer son tourisme extérieur et domestique
Toutefois, cette décision a eu peu d’effets. C’est pourquoi le 28 août 2020 Chavkat Mirzioïev a publié un décret, dans lequel il reconnait les problèmes rencontrés dans l’administration du district. Cela inclue les infrastructures qui ne se développent pas, les routes et autres moyens de communication vétustes et les constructions illégales qui se poursuivent.
Il n’y a toujours pas de plan général de développement. De plus, personne ne s’occupe de la politique de traitement des déchets ni de la protection de l’environnement et des ressources naturelles.
Des instructions présidentielles
En premier lieu, le président veut instaurer dans le district de Bostanlyk, jusqu’au 31 décembre 2022, un système particulier de gestion administrative.
Les fonctions de directeur de la zone touristique franche Tcharvak et de coordinateur des activités de l’administration de tout le district de Bostanlyk seront confiées à une seule personne. Il s’agit du vice-Premier ministre et président du Comité d’État pour le développement du tourisme, Aziz Abdoukhakimov.
Son pouvoir sera étendu. Par exemple, il pourra proposer la nomination et la démission de l’administrateur du district et de son adjoint, ainsi que des représentants au niveau du district des différents départements des services publics centraux. Il pourra démettre de ses fonctions tout fonctionnaire dans le district qui n’aura pas exécuté convenablement les instructions.
Les pouvoirs du vice-Premier ministre dans le district de Bostanlyk revêtiront un caractère presque exceptionnel. La direction à la tête de laquelle il est placé aura à sa disposition les complexes touristiques, les sanatoriums, « les autres biens appartenant à l’État », ainsi que les parcelles de terrain sur lesquelles il est possible d’établir des infrastructures touristiques.
Une direction toute puissante
La direction sera chargée d’« utiliser efficacement » ou de vendre ces biens aux enchères, sur la base d’un inventaire que le cabinet des ministres aura directement approuvé.
Outre les nombreux autres pouvoirs qui lui sont attribués, le directeur aura le droit de conclure des contrats avec des investisseurs étrangers et des institutions financières internationales afin d’attirer des investissements, des crédits, des aides financières et des dons.
Lire aussi sur Novastan : Le tourisme ouzbek mis à mal par le coronavirus
Il aura le droit de mettre à profit des parcelles de terrain et des biens appartenant à l’État, pour peu qu’ils soient situés dans le district. Il pourra apporter en garantie des biens appartenant à l’État, en vue de l’obtention de crédits.
La création d’un fonds
Le directeur pourra directement faire venir des sociétés de consultance, des bureaux d’étude et des entreprises de travaux, ainsi que des spécialistes qualifiés.
Sous l’égide du Comité d’État pour le développement du tourisme, un fonds pour le développement de l’infrastructure touristique dans les zones montagneuses et isolées sera créé. Ce fonds recevra un crédit de 20 milliards de dollars qui sera alloué à la direction pendant 20 ans.
De plus, le ministère des Finances doit transférer au fonds 10 milliards de soums (787 700 euros), ce qui permettra d’élaborer un projet de plan d’aménagement détaillé du territoire du district. C’est Aziz Abdoukhakimov qui répartira personnellement tous ces fonds.
Les missions du directeur
Les principales missions que le président assigne au directeur du district de Bostanlyk consistent à accroître rapidement le nombre d’hôtels, de lieux de restauration, de centres de culture et de divertissement, de zones vertes destinées à la détente et aux promenades, de parcs, et à élargir la gamme de services offerts dans cette sphère.
Le directeur devra également veiller à développer le transport et la logistique à travers les réseaux de transport et de communication.
Lire aussi sur Novastan : Tadjikistan : le tourisme dégringole entre 2019 et 2020
Cela inclut la construction et la restauration de réseaux de distribution d’eau potable et d’évacuation des eaux usées ainsi que des réseaux de télécommunication. Il faut compter aussi l’amélioration des services d’information et des liaisons internet sur toute l’étendue du district. Ces mesures doivent également concerner les kichlaks, ces villages isolés en montagne.
Il s’agira aussi d’améliorer les conditions de vie de la population à travers le développement des infrastructures collectives. Enfin, le décret présidentiel interdit catégoriquement sur le territoire du district de Bostanlyk l’installation d’unités de production polluantes, nuisibles à l’environnement.
Centraliser les pouvoirs
« Dans l’esprit du chef d’État, la nouvelle direction constituera une superstructure de contrôle des pouvoirs locaux, qui dans les faits ne s’acquittent pas de leurs obligations », déclare dans une interview à Fergana News une source proche du gouvernement.
En fait, la direction remplacera l’administration du district, défaillante. En effet, celle-ci compliquait constamment l’action du gouvernement. Pour la faciliter, il a été décidé de tout placer sous l’autorité du vice-Premier ministre. Il prend ainsi les décisions directement, sans bureaucratie ni concertations inutiles.
Un mode de gouvernance particulier
L’économie de l’Ouzbékistan fonctionne jusqu’à présent à maints égards sous le régime de « commandement manuel ». Il n’existe pas encore dans le pays de système universel incluant l’unification des lois et de la fiscalité, une justice indépendante et un contrôle rigoureux exercé par la presse et la société civile.
C’est pourquoi, pour presque tous les projets étatiques d’envergure, un règlement dicté par le président décrit précisément ce qu’il faut faire, où, quand, par qui, etc.
Envie d'Asie centrale dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire en cliquant ici.
Aziz Abdoukhakimov est considéré, il est vrai, comme un progressiste et une personnalité très instruite et active. L’avenir dira ce qu’il est capable de réaliser dans le district de Bostanlyk au cours des deux prochaines années.
Cette nomination va questionner l’efficacité de ce modèle de gouvernance « manuelle ». Le vice-Premier ministre lui-même, placé à la tête du district après avoir reçu carte blanche du président en personne, sera un test pour ce modèle.
Daniil Kislov
Journaliste pour Fergana News
Traduit du russe par Michel Peetermans
Edité par Paulinon Vanackère
Relu par Charlotte Bonin
Merci d'avoir lu cet article jusqu'au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !