Après la chute du khanat de Boukhara, le Tadjikistan est devenu en 1924 une République soviétique au sein de la République socialiste soviétique d’Ouzbékistan, puis acquiert son autonomie en 1929. L’intégration de cette « septième république » à l’URSS puis son effrondrement ne sont pas restées sans conséquences dans le pays.
Novastan reprend et traduit ici un article publié initialement par Asia Plus.
Avant l’ère soviétique, la majeure partie du territoire actuel du Tadjikistan faisait partie intégrante du khanat de Boukhara, État féodal archaïque d’Asie centrale. Dans les petites exploitations paysannes, appelées dehkans, les outils destinés à travailler la terre n’avaient pratiquement pas évolué depuis un millénaire. L’industrie était inexistante, hormis pour quelques manufactures d’artisans. La partie occidentale du khanat, qui comprenait les régions sud-occidentale et centrale de l’actuel Tadjikistan ainsi que le territoire du Pamir occidental, était considérée comme la plus pauvre de l’État.
L’arrivée au pouvoir des Soviétiques au Tadjikistan en 1924 s’est traduite par la construction d’usines, de routes et de gigantesques réseaux d’irrigation, ainsi que par le développement de l’agriculture.
Agriculture : irrigation et or blanc
Historiquement, le Tadjikistan est un pays principalement tourné vers l’agriculture. Celle-ci est demeurée son activité principale, même à l’heure du développement de l’industrie durant l’ère soviétique. Vers la fin des années 1980, les terres destinées à l’agriculture représentaient un tiers du territoire de la République, rassemblées en entités de production typiquement soviétiques, les kolkhozes et les sovkhozes. En 1986, l’État comptait environ 160 kolkhozes et quelque 300 sovkhozes.
En outre, de grands travaux d’irrigation ont permis d’atteindre en 1986 le seuil de 662 000 hectares de terres irriguées. La culture des terres représentait alors environ 65 % de la production agricole totale.
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La principale culture produite était le coton. Si, en 1913, la production totale végétait à seulement 32 300 tonnes, le volume de coton produit a grimpé à 640 000 tonnes en 1968, puis atteint le million de tonnes en 1986. Une tonne de coton produit permet d’obtenir 3 000 mètres de coton textile, 100 kilos d’huile végétale, 250 kilos de tourteaux et de nombreux autres dérivés encore.
Aujourd’hui, la production totale d’« or blanc » du Tadjikistan dépasse à peine les 390 000 tonnes.
Industrialisation à la tadjike
Durant l’ère soviétique, le Tadjikistan s’est vu doter de près de 400 usines. L’activité industrielle du pays s’est diversifiée pour couvrir une centaine de secteurs à la fin des années 1980. Parmi les plus importants, on comptait les secteurs de l’extraction minière, de la production de carburant, de la transformation des métaux et de la production de matériel de construction. La production du secteur textile, plus traditionnel, s’est particulièrement accrue. Elle était alors envoyée vers les autres Républiques soviétiques et vers 35 autres pays étrangers. Le combinat textile de Douchanbé, par exemple, produisait plus de 100 millions de mètres de tissu par an, tandis que la production du combinat de la soie, situé à Léninabad (l’actuel Khodjent, dans le nord du pays), était expédiée dans tout le reste de l’URSS.
Vers la fin des années 1980, le volume de la production industrielle du Tadjikistan avait été multiplié par 18 par rapport à 1940 et par 157 par rapport à 1913.
En 1975, la principale industrie du pays, l’usine tadjike de traitement de l’aluminium, est mise en service. C’est en 1989 que l’essor de cette usine connaît son paroxysme : cette année-là, près de 460 000 tonnes d’aluminium primaire sont produites.
À titre de comparaison, la production totale de l’usine est retombée en 2016 à environ 130 000 tonnes d’aluminium primaire.
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Durant l’ère soviétique, le Tadjikistan a pratiquement atteint son plafond de production agro-industrielle, plafond auquel le pouvoir en place souhaite à nouveau parvenir d’ici 2030. En parallèle, la dette de l’industrie dans le Produit intérieur brut (PIB) du pays a nettement chuté, passant de 33 % du PIB en 1987 à 15 % en 2016.
L’ère des barrages
L’énergie joue un rôle essentiel dans le développement de l’industrie. Afin d’exploiter la richesse des ressources hydrauliques du Tadjikistan, des ingénieurs soviétiques ont bâti des dizaines de centrales hydroélectriques, dont les principales étaient les barrages de Nourek, de Baïpaza, de Golovnaïa et de Kayrakkoum. La construction de la centrale de Rogoun et de cascades destinées à alimenter de grandes stations hydroélectriques sur la rivière Piandj avait également été mise en route. Mais ces chantiers ont suivi l’URSS dans sa chute et sont restés inachevés.
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L’énergie produite au Tadjikistan durant l’ère soviétique était expédiée vers presque toutes les autres Républiques d’Asie centrale, alimentées par un réseau énergétique unifié.
À la fin des années 1980, la production annuelle d’électricité au Tadjikistan atteignait les 17,5 milliards de kilowatts heure (kWh), tandis qu’en 2016, la production nationale se situait à 17,3 milliards de kWh, soit une baisse de 200 millions de kWh. La consommation énergétique du pays a cependant nettement augmenté. En témoigne la croissance démographique de la République tadjike au cours des 25 dernières années, qui a augmenté de plus de 3 millions d’habitants.
Connecter l’un des pays les plus escarpés au monde
Avant la période soviétique, le Tadjikistan ne disposait pratiquement d’aucune route digne de ce nom. La majorité des villages de montagne étaient purement et simplement coupés du monde presque toute l’année. Une fois l’été revenu, les communications étaient à peine possibles, via des sentiers de montagne étroits et dangereux.
L’arrivée des Soviétiques a permis la construction de milliers de kilomètres de routes et de voies ferrées. Les communications s’étendaient même dans la région reculée et difficile d’accès du Pamir, où l’on trouve l’une des routes les plus haut perchées du monde, qui relie Och, Khorog et Douchanbé.
Les années 1920 ont encore vu débuter au Tadjikistan de grands chantiers de construction de routes. Ainsi, la ligne de chemin de fer raccordant Douchanbé et Termez, situé à la frontière ouzbèke, a été inaugurée en 1929. La ville de Khorog a été reliée à Och par une voie routière en 1933-1934 et à Douchanbé en 1940.
Vers la fin des années 1980, presque tous les centres démographiques du Tadjikistan étaient connectés entre eux par un réseau routier, dont la majeure partie en revêtement solide.
Cependant, une grande partie de ces routes ont été partiellement détruites durant la guerre civile après l’indépendance, entre 1993 et 1997. Pour la seule remise en état de ces tronçons construits à l’époque soviétique, le gouvernement tadjik a décidé d’injecter près d’un milliard de dollars de crédits et de subventions venus de l’étranger.
Un bilan mitigé
À l’heure du bilan quant à l’influence de l’URSS sur la société tadjike, 100 ans après la révolution d’Octobre, les opinions divergent. Certains considèrent que l’établissement du pouvoir soviétique en Asie centrale a mené, dans une certaine mesure, au ralentissement du développement de la région, et notamment sur le territoire de l’ancien khanat de Boukhara qui, selon leurs affirmations, jouissait d’un potentiel économique certain.
Bien entendu, tous les avis sont dans la nature, mais il semble peu probable que le khanat aurait utilisé ce potentiel pour investir massivement dans sa zone occidentale, peuplée principalement de montagnards tadjiks.
Païrav Tchorchanbiev
Journaliste pour Asia Plus
Traduit du russe par Pierre-François Hubert
Édité par Camille Calandre
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