BRUXELLES-ASTANA : UN NOUVEAU PONT CLIMATIQUE ? – Alors que le Kazakhstan a un objectif de neutralité carbonne d’ici 2060, les investisseurs européens y voient des opportunités dans les énergies renouvelables.
Comment les implications économiques, sociales et géopolitiques du changement climatique se manifestent-elles en Asie centrale ? Quels sont les cas d’urgence qui nécessitent une action immédiate ? Les mesures d’atténuation sont-elles suffisantes ? Pour répondre à ces questions, Novastan lance « Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? », une série d’articles consacrés au changement climatique au Kazakhstan, un projet fondé par Konstantin Blondeau-Mikhaïlov et Camille Ramecourt.
Tous les articles de la série sont disponibles ici.
L’Union européenne, partenaire majeur du Kazakhstan
L’Union européenne (UE) est le principal partenaire commercial du Kazakhstan, représentant 29,4 % de son commerce total en 2021. Les importations de biens de l’UE en provenance d’Asie centrale ont augmenté de 70 % entre 2021 et 2022, tandis que les exportations de l’UE vers l’Asie centrale ont augmenté de 89 %.
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Un partenaire montant de l’Union européenne sur le marché de l’énergie
Depuis la volonté de diversification des sources d’approvisionnement en énergie de l’Union européenne avec le conflit russo-ukrainien, le développement des partenaires dans le secteur n’a cessé de croître. Le Kazakhstan s’affiche dans les premières positions et exporte presque 70 % de son pétrole à destination de l’Union européenne, qui demeure son premier partenaire commercial.
Le pays, qui a fixé un objectif de neutralité carbone d’ici à 2060, souhaite s’imposer dans le renouvelable. Ainsi, le Kazakhstan a déjà largement commencé à accueillir des initiatives privées pour décarboner leurs activités, comme Total Eren, ACWA Power et Masdar. Principale porte d’entrée pour les investisseurs étrangers du secteur sur le territoire, la société Kazakh Invest offrant un accompagnement et un soutien notamment aux grands groupes européens depuis la signature d’un accord de partenariat de coopération renforcée entre l’Union européenne et le Kazakhstan en 2015.
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C’est par exemple le cas pour l’hydrogène vert. De nombreux porteurs de projets financés en partie par l’UE commencent à se tourner vers l’Asie centrale. Les pays comme le Kazakhstan souhaitant, au regard des objectifs précités, se placer en acteurs majeurs de l’hydrogène renouvelable pour accueillir les porteurs de projets. Dès lors, ce sont de nombreux acteurs du secteur privé qui ont eu pour ambition de venir s’implanter et développer leur activité sur le territoire kazakh.
La croissance de l’initiative privée sur le territoire kazakh
La présence croissante d’acteurs privés traduit par ailleurs la volonté d’accompagner le pays vers la décarbonation de son industrie. Toutefois, au-delà de la dépendance persistante du Kazakhstan envers la Russie, c’est aussi sur le plan strictement national que ces perspectives encourageantes sont à relativiser.
Johannes Baur, directeur de la coopération au sein de la délégation de l’Union européenne au Kazakhstan, rappelle auprès de Novastan que le pays « doit encore améliorer le climat des affaires et l’attractivité pour les investisseurs », mais dispose déjà d’un « cadre juridique suffisamment stable » pour attirer les grands investisseurs européens.
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Le pays a donc notamment pour objectif de se concentrer essentiellement sur le développement de l’hydrogène renouvelable (ou hydrogène vert) et commence à favoriser l’arrivée des investisseurs européens sur son territoire.
Des projets d’envergure signés avec Total
Dès lors, des acteurs majeurs du secteur de l’énergie ont d’ores et déjà annoncé publiquement vouloir s’implanter au Kazakhstan. Les deux principaux : les groupes Air Liquide et TotalEnergies.
Le 9 juin 2023, le groupe TotalEnergies a confirmé la signature d’un protocole d’accords portant sur un projet de contrat pour de la vente d’électricité. Le projet, baptisé Mirny, est engagé en partenariat avec le fonds national Samrouk-Kazyna et la compagnie nationale KazMunayGas, qui détiennent chacune une participation de 20 % au sein du projet.
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La plupart des projets de développement d’énergie renouvelable au Kazakhstan sont portés par la filiale Total Eren, qui est très active dans le développement des énergies renouvelables en Asie centrale, avec l’ouverture de deux centrales photovoltaïques dans les régions de Djamboul et Kyzylorda.
Des investissements majeurs d’Air Liquide
Quant à Air Liquide, le groupe français, acteur majeur dans le secteur de l’énergie, travaille activement avec la principale entreprise de pétrole et de gaz kazakhe du pays, KazMunayGaz.
Je fais un don à NovastanAir Liquide Munay Tech Gases LLP (ALMTG), filiale du groupe, fait le lien avec le territoire et lui fournit de l’hydrogène pour alimenter les raffineries de la société kazakhe notamment dans la région d’Atyraou. La filiale est actuellement détenue à 75 % par AirLiquide et 25 % par l’acteur kazakh. La co-entreprise a prévu d’investir jusqu’à 86 millions d’euros dans le pays.
Emmanuel Macron promeut le secteur privé français
Le développement des affaires françaises s’étend au-delà des questions énergétiques.
“La stratégie qu’on appelle Global Gateway, qui a été lancée en 2022 sous présidence française de l’Union européenne, contribue activement à ce corridor. Et vous pouvez compter sur la mobilisation des entreprises françaises et de tous nos savoir-faire dans la réalisation de ce projet qui participe de nos efforts de développement d’un nouveau corridor logistique entre l’Asie et la Méditerranée”, a déclaré Emmanuel Macron lors de sa visite à Astana au mois de novembre dernier.
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En 2022, l’UE a exporté pour plus de 10 milliards d’euros de biens se catégorisant en produits pharmaceutiques, équipements de transport et produits agricoles.
Ainsi, une croissance des échanges commerciaux est attendue sur les secteurs cités, des entreprises ayant accompagné le président français à Astana tels que SUEZ, EDF et Saint-Gobain se plaçant pour une présence forte dans le marché kazakh.
Un partenariat gagnant-gagnant ?
Par conséquent, le Kazakhstan veut diversifier son industrie et a ouvert ses portes aux investisseurs étrangers pour participer à son effort de décarbonation de son industrie. Par un partenariat gagnant-gagnant, le pays souhaite, à terme, faire de son territoire la plaque tournante de l’hydrogène entre l’Asie centrale et l’UE, plus que jamais désireuse de développer les énergies renouvelables au regard des objectifs que les États membres se sont communément fixés.
Cependant, il faut garder à l’esprit que « la priorité sera toujours la rentabilité », explique à Novastan Beril Ocakli, chercheuse associée au Centre d’études est-européennes et internationales de Berlin, dont les recherches portent sur la gouvernance et l’extraction. Pour elle, il est désormais rentable pour tout projet d’entreprise d’être étiqueté comme vert : c’est devenu un investissement comme un autre. Elle souligne la nécessité d’informer les habitants des projets qui les touchent et de partager avec eux les bénéfices.
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Elle s’interroge notamment sur l’enchevêtrement des anciennes industries extractives avec les nouvelles industries vertes en demandant : « Qui profite de la croissance de ces industries ? » L’exemple de Janatas, une ville mono industrielle du Sud du Kazakhstan, est parlant.
L’opacité autour des bénéficiaires
Toujours en exploitation de ses ressources phosphatées, la ville est en difficulté sur le plan économique, social et énergétique. En 2022, les centrales de chauffage ont dû faire un arrêt d’urgence lors d’une vague de froid, laissant les habitants sans chauffage pendant plusieurs jours. Or, en 2021, un parc éolien de 100 MegaWatts a été financé par une joint venture chinoise, construit et connecté au réseau national de Janatas. Alors qu’il aurait pu aider les communautés locales grâce à des infrastructures électriques renouvelées ou au moins mener à des retombées économiques, les habitants de Janatas importaient toujours leur énergie du Nord du pays.
La chercheuse a souligné l’opacité entourant toute l’opération du parc éolien, alarmant que l’énergie « verte » générée à la centrale pourrait très bien être utilisée par les industries de phosphate dans la région pour rebaptiser leurs produits comme « engrais vert » et non pour atténuer la pauvreté énergétique dans la région ou pour la transition vers une économie durable du pays. Elle espère que le projet Hyrasia, financé par des entreprises européennes pour produire de l’hydrogène vert dans la mer Caspienne, ne répétera pas cette erreur.
« Bruxelles-Astana, un nouveau pont climatique ? » est une série d’articles consacrés au changement climatique en Asie centrale. Tous les articles de la série sont disponibles ici. Ce projet a été fondé par Camille Ramecourt et Konstantin Blondeau-Mikhaïlov.
Nathan Mineur
Camille Ramecourt
Konstantin Blondeau-Mikhaïlov
Rédacteurs pour Novastan
Relu par Léna Marin
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