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Une blogueuse kirghize recueille plus d’une centaine de témoignages de harcèlement sexuel

La blogueuse kirghize Aziza Mourzachova a mené une enquête sur sa page Instagram sur le thème du harcèlement. Elle a demandé aux filles si elles avaient déjà été harcelées, et les réponses continuent à affluer. Le média kirghiz Kloop a publié un long commentaire de la blogueuse et quelques témoignages de femmes.

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La blogueuse Aziza Mourzachova.

La blogueuse kirghize Aziza Mourzachova a mené une enquête sur sa page Instagram sur le thème du harcèlement. Elle a demandé aux filles si elles avaient déjà été harcelées, et les réponses continuent à affluer. Le média kirghiz Kloop a publié un long commentaire de la blogueuse et quelques témoignages de femmes.

Novastan reprend et traduit ici un article publié le 12 juin 2021 par le média kirghiz Kloop.

Selon le Service national des statistiques, le nombre de crimes contre les femmes ne fait qu’augmenter. Rien qu’en 2019, 4 400 crimes contre les femmes ont été commis sur le territoire de la République kirghize, soit 14 % de plus qu’en 2018. En 2019, 6 687 personnes ont fait appel à des centres de crise, dont 90 % de femmes.

Après une publication de la blogueuse kirghize Aziza Mourzachova sur Instagram, plus de 100 femmes ont partagé des histoires personnelles de harcèlement. Kloop a recueilli le témoignage de la bloggeuse ainsi que certains de ceux publiés sur Instagram. Ces témoignages sont publiés anonymement avec l’autorisation des personnes concernées.

Attention, ces récits contiennent des descriptions de violence, de harcèlement et d’intimidation.

Des femmes toujours blâmées pour le harcèlement qu’elles subissent

Le texte qui suit est le témoignage d’Aziza Mourzachova. « J’ai partagé ma propre histoire sur la façon dont j’ai été harcelée par un enseignant de l’université et j’ai accordé une interview à ce sujet à des médias régionaux. Lorsque le contenu a été publié, la plupart des commentateurs m’ont blâmée pour le harcèlement dont j’avais été victime.

J’ai compris que notre société ne reconnaît toujours pas à quel point le harcèlement est quelque chose de grave et que les filles ne sont pas à blâmer dans de telles situations. Avant cela, j’ai fait un sondage sur Instagram avec la question : « Vous sentez-vous en sécurité ? » La réponse a été négative dans 80 % des cas. J’ai parlé de situations où je sens que je ne suis pas en sécurité en tant que fille. Par exemple, quand on court le matin, on peut se faire siffler et taper sur les fesses.

« Vous sentez-vous en sécurité ? »

Cette fois, j’ai décidé de découvrir des histoires spécifiques, voir si mes abonnés étaient victimes de harcèlement. Honnêtement, lorsque j’avais prévu de faire une nouvelle enquête, je pensais qu’il y aurait au maximum 15 à 20 témoignages, car toutes les filles n’oseraient pas le raconter. De plus, je n’ai pas beaucoup d’abonnés, seulement un millier ou quelque chose comme ça, alors j’ai cru qu’il y aurait peu d’histoires. Mais malheureusement et à mon grand étonnement, il y en a eu beaucoup.

Plus d’une centaine de filles m’ont écrit des messages privés, d’autres directement dans la fenêtre du sondage. Certaines ont continué à m’écrire même après la fin du sondage. Des inconnues m’ont écrit, il y en avait tellement que ma messagerie Instagram s’était interrompue.

J’ai été terriblement choquée lorsue que j’ai compris l’ampleur du problème. Je ne veux pas donner des informations infondées, car il n’y a pas de données officielles, mais il me semble qu’une fille sur deux, voire chaque fille, a déjà été harcelée au moins une fois. On en est conscientes, mais on ne le comprend pas vraiment.

La lecture de chacune de ces histoires m’a secouée. Je ne pouvais pas le supporter, j’ai pleuré et j’ai eu mal au cœur. Il y avait notamment l’histoire d’un frère qui a violé sa propre sœur de 6 ans. C’est juste horrible. On prend conscience que cela se passe à côté de nous. Si on demande à nos connaissances, amies, collègues, voisines si elles ont été harcelées, la réponse est « oui ». C’est terrible que nos femmes et filles vivent dans une telle société.

« C’est horrible que nous ayons peur, que nous vivions dans la peur »

Chacune de ces filles a dit que, lorsqu’elle voyait un groupe d’hommes dans la rue, elle cherchait un endroit où tourner, à trouver une autre route, ou à traverser la rue. Ce n’est pas normal, c’est inacceptable.

La plupart des harcèlements se produisent dans les transports publics, dans les minibus, même s’il semblerait qu’il y ait toujours beaucoup de monde et que les passagers devraient intervenir. Mais non, cela n’arrive pas. Certaines filles ont écrit qu’elles n’avaient pas utilisé les transports en commun depuis cinq ans, uniquement par crainte d’être harcelées. Par conséquent, elles utilisent le taxi ou sont passées au transport personnel. C’est également inacceptable, car tout le monde ne peut pas se permettre de passer au transport privé.

Mes cheveux se dressaient quand des jeunes femmes racontaient comment leurs proches les harcelaient. En fait, les frères ou les oncles sont des personnes en qui les filles ont a priori confiance, car ce sont des personnes chères, des parents, mais le harcèlement a lieu de la part de ces personnes et c’est terrible. Le pire, c’est que les filles se justifient lorsqu’elles racontent leurs histoires. Elles disent : « Vous savez, je ne portais pas de vêtements moulants », « Ma jupe était en-dessous des genoux », « Je portais un hijab », « Je ne portais pas de maquillage voyant ». C’est-à-dire que la société persécute tellement les filles qu’elles commencent à se justifier.

Des souvenirs douloureux

Chaque fille doit comprendre que même si elle est vêtue d’une jupe courte ou d’une robe à décolleté ouvert, personne n’a le droit de la toucher et de la harceler. Les vêtements ne sont pas un signal qui doit provoquer le harcèlement. Beaucoup de filles ont dit que c’était douloureux pour elles de s’en souvenir, qu’elles n’en avaient jamais parlé à personne auparavant ; la douleur les habite jusque dans leur âme.

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Je suis choquée que mon sondage ait suscité un tel écho et que tant de filles m’aient écrit. Je ne savais pas qu’il y aurait autant d’histoires. Combien de filles sont silencieuses ? C’est terrible.Plus important encore, je pense qu’il faut éduquer les filles et leur dire comment défendre leurs limites. Les garçons aussi ont besoin d’être éduqués, il est nécessaire de transmettre l’importance du respect des limites des autres.

J’ai enregistré toutes les histoires sur mon compte Instagram, dans la section Stories, surtout pour ceux qui disent : « Pourquoi avons-nous besoin du féminisme, qui empiète sur nos droits, alors qu’on vit déjà très bien ! » Je demande à ceux-là de lire ces histoires. »

Témoignages anonymes de harcèlement de rue

« Ils se sont masturbés en nous regardant jouer, alors que nous n’étions que des petites filles. »« Je traversais le passage piéton, c’est alors qu’on m’a touché les fesses, et ce malgré le fait que je porte un hijab. »

« En 5ème classe (CM2 en France, ndlr), mon amie et moi rentrions à pied étant donné que nous habitions près de l’école. Nous étions en train de rentrer et c’est à ce moment là que nous avons rencontré un homme de 40 ans qui est venu vers nous avec son pantalon déboutonné, son pénis visible et a commencé à nous poser des questions. Je me souviens de ce moment où j’ai attrapé mon amie par la main et où nous nous sommes enfuies ! »

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« En 2013, mon amie et moi sommes passées à pied près du Palais des Sports. C’était dans l’après-midi. Nous étions habillées comme des étudiantes ordinaires. Pas de talons, pas de maquillage voyant, pas de vêtements courts. Trois gars marchaient vers nous. J’ai réussi à m’écarter et mon amie s’est placée juste entre eux. Deux l’ont serrée entre eux et un l’a embrassée. Elle s’est retournée, lui a attrapé le bras et demandé pourquoi il avait fait ça. Il l’a frappée à la mâchoire avec les mots « ta mère la pute ».

Nous étions sous le choc. Un garçon et une fille sont passés. Le garçon a voulu intervenir mais la fille l’en a empêché en disant « ça ne nous regarde pas ». Nous avons couru après eux, mais nous n’avons pas pu les rattraper. Nous avons écrit une déclaration à la police, mais les gars n’ont pas été retrouvés. »

« J’ai eu très peur à l’époque et j’y ai pensé toute la nuit »

« J’avais environ cinq ou six ans. Je suis sortie jouer dans la cour, mais mes amis n’étaient pas là et je me promenais seule. Quand je me suis assise sur un banc, un homme d’environ 45 ans s’est assis à côté de moi, il avait une tortue et a commencé à me la montrer, et bien sûr j’étais petite et intéressée. Il a commencé à rapprocher sa main contre moi alors qu’il était sur le banc. J’ai pensé qu’il n’y avait aucun problème.

Puis il s’est approché de ma jupe et a commencé un peu à la soulever. Je lui ai demandé de retirer ses mains et il m’a répondu que j’avais une saleté, qu’il la nettoyait. Je le croyais, mais j’étais sur mes gardes. Ensuite, les garçons de la cour sont venus vers nous et ont commencé à jouer au ballon. J’étais très contente, puis cet homme a commencé à dire que la tortue avait beaucoup de bébés, et qu’ils étaient chez lui.

Il m’a demandé si je voulais aller les voir, mais j’ai répondu que je n’avais pas le droit de suivre des inconnus. Il a ri et a commencé à essayer de me persuader de le suivre. Il a recommencé à rapprocher ses mains de mes fesses. J’étais très effrayée. Et les garçons nous regardaient un peu avec incrédulité. Eh bien, ils étaient comme mes frères, pour ainsi dire. Et à ce moment-là, ma mère est venue en courant et m’a ramenée à la maison. J’ai eu très peur à l’époque et j’y ai pensé toute la nuit.»

« J’ai développé la peur de porter des robes »

« Bonjour. Je veux aussi raconter mon histoire. J’étais en 10ème classe (première en France, ndlr). C’était le dernier appel de l’année scolaire, et toutes les filles s’étaient faites belles pour prendre une photo-souvenir à l’école. J’étais en robe : elle était ample, mais pas courte, jusqu’aux genoux.

En rentrant à la maison après l’école, j’ai croisé un groupe de gars. Au moment où je les ai vus, j’ai cherché directement à rebrousser chemin, mais il n’y avait nulle part où aller. C’est alors qu’ils se sont mis à siffler, à chanter et à un moment ils ont juste remonté ma robe, et je me suis retrouvée avec les fesses dénudées dans la rue… Après cet événement, j’ai développé la peur de porter des robes… »

Histoires de harcèlement d’écolières anonymes

« A l’école, les garçons pouvaient se pencher et toucher directement le pubis. »« Un élève de 11ème classem’a ouvertement agressée à l’école. J’étais en 8ème classe et j’étais timide quand il fallait parler aux gens. Puis ce mec s’est vanté auprès de ses amis d’avoir couché avec moi. Des rumeurs se sont répandues dans toute l’école, mais personne n’a découvert la vérité. »

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« Des gars plus âgés que moi se moquaient souvent, me criaient des choses, donnaient du coude à leurs amis. J’ai aujourd’hui 14 ans et je ne m’habille pas du tout avec des vêtements moulants. À l’école, les garçons me harcèlent, ne posent pas du tout les bonnes questions et font des allusions malsaines. Les gars me regardent souvent, moi et mes copines. Quand j’étais petite, un parent m’a agressée. Mon papa l’a traité de divers mots obscènes. Eprouver du dégoût pour le sexe opposé à 20 ans, d’accord, mais à 14 ans… »

Histoires anonymes de harcèlement au travail

« Au travail, un collègue me harcelait horriblement. Il pouvait venir par derrière et murmurer à mon oreille : « J’ai rêvé de toi cette nuit. Et en bas tu es sombre. » Il me poursuivait. Je ne savais pas quoi faire, j’ai presque fait une dépression nerveuse. J’ai fini par démissionner. »

« Mon manager, un homme âgé, touchait la poitrine d’une collègue qui est divorcée. Elle nous l’a dit, mais nous ne pouvons rien faire. Elle a besoin de ce travail. »

« Au travail, un homme m’a coincée dans un coin de l’ascenseur. Après ça, j’ai arrêté de prendre l’ascenseur, mais le harcèlement a continué psychologiquement, avec plus de 150 appels, du chantage, de la pression. « J’ai des contacts, je peux faire ce que je veux. » Quand je me suis tournée vers la direction, ils m’ont dit : « Tu devrais être flattée qu’une telle personne fasse attention à toi ». Après une telle déclaration de la direction, j’ai démissionné. »

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« Mon patron a commencé à me harceler, d’abord verbalement, puis les attouchements ont commencé. Ensuite, il a prétendu vouloir m’enseigner le massage, il s’est déshabillé et est monté sur moi. Et il y a eu beaucoup de ce genre de mouvements de sa part. Il n’a arrêté que lorsque je lui ai rappelé l’éthique professionnelle et que j’ai menacé de porter plainte contre lui. J’ai 23 ans et terriblement peur des hommes. Je me sens sale, ils ne voient que le vagin, et non la personne dans ce corps. Je ne me sens pas en sécurité au Kirghizstan et je ne fais confiance à personne. »

Histoires anonymes de harcèlement dans les transports

« Dans le minibus, devant moi, un homme touchait son pénis en érection en me regardant. J’étais habillée normalement, sans rien de moulant, pas en tenue courte et sans maquillage. »

« J’avais 12 ans et je voyageais dans un trolleybus bondé. Puis j’ai senti un homme se frotter contre moi par derrière et commencer à soupirer et à gémir. J’étais simplement paralysée, je ne pouvais ni crier ni bouger. Et cela a continué jusqu’à ce que je quitte le trolleybus sans attendre mon arrêt. Je n’ai même pas pris la peine de regarder cette merde en face, je me sentais terriblement dégoûtée et honteuse. Cela fait 24 ans depuis cet incident, mais les souvenirs perdurent. Je n’en ai jamais parlé à personne.

Maintenant que j’analyse cette situation, je pense au fait que les gens l’ont vu et entendu. Personne ne l’a arrêté. Ce n’est pas que du harcèlement, c’est de la pédophilie. »

« A 16 ans, j’étais assise près de la fenêtre dans le minibus, lorsqu’un homme s’est assis à côté de moi et a commencé à me caresser les jambes et entre mes jambes. Je n’arrivais pas à m’échapper. Il y avait des jeunes dans le minibus, mais ils se sont moqués de moi. Alors, j’ai réussi à le repousser et je me suis enfuie. Mes parents se sont tournés vers la police. Il y avait une policière incroyable qui s’appelait Aïzada. Je me souviens très bien, elle m’a semblé être une femme miracle, tout le monde la respectait et la craignait. Ce salaud a alors été retrouvé. Ses proches ont essayé de soudoyer mes parents, mais papa était prêt à tous les tuer. Ce monstre n’a été emprisonné que 15 jours. »

Histoires anonymes de harcèlement par des proches

« C’est difficile pour moi d’en parler. Un jour, mon beau-père m’a tripoté la poitrine. J’avais alors 14 ans, et je lui avais demandé : « Pourquoi tu fais ça ? Les pères ne font pas ça ». C’est alors qu’il a répondu : « un père a toujours le droit faire ça. » Je n’en ai parlé à personne et je ne pouvais pas le dire, car j’avais peur d’être jugée ou que personne ne me croie. J’ai encore une boule dans la gorge. Des années plus tard, ma mère a divorcé et je ne pouvais plus le supporter, je lui en ai parlé.

Elle a été choquée. Elle l’a immédiatement accusé et il a répondu qu’il m’avait touchée par accident. Il a commencé à trouver des excuses pour dire que ce n’était pas sa faute et qu’il ne l’avait pas voulu, qu’il m’avait juste accidentellement touchée. Mais je me souviens bien que ce n’était pas du tout par hasard. »

« Je ne pourrais jamais parler à personne de cette affaire »

« J’étais une écolière, en 6ème ou 7ème classe. Un parent vivait dans notre maison. Je me souviens comment la nuit, il ouvrait tranquillement ma couverture et me caressait les fesses. J’étais choquée, mais pour une raison quelconque, je ne pouvais rien dire à personne, ou peut-être que j’avais peur, je ne sais pas. Je le détestais et le déteste toujours. Je ne pourrais jamais parler à personne de cette affaire. J’avais honte, je ne sais pas pourquoi.

En grandissant, j’ai commencé à penser et à douter de moi-même. J’avais une question en tête et elle me hantait : « Suis-je vierge ou pas ? », par la suite j’ai tout compris et j’ai lâché prise ».

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« J’avais environ 11 ans lorsqu’un membre de ma famille du même âge est venu chez nous. Personne n’était à la maison. Apprenant cela, il s’est jeté sur moi. Je suis tombée au sol, mais il m’est apparu une force phénoménale, je l’ai juste repoussé loin de moi en hurlant. Je l’ai chassé de la maison.Il ne m’a rien fait physiquement, mais moralement, je me sentais horriblement mal. Je n’en ai parlé à personne. Parce que j’ai trois frères, ils le tueraient tout simplement. Et j’avais aussi peur qu’on me pointe du doigt et qu’on jase. Dès ma petite enfance, ma mère m’a dit qu’il ne fallait pas rester seule avec des personnes de sexe masculin, même avec des proches. Ne pas se laisser toucher. Crier sans s’arrêter si cela arrive. Être toujours sur le qui-vive. Mais je ne pouvais pas non plus le dire à ma mère. »

« Je ne pouvais le dire à personne, car mon frère était beaucoup trop fort et il aurait pu me tuer »

« Quand j’avais six ou sept ans, je vivais dans la même pièce que mon frère. Ma mère était déjà morte à l’époque. Une nuit, je me suis réveillée et je me suis sentie mal à l’aise ; c’était mon frère qui enlevait mes vêtements. Cela s’est répété pendant six mois, il regardait du porno et essayait de le faire avec moi. Un jour, j’ai dormi dans une autre pièce, mais il y est venu aussi. Pendant que je dormais, il enlevait mes vêtements. Une fois, il a fini sur mon cul et m’a dit del’essuyer.

Ensuite, j’ai dû retourner dans notre chambre et la nuit, il me déshabillait et essayait de fourrer son pénis dans ma bouche. Il a enfoncé ses doigts en moi quand j’étais profondément endormie sans que je n’aie le temps de me réveiller. Un jour, j’en ai eu marre et j’ai mis tous les vêtements que j’avais. Cette nuit-là, il n’est pas venu me voir, et le matin tout le monde m’a demandé pourquoi j’avais mis tant de vêtements. Je ne pouvais le dire à personne, car mon frère était beaucoup trop fort et il aurait pu me tuer… A ce moment-là j’avais très peur et personne n’est au courant de cette histoire. »

Pas de poursuites judiciaires dans la plupart des cas

Selon l’Association des centres de crise, 83 % des femmes au Kirghizstan ont subi au moins une fois des violences psychologiques, physiques ou sexuelles dans leur famille. La plupart des femmes touchées ne sont jamais allées voir les forces de l’ordre. En 2017, la loi sur la protection et la défense contre la violence domestique a été adoptée. Elle oblige les policiers à délivrer une ordonnance de protection à tout membre de la famille en cas de violence. Un tel document interdit au violeur de contacter la victime.

En 2019, neuf étudiantes de l’Université slave kirghizo-russe (KRSU) ont signalé des cas de harcèlement de la part du professeur d’études religieuses Denis Brousilovsky. L’une des filles s’est adressée à la police. Cependant, les autorités chargées de l’application des lois ont abandonné les poursuites contre l’enseignant pour absence de corps du délit.

La lente évolution de la loi

En février 2021, la Direction des affaires intérieures de Bichkek a publié une vidéo sociale sur le harcèlement et a pour la première fois commencé à parler du problème. Le département a appelé à signaler les cas de harcèlement et a souligné qu’il ne s’agit pas seulement d’un contact physique non désiré, mais aussi des abus verbaux ou des menaces, des remarques malveillantes et des blagues grossières.

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En mai 2021, le Conseil suprême du Kirghizstan a soumis au débat public le projet de loi « portant modification du Code du travail ». Selon les députés qui l’ont initié, le projet a été élaboré afin de protéger le droit du salarié à l’inviolabilité personnelle, ainsi que pour assurer la protection du salarié contre le harcèlement dans le domaine des relations de travail.

Comme toile de fond, les députés citent une étude réalisée avec le soutien du Programme conjoint de gouvernance de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). L’étude indique que 23 % des femmes qui travaillent, ainsi que 21,9 % des étudiantes, ont été victimes de harcèlement sexuel. Le document indique que 80 % des cas de harcèlement se produisent dans les agences gouvernementales. Selon l’étude, 70 % des femmes de 20 à 38 ans, célibataires et en situation de simples salariées, sont victimes de harcèlement.

Aïkokoull Ibraïeva Journaliste pour Kloop

Traduit du russe par Amir Ayat

Édité par Luna-Rose Durot

Relu par Amada Blanc

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