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Un alpiniste russe explore de nouvelles crêtes du Pamir

Le voyageur russe Sergueï Romanenkov a passé 37 jours à explorer les chaînes de montagnes et les sommets encore inconnus du Pamir au Tadjikistan. Il raconte à Asia-Plus les difficultés et les plaisirs de ses explorations.

Rédigé par :

lmorvan 

Traduit par : Leonora Fund

Asia-Plus

Alpiniste russe Pamir
Sergueï Romanenkov, un alpiniste russe au Pamir. Photo : Asia-Plus.

Le voyageur russe Sergueï Romanenkov a passé 37 jours à explorer les chaînes de montagnes et les sommets encore inconnus du Pamir au Tadjikistan. Il raconte à Asia-Plus les difficultés et les plaisirs de ses explorations.

« Je suis très heureux de venir au Tadjikistan, où les gens sont très accueillants. Nous avons passé plusieurs fois la nuit dans le Pamir et avons été des invités d’honneur chez les habitants. Lorsque vous descendez dans la vallée après une excursion d’une journée et que vous n’avez pas la force de monter une tente et de préparer le dîner, vous pouvez être sûrs que n’importe quelle maison vous accueillera pour une nuit et vous nourrira », raconte Sergueï Romanenkov.

« Nous échangeons nos coordonnées avec nos hôtes, gardons contact et les recevons à Moscou lorsqu’ils viennent pour affaires », explique l’explorateur. Sergueï Romanenkov est entrepreneur, mais la montagne, le sport et les voyages occupent une place importante dans sa vie. Il est professeur de tourisme alpin, léopard des neiges (une récompense honorifique attribuée aux alpinistes émérites, ndlr), cinq fois champion de Russie de tourisme sportif et champion du monde de tourisme sportif.

Sur le site d’alpinisme risk.ru, son équipe a remporté le prix Crystal Peak dans les catégories meilleur trek et meilleure escalade. Sergueï Romanenkov est président du comité des itinéraires du club de randonnée sportive de l’Institut d’aviation de Moscou (MAI), où il a fait ses études. Sa mission consiste à approuver les randonnées de chaque groupe d’excursion pour s’assurer qu’elle soit sûre.

L’athlète est également impliqué dans le tourisme à ski, réalisant des expéditions en haute montagne l’hiver et dans les régions polaires, comme à l’île du Spitzberg, dans l’Arctique, la mer de Kara, le Pamir, etc…

La route du Pamir

Sergueï Romanenkov s’est rendu plusieurs fois au Tadjikistan et a rencontré l’alpiniste et pilote tadjik Chams Kakhorov. Les rapports de trekking et les descriptions d’itinéraires d’Alexander Rjepakovsky, un alpiniste de Douchanbé qui a parcouru le Pamir à l’époque soviétique, ont également grandement aidé l’aventurier russe dans l’organisation de son trek. Dans les montagnes du Pamir, Sergueï Romanenkov a effectué des randonnées à ski en hiver et à pied en été.

Son équipe a traversé le Pamir d’est en ouest pour la première fois en 2011, en partant de Mourghab, traversant le lac Sarez gelé et en descendant jusqu’au glacier Fedtchenko. Sur le chemin, ils ont dû escalader le pic des officiers soviétiques, le point culminant de la région du Pamir oriental, et le pic de l’Indépendance.

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Au cours de la même randonnée, ils ont visité le Pamir kirghiz, la vallée de l’Alaï et le pic Lénine, à la frontière entre le Tadjikistan et le Kirghizstan. Le trek le plus difficile a été celui de l’été 2014 avec l’ascension du pic Korjenevskaïa et la traversée du pic Ismoil Somoni, le plus haut sommet de l’ex-URSS. Le premier endroit où Sergueï Romanenkov est allé au Tadjikistan, en tant qu’étudiant, 18 ans plus tôt, était les montagnes Fann. Le voyage proprement dit s’est fait en cinq jours de train, de Moscou au Tadjikistan, en passant par Astrakhan.

Un voyage éprouvant

« Beaucoup d’entre nous voyaient alors l’Asie centrale pour la première fois et découvraient la belle ville de Douchanbé », se souvient Sergueï Romanenkov. « Après avoir visité les Fann, nous sommes allés à Pendjikent, puis à Samarcande, pour voir les sanctuaires musulmans. C’était génial ! Au début, je ramenais des souvenirs : des tioubeteïkas (couvre-chefs traditionnels, ndlr), des jeux de plateaux en bois et des couteaux asiatiques, mais maintenant j’en ai tellement que je n’en achète plus. »

Choughnon Pamir
Le district de Choughnon, dans le Pamir tadjik. Photo : Asia-Plus.

Le voyageur aime photographier la nature. C’est une des raisons pour lesquelles il apprécie les montagnes vierges. Selon lui, le Pamir est très varié, avec des sommets et des paysages aussi hypnotiques qu’uniques.

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Le trek de 2022 dans le Pamir a été long, tant en distance qu’en durée, mais l’équipe s’était déjà rendue dans des régions similaires et chacun savait qu’il atteindrait sa destination. Les corps a été mis à rude épreuve et, en 37 jours de marche, les participants ont perdu entre 7 et 12 kilogrammes. Ils ont perdu non seulement de la graisse, mais aussi des muscles, car la quantité de nourriture absorbée n’était plus suffisante pour le corps.

Après chaque randonnée de ce type, une période de récupération et de réacclimatation de deux à trois semaines est nécessaire, puis suit le régime d’entraînement habituel : entre les randonnées, il est important de faire du sport et de l’escalade, ainsi que de courir des marathons.

Addict aux sommets

Lorsqu’on lui demande pourquoi il aime aller en montagne, Sergueï Romanenkov répond avec les mots du célèbre alpiniste allemand Reinhold Messner : « Parce qu’elles existent ! » Pour lui, la montagne est une véritable drogue qui lui procure une palette d’émotions positives et lui permet de rencontrer des gens qui lui ressemblent.

« Malgré les difficultés et les privations qu’elle nécessite, la montagne illumine ma vie urbaine », déclare l’alpiniste. « Pendant un mois d’expédition, la nourriture, le lit douillet et d’autres commodités commencent à vous manquer. »

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Sergueï Romanenkov ne pense jamais aux éventuelles blessures et à la possibilité qu’un jour, il ne revienne pas d’une randonnée, mais il est conscient des risques.

Une passion pour l’inconnu

Les randonneurs sont attirés par les taches blanches sur la carte, par les endroits inexplorés. Ces endroits sont rares, mais il existe des sommets, des vallées montagneuses et des crêtes non escaladés. Plus l’endroit est difficile d’accès, plus il est passionnant de trouver un itinéraire sûr et praticable.

Dans les « montagnes commerciales » comme il les appelle, les pics Korjenevskaïa et Ismoil Somoni, régulièrement visités par les touristes, on trouve des camps alpins tout prêts avec des guides, ce qui manque d’intérêt aux yeux de Sergueï Romanenkov.

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« Dans ces endroits, les ascensions sont difficiles et la météo peut varier, mais quelqu’un a déjà accroché des cordes pour vous, emprunté le chemin vers le sommet, installé une tente. Il est difficile de se sentir comme un vrai randonneur », explique l’alpiniste. « Cette année, mon équipe a escaladé quatre nouveaux sommets, que personne n’avait jamais escaladés auparavant. Et c’est très émouvant : vous êtes le premier à voir une telle beauté ! Il y a 100 à 200 ans, lors de l’exploration de l’Arctique et de l’Antarctique, d’îles et de continents éloignés, il était possible de faire de grandes découvertes géologiques. Nous, il ne nous reste que les montagnes. »

Une aventure introspective

« Il est psychologiquement plus facile de gravir un sommet décrit et photographié par quelqu’un d’autre, et on ne sait jamais ce qui nous attend », raconte Sergueï Romanenkov. « Il faut essayer de penser à toutes les situations possibles et à comment y faire face. Et si on ne réussit pas, il faut revenir quelques années plus tard avec un équipement différent et essayer à nouveau. »

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« Je planifie toujours de grands itinéraires qui seront visibles sur le globe. Les 500 kilomètres de la traversée du Pamir sont bien visibles sur la carte », plaisante Sergueï. « En hiver 2015, nous avons traversé le Kamtchatka du nord au sud, parcourant 700 kilomètres à ski. L’année dernière, nous étions sur le plateau de Poutorana, dans le nord du territoire de Krasnoïarsk, où l’hiver est très rude et très beau avec des cascades gelées. La température avoisinait les -40 degrés Celsius et nous avons parcouru 600 kilomètres à pied. Nous avons nommé de nouveaux cols et de nouveaux sommets, ce sont nos petites découvertes. »

Sergueï Romanenkov a visité les Alpes, l’Arctique, le Caucase, le Kamtchatka, le Tian Shan, les Fanns et le Pamir. Il rêve de visiter les Andes, la Transbaïkalie, la Sibérie orientale, l’Himalaya et l’Alaska pour grimper à plus de 8 000 mètres d’altitude.

Le tourisme alpin en héritage

Les parents de Sergueï Romanenkov, également instructeurs de randonnée en haute montagne, emmenèrent leurs enfants en randonnée depuis leur plus jeune âge. Aujourd’hui, Sergueï Romanenkov et sa femme Nastia, rencontrée dans la chaîne du Caucase, font de la randonnée en montagne avec leurs enfants.

Nichgar Pamir tadjik
Le col de Nichgar dans le Pamir. Photo : Asia-Plus.

« Nous ne pensons pas que les montagnes soient dangereuses pour les enfants. Lorsqu’ils sont nés, nous étions déjà des sportifs expérimentés », explique l’explorateur. « Nous n’avions pas peur de la météo, ni des difficultés du terrain, ni de quoi que ce soit d’autre. Avec notre fils aîné, Petia, nous avons fait du camping pour la première fois alors qu’il n’avait que deux semaines. C’était l’été, le bébé était en bonne santé et il n’y avait aucune raison d’avoir peur. »

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Leur fils Petia, 12 ans, et leur fille Katia, 9 ans, font des randonnées faciles depuis qu’ils sont petits et essaient de le faire chaque année. Aujourd’hui, la vie de Sergueï Romanenkov se divise entre expéditions sportives de plus d’un mois avec des itinéraires complexes, traversant des lieux uniques et des crêtes, et des itinéraires de trekking avec ses enfants. Dès trois à quatre mois, les enfants étaient transportés en montagnes en porte-bébé.

« Nos amis et nous-mêmes avons une règle : pas de sport extrême en trekking avec des enfants ! L’objectif principal est de passer un bon moment dans la nature, que tout le monde s’amuse et que les enfants jouent avec leurs camarades pendant les pauses. Si quelque chose ne se passe pas comme prévu, il suffit de changer d’itinéraire », explique Sergueï Romanenkov.

Un loisir pas de tout repos

En trekking, les enfants apprennent très tôt à surmonter les difficultés, à aider leurs parents, à organiser leur vie quotidienne, pour scier du bois, monter une tente, cuisiner, ce qui favorise le développement de leur autonomie. Au cours de ces voyages, les touristes sportifs visitent des régions aux sommets plus simples d’accès mais à la nature unique : chutes d’eau, gorges, forêts, lacs, mais aussi quelques villes. Les enfants des alpinistes ont déjà visité l’Italie, l’Arménie, la Turquie et la Géorgie, mais ils ne sont pas encore allés en Asie centrale, car le coût du voyage est plus élevé.

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Le tourisme alpin n’est pas un loisir bon marché, mais les sportifs préfèrent passer leurs vacances de cette manière. Ils économisent de l’argent et se préparent toute l’année, afin de s’éloigner de l’agitation de la ville et faire ce qu’ils aiment.

Sergueï Romanenkov est sponsorisé par le grand magasin Sport Marafon et reçoit une partie de son équipement gratuitement. « Il est possible de gagner de l’argent grâce au tourisme alpin en organisant des voyages, mais ce travail ne convient pas à tout le monde. Il ne convient certainement pas à un père de famille », explique-t-il.

Anna Miftakhova
Journaliste pour Asia-Plus

Traduit du russe par Leonora Fund

Edité par Lucas Morvan

Relu par Véronique Tapponnier

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