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Tadjikistan : la ville de Sarazm va fêter ses 5 500 ans

La plus ancienne ville d’Asie centrale s’apprête à célébrer son 5 500ème anniversaire en septembre 2020. Située dans le nord-ouest du Tadjikistan, Sarazm a fait l'objet de travaux de recherche et d'excavation depuis 1976. Aujourd’hui, de nombreux archéologues du monde entier s’intéressent à ce site, déclaré en 2001 patrimoine historique et archéologique et considéré comme le berceau de l’urbanisme au Tadjikistan, et, plus largement, en Asie centrale.

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La ville de Sarazm, située dans le nord-ouest du Tadjikistan, va fêter ses 5 500 ans le 12 septembre 2020.

La plus ancienne ville d’Asie centrale s’apprête à célébrer son 5 500ème anniversaire en septembre 2020. Située dans le nord-ouest du Tadjikistan, Sarazm a fait l’objet de travaux de recherche et d’excavation depuis 1976. Aujourd’hui, de nombreux archéologues du monde entier s’intéressent à ce site, déclaré en 2001 patrimoine historique et archéologique et considéré comme le berceau de l’urbanisme au Tadjikistan, et, plus largement, en Asie centrale.

Novastan reprend ici et traduit un article publié le 15 août 2019 par le média russe spécialisé sur l’Asie centrale, Fergana  News. 

L’un des plus anciens sites historiques du Tadjikistan, la ville de Sarazm s’apprête à fêter son 5 500ème anniversaire. Par décision des autorités, les principales célébrations auront lieu le 12 septembre 2020 à Pendjikent, dans le nord-ouest du pays, près de la frontière ouzbèke. Un budget de 825 000 somonis (70 500 euros), a été alloué aux conférences, réceptions et cadeaux. Pas moins de 66,4 millions de somonis (5,7 millions d’euros) sont nécessaires pour restaurer les monuments historiques de Sarazm et construire de nouvelles structures sociales et culturelles à Pendjikent.

En quoi le site de Sarazm est-il unique ? Quelle était son importance dans l’histoire des peuples d’Asie centrale ? Visite aux origines de la civilisation.

Au commencement, il y avait une hache

Sarazm est situé à seulement 15 kilomètres de Pendjikent. Son nom vient du tadjik « Sari Zamin », qui signifie « le début de la terre ». En 1976, un villageois local, Gouratch Achourali Taïlonov, en visite au musée municipal de Pendjikent, fait la rencontre d’Abdoullodjon Issakov, un employé du site archéologique, qui lui montre certains objets retrouvés. « J’ai une hache en bronze similaire que je garde depuis six ans », lui dit alors Gouratch Taïlonov, qui propose de montrer la pièce.

Intéressé par la découverte, Abdoullodjon Issakov organise immédiatement des travaux d’excavation et de recherche qui ont mis au jour, il y a 44 ans, le plus ancien village d’Asie centrale, fondé au IVème ou IIème millénaire avant notre ère. Plusieurs palais, édifices religieux et résidentiels, ainsi que de nombreux objets de la vie quotidienne et outils de travail ont été découverts.

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Monument à la mémoire d’Abdoullodjon Issakov à Sarazm.

Aujourd’hui, la ville voit passer de nombreux archéologues, historiens et architectes qui effectuent fouilles et analyses. L’archéologue Abdouraouf Razzokov travaille ici depuis plus de trente ans. « En 1982, un colloque international consacré aux problèmes historiques et archéologiques en Asie centrale s’est tenu à Douchanbé (la capitale tadjike, ndlr), au cours duquel Abdoullodjon Issakov a présenté un exposé scientifique », explique-t-il. « Son rapport a éveillé l’intérêt de scientifiques français qui avaient travaillé durant de nombreuses années à l’excavation de villes anciennes dans le sud du Turkménistan, en Iran, en Afghanistan et au Pakistan. Ils ont souhaité coopérer aux fouilles à Sarazm », décrit Abdouraouf Razzokov.

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« Avec l’aide de l’académicien Mouhammadjon Ossimi, le premier groupe de scientifiques dirigé par Henri-Paul Francfort est arrivé à Sarazm en 1984 », poursuit l’archéologue tadjik. « En 1994, Douchanbé a accueilli un nouveau colloque pour présenter les résultats de ces dix années de recherches. On a ainsi constaté que le modèle d’urbanisme du nord-est de l’Asie centrale prenait ses origines à Sarazm. Ce colloque a permis de présenter la ville au monde », affirme-t-il.

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En septembre 2001, par décret du gouvernement tadjik, Sarazm a été nommé « berceau de l’agriculture, de l’artisanat et de l’urbanisme tadjiks » et déclaré patrimoine historique et archéologique.

Selon Abdouraouf Razzokov, la superficie originelle du site proto-urbain atteignait près de 100 hectares. Après un intense développement pendant des milliers d’années, il a atteint son apogée à la fin de l’âge du cuivre et au début de l’âge du bronze, soit aux alentours du IIIème millénaire avant notre ère. Actuellement, sur ces 100 hectares, 47 sont identifiés comme étant des emplacements de monuments antiques. Parmi ceux-ci, 17 hectares sont en cours d’excavation.

En 2003, le président tadjik Emomalii Rahmon a ordonné d’enceindre le site et a lancé sa procédure d’inscription sur la liste du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. En 2009, le site a été examiné par des experts internationaux avant d’être inscrit, l’année suivante, au patrimoine de l’UNESCO.

Un site unique et essentiel

« Près de 4 000 outils non métalliques et plus de 300 outils métalliques de travail et de production ont été trouvés sur le site. Des outils destinés au travail du métal suggèrent qu’au IIIème millénaire avant notre ère, Sarazm était l’un des principaux producteurs de produits métalliques en Asie centrale et au Moyen-Orient », explique Abdouraouf Razzokov.

« Une autre industrie d’importance concernait l’extraction et le traitement des pierres ornementales. La région était riche en or, argent, étain et cuivre. La découverte de bijoux de luxe sertis de pierres ornementales et de déchets issus de cette production permet de considérer Sarazm comme le centre d’extraction de pierres ornementales et d’orfèvrerie le plus important d’Asie centrale antique », ajoute l’archéologue tadjik.

Plus largement, le caractère unique de Sarazm réside dans la symbiose des différentes cultures y ayant cohabité. Vers le milieu du IVème millénaire avant notre ère, les Sarazmiens ont établi des liens culturels et commerciaux avec les centres agricoles du sud du Turkménistan, de l’Iran, du Baloutchistan, de l’Inde et de l’Afghanistan actuels. Des colons du sud du Turkménistan et des citoyens d’Anau vivaient alors dans la ville. Au Vème ou au début du IVème millénaire avant notre ère, leurs ancêtres avaient commencé à se sédentariser mais, en raison du manque de terres, d’eau et d’autres ressources naturelles, la jeune génération a commencé à s’installer dans les territoires voisins.

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Les peuples de l’âge de cuivre étaient nomades. Ils n’avaient besoin que d’eau et d’un terrain plat pour pratiquer agriculture et élevage. Petit à petit, les villages se sont formés non loin des ressources naturelles telles que la pierre et le cuivre. Ces minerais, une fois travaillés, étaient exportés vers les villes et États voisins. Les échanges commerciaux et culturels entre Sarazm et ses voisins se sont dès lors développés.

« Sarazm était le point d’origine de la propagation de l’agriculture vers l’est. Ses habitants maîtrisaient l’irrigation et l’aridoculture, l’élevage et l’artisanat », explique Farhod Razzokov, le fils d’Abdouraouf Razzokov, chercheur à la Faculté d’histoire de l’Académie des Sciences du Tadjikistan.

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« La position géographique du site en faisait un point de rencontre des techniques agricoles de l’ouest et du sud, mais aussi des tribus pastorales septentrionales. Toutes ces influences ont façonné la culture unique de Sarazm », explique Farhod Razzokov. « Ce mélange s’observe aussi dans l’architecture. Ainsi, la ville était composée de bâtiments de grande taille, soigneusement conçus et offrant des intérieurs richement décorés. Les maisons ont été aménagées pour répondre aux besoins du quotidien », décrit-il.

On trouve à Sarazm deux types d’autels, ronds et carrés. Ils sont associés à des rites, au cours desquels on pense que le feu jouait un rôle prépondérant.

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« Plusieurs hypothèses expliquent le déclin de la ville. L’une d’elles invoque un réchauffement climatique ayant entraîné une diminution de la quantité d’eau potable et d’irrigation et forçant les Sarazmiens à migrer », relève Farhod Razzokov.

Un financement compliqué

En 43 années de fouilles, plus de 20 bâtiments ont été mis au jour à Sarazm, dont cinq recouverts de structures métalliques avec des auvents. Les fouilles se poursuivent mais, en raison du manque d’argent, les travaux sont périodiquement suspendus et les découvertes sont à nouveau enterrées.

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Les vestiges de Sarazm, même abrités, restent fragiles.

« Nous espérons qu’à l’avenir, toutes les infrastructures découvertes à Sarazm seront protégées par des auvents, mais d’ici là, nous les recouvrons chaque année de terre pour les conserver naturellement. Cette méthode nous permet de poursuivre les analyses et d’obtenir de nouvelles informations tout en empêchant les structures de s’effondrer », explique Farhod Razzokov.

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« Il est rarissime que des monuments si anciens soient parfaitement conservés. De nombreux monuments d’Asie centrale ont été endommagés par le développement des terres agricoles à l’époque soviétique. Sarazm en a été préservée grâce à la mobilisation des scientifiques. Il s’agit là d’une formidable opportunité de poursuivre les recherches et montrer au monde comment nos ancêtres vivaient ici il y a 5 500 ans », argumente Farhod Razzokov.

Un chantier « unique »

Nafissa Braguina est maître de conférences à l’Université technique Ossimi et spécialiste en architecture et en design. Elle a décidé de consacrer ses vacances d’été 2019 aux fouilles à Sarazm. « L’été est la période des fouilles, on a besoin de moi ici. Je m’occupe des sites 15 et 17, je mesure et enregistre chaque découverte. Ce chantier est unique. Une porte et, fait très rare, un seuil ont été découverts ici. Grâce à la hauteur de la porte, on peut déterminer la hauteur des pièces », décrit-elle.

« Je suis toutefois préoccupée par l’état des bâtiments en terre battue à ciel ouvert. Certes, cinq d’entre eux sont abrités par des auvents, mais ceux-ci ne protègent que de la pluie, pas du vent. D’après mes observations, des vents secs soufflent ici 5 à 8 heures par jour durant tout l’été. En outre, 15 autres infrastructures à ciel ouvert ne jouissent d’aucune protection », s’inquiète Nafissa Braguina. « Partout dans le monde, les ruines en terre battue sont conservées très difficilement. Il nous faudrait appliquer les techniques des Japonais et des Coréens, qui ont obtenu de bons résultats. Leurs revêtements protègent au maximum les monuments en terre battue des influences extérieures », explique la chercheuse.

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À en croire les scientifiques, Sarazm a encore bien des choses à révéler sur l’histoire, la culture et le quotidien des peuples anciens d’Asie centrale. Les autorités se doivent donc d’en préserver l’intégrité.

« Les préparatifs du 5 500ème anniversaire de la ville sont en cours, la communauté scientifique et les autorités municipales mettent les petits plats dans les grands. Des routes, une nouvelle aile du musée et un centre flambant neuf où les scientifiques locaux et étrangers pourront travailler dans de bonnes conditions sont en construction. Je souhaite que Sarazm attire les touristes et les scientifiques du monde entier. Il y a du pain sur la planche pour plus de dix ans », conclut Farhod Razzokov.

Tilav Rassoul-Zade
Journaliste pour Fergana News

Traduit du russe par Pierre-François Hubert

Édité par Christine Wystup

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