Certains observateurs songent à ouvrir le Tadjikistan au marché du carbone. Bien que la réalisation de cette idée soit pleine de promesses, elle se heurte à un manque de volonté politique, d’infrastructures, de spécialistes, de données et de moyens.
L’idée de la création d’un marché du carbone au Tadjikistan a commencé à surgir dans le contexte des nouveaux défis posés par le changement climatique et la nécessité de s’y adapter. Le pays se heurte à des problèmes écologiques et économiques comme la fonte des glaces ou la pression hydrique.
L’introduction d’un marché du carbone pourrait aider à attirer les investissements internationaux et le développement de projets écologiques, tels que l’écotourisme et la promotion des énergies renouvelables.
Le marché du carbone : une réalité pour le Tadjikistan
Attirer des capitaux au moyen du marché du carbone permettrait de participer à des initiatives internationales, comme celle de l’ONU sur les énergies vertes ou le projet de la Banque asiatique de développement. Les organisations internationales soutiennent activement le Tadjikistan, ce qui le rend plus sûr pour les investisseurs et permettra le succès de la création d’un marché du carbone.
Soutenez Novastan, le média associatif d’Asie centrale
En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média européen spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !Néanmoins, la création d’un marché du carbone au Tadjikistan va de pair avec de nouveaux risques et enjeux. La situation économique dans le pays exige des ressources financières pour la réalisation de projets écologiques qui pourraient représenter jusqu’à 96 milliards de dollars (82,7 milliards d’euros).
Selon la Déclaration nationale sur le climat et le développement du Tadjikistan, pour la réalisation d’un ambitieux plan de développement d’une économie verte, il est nécessaire d’investir 34 milliards de dollars (29,3 milliards d’euros) au cours de la période 2025-2030, puis 45 milliards (38,7 milliards d’euros) en 2031-2050.
Des difficultés à couvrir les coûts
Ces chiffres remettent en question la capacité du pays à couvrir seul les coûts, rendant la création d’un marché du carbone tributaire d’une aide extérieure.
En outre, développer une base infrastructurelle et législative, incluant un système de certifications de crédits carbone, est essentiel au bon fonctionnement d’un marché carbone. Or, cela n’existe pas encore au Tadjikistan. Les experts considèrent que des mesures concrètes sont nécessaires à la création d’un marché carbone au Tadjikistan.
Lire aussi sur Novastan : COP 29 : l’Asie centrale favorise la coopération régionale, les énergies et la gestion de l’eau
Lors de la COP 29 qui s’est tenue à Bakou en 2024, le ministre tadjik de l’Energie et des Ressources en eau, Daler Djouma, a souligné que le montant du financement climatique destiné à soutenir les pays en développement devrait être au moins multiplié par quatre. Il a noté que malgré la justesse de la décision d’augmenter l’aide financière à 300 milliards de dollars (258,5 milliards d’euros) d’ici 2035, ce n’était pas suffisant.
Des entreprises « insuffisantes pour former un marché du carbone »
Vadim Ni, dirigeant du Fond social-écologique du Kazakhstan, fait remarquer qu’afin de créer un marché du carbone au Tadjikistan, la mise en place de quotas au niveau des grandes entreprises est nécessaire. Cependant, cela nécessite la présence de grandes entités.
Actuellement, ces entreprises sont la compagnie d’aluminium tadjike TALCO, les centrales thermiques de Douchanbé et plusieurs autres entités qui pourraient être cotées pour les émissions de gaz à effet de serre. Mais ce nombre d’entreprises, selon Vadim Ni, « n’est pas suffisant pour former un marché du carbone à part entière. »

Mouazama Bourkhanova, chercheuse en sciences biologiques, directrice de la Fondation du Centre Dastgiri, qui soutient le développement du secteur civil par le biais d’initiatives environnementales, affirme que les crédits carbones peuvent réguler efficacement les émissions et contribuer à lutter contre le changement climatique de manière rentable.
Qu’est-ce qu’un crédit carbone ?
Les crédits carbones sont des quotas d’émission autorisés équivalant à une tonne de dioxyde de carbone. Chaque entité gouvernementale reçoit un certain quota d’émissions, qui est ensuite distribué aux entreprises. Les marchés du carbone permettent aux gouvernements et à d’autres acteurs non-étatiques d’échanger ces quotas.
Toutefois, le Tadjikistan ne dispose pas encore d’un système de surveillance, de déclaration et de vérification des contrôles des émissions de CO₂. Actuellement, les entreprises qui ne disposent pas de normes d’émission de CO₂ peuvent comptabiliser une empreinte carbone volontaire en utilisant les normes ISO 14064 et participer à des programmes internationaux de vente de crédits carbone provenant de centrales hydroélectriques par l’intermédiaire de l’étalon-or.
Au Tadjikistan, il est possible que les premières lois sur la régulation du CO₂ soient prises en 2025-2026.
Lire aussi sur Novastan : La neutralité carbone en 2060 ? La stratégie du Kazakhstan sur le banc d’essai
Les projets forestiers peuvent également apporter une contribution importante au marché du carbone du Tadjikistan. « Selon des études scientifiques, un arbre peut compenser de 21,77 à 31,5 kg de CO₂ par an. Pour compenser une tonne de CO₂, 31 à 46 arbres seront nécessaires », déclare Mouazama Bourkhanova.
Opportunités et risques du marché du carbone
La mise en place d’un marché du carbone au Tadjikistan peut constituer une étape importante vers le développement durable, mais le processus comporte de nombreux risques.
L’un des avantages est d’attirer des investissements internationaux pour des projets respectueux de l’environnement, comme le développement des énergies renouvelables. Cela ouvrira de nouvelles perspectives financières pour le pays, qui pourront être utilisées pour améliorer la sécurité énergétique et s’adapter au changement climatique.
Envie de participer à Novastan ? Nous sommes toujours à la recherche de personnes motivées pour nous aider à la rédaction, l’organisation d’événements ou pour notre association. Et si c’était toi ?
La participation au marché international du carbone permettra également au Tadjikistan de faire partie du système mondial de compensation des émissions de CO₂, ce qui peut stimuler la croissance économique.
Diversifier le marché de l’énergie
Le Tadjikistan dispose d’un important potentiel en matière d’énergies renouvelables, en particulier dans le domaine de l’hydroélectricité, et l’utilisation de cette ressource pour l’obtention de crédits carbone offre des perspectives supplémentaires. En outre, de tels projets peuvent contribuer à diversifier le marché de l’énergie, rendant le pays moins dépendant des sources de carbone.
Astkhine Pasoyan, directeur du Fonds pour les économies d’énergie, a donné à Asia-Plus son avis sur les risques et les opportunités liés à la création d’un marché du carbone au Tadjikistan.
Lire aussi sur Novastan : L’Ouzbékistan vise la neutralité carbone d’ici 2050
Pour lui, « les principaux risques liés à la création d’un marché du carbone au Tadjikistan sont le manque de spécialistes techniques, l’absence d’ instruments financiers nécessaires et le faible niveau de sensibilisation des entreprises. Cependant, les opportunités de ce marché sont liées à l’attraction d’investissements internationaux, à l’amélioration de la situation environnementale et à la création de nouveaux emplois grâce à l’introduction de technologies vertes. »
« Il est important de comprendre que la création réussie d’un marché du carbone nécessite non seulement une réglementation législative, mais aussi une sensibilisation des entreprises et des spécialistes locaux, ainsi que la disponibilité de solutions techniques et de conditions financières appropriées », ajoute-t-il.
Une absence d’infrastrucures qui pose problème
L’un des risques est l’absence d’infrastructures suffisantes pour contrôler et vérifier les émissions de dioxyde de carbone. Pour que le marché du carbone fonctionne efficacement, il est nécessaire de créer un système de comptabilisation des émissions et d’introduire des normes pour les crédits carbones.
En outre, la création d’un marché du carbone pourrait être confrontée à des défis économiques en raison des éventuels coûts supplémentaires liés à la réduction des émissions, ce qui, face à l’augmentation de la consommation d’énergie, pourrait avoir un impact négatif sur l’économie du pays.
Les leçons des marchés du carbone d’autres pays
Le Tadjikistan peut s’inspirer de l’expérience de pays présentant des conditions économiques similaires pour lutter contre le changement climatique et créer un marché du carbone. Les pratiques du Kazakhstan, du Kirghizstan et de l’Ouzbékistan sont particulièrement utiles. Ces pays sont confrontés à des défis similaires et mettent activement en œuvre des solutions en matière d’énergie durable et d’adaptation au changement climatique.
Le Kazakhstan investit dans les sources d’énergie renouvelable comme les énergies solaire et éolienne, ce qui pourrait servir d’exemple au Tadjikistan dans l’élaboration d’un cadre législatif visant à soutenir les projets verts et à attirer les investissements privés.
Le Kirghizstan se concentre sur l’agriculture durable, en développant l’eau et les technologies agricoles, ce qui pourrait également être utile au Tadjikistan. L’Ouzbékistan développe des projets d’écotourisme et d’économie verte, qui pourraient servir d’exemple au Tadjikistan en matière d’utilisation durable des ressources naturelles et de création d’emploi.
Lire aussi sur Novastan : Kirghizstan : encore des freins au développement des énergies renouvelables
Comme l’a fait remarquer l’expert Vadim Ni, pour que le marché du carbone fonctionne efficacement, le Tadjikistan doit contrôler et publier régulièrement des données sur les émissions, ce qui n’est pas encore le cas.
Mettre en place une stratégie gouvernementale claire
« Le Tadjikistan devrait s’inspirer de l’expérience des pays où le marché du carbone s’est développé ces dernières années, comme le Vietnam et l’Indonésie », considère Vadim Ni.
Envie d'Asie centrale dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire en cliquant ici.
La création d’un marché du carbone au Tadjikistan pourrait constituer une étape importante dans la transition vers le développement durable et attirer les investissements internationaux. Toutefois, le pays devra relever de sérieux défis, qu’il s’agisse du manque d’infrastructures et d’expertise ou de l’absence de cadre réglementaire et de systèmes de surveillance des émissions.
Selon les experts, le succès dépend d’une stratégie gouvernementale claire, de la mise en place de quotas pour les grandes entreprises et de la coopération avec les partenaires internationaux. Sans ces mesures, le marché du carbone du Tadjikistan risque de rester une opportunité manquée.
La rédaction d’Asia-Plus
Traduit du russe par Sophie Combaret
Relu par Léna Marin
Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !
Comment le Tadjikistan pourrait s’ouvrir au marché du carbone
Au Tadjikistan, la mort de cinq Chinois relance les inquiétudes sur l’instabilité à la frontière avec l’Afghanistan