Le tribunal de la capitale kirghize a pris la décision d’arrêter l’activité de Radio Azattyk au Kirghizstan. Cette interdiction d’activité dans le pays a amené une vague de critiques du côté des organisations internationales des droits de l’Homme, qui craignent plus de restrictions envers les médias indépendants.
Le 27 avril dernier, le tribunal du district de Lénine à Bichkek a décidé de cesser l’activité d’Azattyk, la branche kirghize du média américain Radio Free Europe, sur le territoire du Kirghizstan, relaie le média kirghiz Kaktus. Une plainte contre l’édition Azattyk a été déposée au ministère de la Culture du Kirghizstan en janvier dernier, dans laquelle ce média est accusé d’avoir diffusé de fausses informations au sujet du conflit kirghizo-tadjik de septembre dernier, rapporte le média russe Fergana.
Le ministère considère que le matériel vidéo publié dans une filiale de la structure de Radio Free Europe, Current Time, enfreint la loi sur les médias, qui interdit la propagande sur la guerre, la violence, la cruauté et l’intolérance. Les représentants d’Azattyk ont l’intention de faire appel de la décision.
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En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média européen spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !Le président et directeur général de Radio Free Europe/Radio Liberty, Jamie Fly, a exprimé son mécontentement à propos de la décision du tribunal régional sur la fermeture d’Azattyk. Dans ses commentaires, il a ajouté que les lecteurs et auditeurs pourront toujours trouver le moyen d’obtenir des informations.
« Nous faisons appel de la décision scandaleuse du tribunal. Notre histoire nous a montré que lorsque les gens veulent obtenir des informations qui sont soumises à la censure de leur gouvernement, ils trouvent les moyens d’y avoir accès », estime Jamie Fly.
Une restriction de la liberté d’expression
L’organisation internationale des droits de l’Homme Amnesty International a également déclaré que le pouvoir du Kirghizstan limitait les critiques sur les évènements du pays et essayait de « faire taire les journalistes ».
Selon la directrice d’Amnesty International pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, Marie Struthers, les allégations du pouvoir selon lesquelles la vidéo mentionnée prône la haine sont un faux prétexte pour fermer un média indépendant.
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« La décision du tribunal sera renvoyée en appel, et Amnesty International répète son appel aux autorités kirghizes pour qu’elles renoncent à leurs tentatives via le tribunal de fermer Azattyk, de cesser les oppressions et les intimidations envers les journalistes et les critiques du gouvernement, et aussi de respecter, de protéger et promouvoir pleinement les mesures réalisées dans le droit de la liberté d’expression pour tous les médias dans le pays », ajoute Marie Struthers.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a appelé le pouvoir du tribunal de Bichkek à annuler sa décision.
« La fermeture de Radio Azattyk, l’une des sources d’information les plus populaires et les plus fiables du Kirghizstan, envoie un signal effrayant aux médias indépendants du pays et soulève de sérieuses questions au sujet de la direction dans laquelle le pouvoir kirghiz souhaite diriger le pays… Le pouvoir doit immédiatement annuler cette décision et permettre à la publication en ligne de travailler librement », déclare Goulnoza Saïd, coordinatrice des programmes du CPJ dans les pays d’Europe et d’Asie centrale.
La décision du tribunal propulse le pays dans son passé
« La décision du tribunal concernant Azattyk n’est pas inattendue, mais en tout cas, il y avait espoir que le pouvoir se ravise et donne un signal au tribunal pour qu’il prenne une décision légitime… Mais, avec la fermeture d’Azattyk, la liberté d’expression n’a pas cessé d’être. Le pouvoir fait une erreur, transformant la liberté d’expression en une cible, comme d’autres normes inscrites dans la Constitution », écrit le député Dastan Bekechev dans son canal Telegram.
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Il suppose que la tendance d’oppression sur les médias va continuer, mais que le pays va perdre progressivement son attrait pour les investisseurs étrangers. « Malheureusement, le pays, à cause de ces décisions stupides, retourne en arrière et se prive du droit au développement. Sans la liberté d’expression, aucun miracle économique ne se produira », a déclaré le député.
À quel degré Azattyk inquiète-t-il ?
Il est important de noter que le média Azattyk est une des éditions les plus populaires au Kirghizstan. Le nombre total d’abonnés dans tous les réseaux sociaux atteint 5 millions de personnes.
Le média kirghiz Bachta a montré son soutien à Azattyk. La rédaction a noté que les pressions sur les médias se sont déroulées seulement dans les moments les plus sombres de l’Histoire du Kirghizstan : avant la révolution des tulipes de 2005 et avant celle d’avril en 2010.
« Les présidents renversés, Kourmanbek Bakiev et Askar Akaïev, ont fait fermer Azattyk 28 jours avant la révolution. Plus tard, ils ont tous les deux été renversés pour leur politique autoritaire, leur domination clanique et leur pression sur la liberté d’expression. Sadyr Japarov sait parfaitement comment les évènements ont tourné déplorablement à cette époque, parce qu’il a été le conseiller de Kourmanbek Bakiev de 2007 à 2009 », indique le communiqué.
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Eldiyar Arykbaïev, rédacteur en chef de Kloop.kg, l’un des plus importants médias kirghiz, a partagé son opinion personnelle sur Facebook. Il y a condamné la décision du tribunal et souligné l’importance d’Azattyk pour les Kirghiz.
Des investigations importantes pour le pays
« La principale valeur du Kirghizstan réside justement dans la présence d’une presse indépendante et libre, et les juges et les fonctionnaires, par leurs actions irréfléchies, privent les Kirghiz de cette liberté », écrit-il.
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Il a noté qu’Azattyk a mené de grandes investigations et que sans cette rédaction, la société ne serait pas au courant de certaines infractions commises par des fonctionnaires au pouvoir au Kirghizstan. « Sans Azattyk, il n’y aurait pas eu ces excellentes investigations : Raïymbek Matraïmov aurait dirigé le pays, l’ampleur de la corruption aurait été encore plus colossale, la société n’aurait pas été au courant de toutes les infractions qu’ont dévoilées les journalistes d’Azattyk », constate le rédacteur en chef de Kloop.kg.
En octobre 2022, l’accès au site Azattyk a été bloqué au Kirghizstan. Les comptes bancaires des employés et de l’édition ont été gelés, conformément à la législation nationale sur le blanchiment d’argent. En décembre, l’interdiction d’accès au site a été déclarée pour une durée « indéfinie » par les autorités.
Cherzod Babakoulov
Rédacteur pour Novastan
Traduit du russe par Naïs Chaudagne
Édité par Lucas Morvan
Relu par la rédaction
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